À l’orée des présidentielles, quelles sont les préoccupations principales de la profession infirmière face aux difficultés de l’hôpital public ? Et qu’attend-elle des candidats qui se présentent à la plus haute fonction publique ?
Qu'ils se réveillent et qu'ils viennent voir !
Des infirmières de l'hôpital public voudraient que le prochain quinquennat se traduise par une hausse des effectifs, des salaires et du nombre de lits pour pouvoir s'occuper dignement
des patients, comme l'illustrent des témoignages recueillis par l'AFP.
"Qu'ils arrêtent de dire que tout va bien"
Séverine est infirmière en soins généraux (IDE) dans un hôpital du Val-de-Marne. Son souhait : Qu'on nous laisse le temps de nous occuper de nos patients
. Les soignants ne veulent plus venir travailler à l'hôpital
, relate la quadragénaire, pour qui cette désaffection est liée aux salaires
, un vrai problème
. Mais aussi au nombre insuffisant d'infirmiers. En réanimation, nous avons la chance d'avoir un quota réglementé -deux infirmières pour cinq lits- mais ce n'est pas le cas des autres services. Quand il manque quelqu'un, eh bien ce n'est pas grave... L'infirmière prend plus et encore plus de malades, au détriment de la qualité des soins qu'elle délivre aux patients
. Quand la soignante est interrogée sur ses attentes pour le prochain quinquennat, elle répond du tac au tac : Qu'ils arrêtent de dire que tout va bien
, alors qu'au fond, rien ne fonctionne
.
Nous avons répondu présent, mais les politiques ne répondent pas présent: c'est toujours l'austérité.
L’arrêt des fermetures de lits
Lilas, infirmière anesthésiste diplômée d'État (IADE) à Paris depuis 15 ans, explique attendre un petit peu comme tout le monde
qu'on arrête de fermer des lits
. Les urgences sont saturées, des personnes âgées, isolées, sont opérées en ambulatoire parce qu'il n'y a pas de lit pour elles, même pour 24h
, détaille-t-elle. Mais une petite mamie de 86 ans qui s'est fait opérer de la hanche, si elle tombe, elle ne se relève pas
. Sans parler des délais d'attente pour avoir un rendez-vous. Tout le monde ne peut pas aller dans le privé !
, fait valoir la quinquagénaire, parlant de système à deux vitesses
.
L'infirmière espère également voir arriver embauches et revalorisations salariales. Quand une infirmière est toute seule pour 35 malades, elle fait comment ?
Avec la crise du Covid, nous avons répondu présent, mais les politiques ne répondent pas présent: c'est toujours l'austérité
. Nous sommes fatigués, nous sommes désabusés, nous sommes dégoûtés.
Plus de moyens financiers et humains
Les politiques ? Qu'ils se réveillent et qu'ils viennent voir exactement comment ça se passe dans un service, qu'ils se rendent compte des difficultés qu'on rencontre
, exhorte Magali, infirmière à l'hôpital Bicêtre en région parisienne. La trentenaire demande une chose: qu'il y ait plus de personnels soignants -médecins et paramédicaux- auprès des patients pour s'occuper dignement d'eux
. Mais avec le Covid, l'hôpital attire encore moins. Les gens n'ont plus envie de venir y travailler
, constate la jeune infirmière, en poste dans un service de réanimation. On veut bien soigner les gens, mais il faut mettre le personnel pour et traiter ces derniers convenablement pour qu'ils restent
, poursuit-elle, jugeant nécessaire qu'ils recrutent du personnel et revalorisent les salaires
.
L'hôpital n'est pas une entreprise de soins.
Que la politique de santé soit « une réelle priorité »
Aurélie, infirmière anesthésiste dans les Hauts-de-Seine depuis six ans, raconte assister à la déliquescence de l'hôpital public
. Un scénario déjà en route avant le Covid mais qui s'est précipité avec la crise sanitaire. "Il faut que la politique de santé soit une réelle priorité
du prochain quinquennat avec un mot d'ordre: attractivité des métiers du soin.
Pour cela, outre les revalorisations et la révision des ratios de patients par infirmier, la quadragénaire juge nécessaire de donner des perspectives d'évolution aux infirmiers
. Nous sommes sur le qui-vive concernant la fin de cette législature et le prochain quinquennat
, explique l'infirmière anesthésiste, rappelant que les IADE se battent depuis un an
pour une reconnaissance statutaire
. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, s'y est engagé. Reste à savoir si les paroles vont être actées concrètement
. Et plus généralement, Aurélie voudrait voir stopper la démédicalisation de la gouvernance des hôpitaux
pour que les décisions ne se fassent plus uniquement sous le prisme financier. L'hôpital n'est pas une entreprise de soins. On a déshumanisé les métiers du soin, sabotant toute vocation.
La Rédaction Infirmiers.com avec l'AFP
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