Pour les patients avant tout, articuler la prise en charge du Covid-19 en établissement de santé puis entre l’hôpital et les soins de ville est une nécessité impérieuse. Face à cette réalité, rendue plus prégnante par la tension épidémique, la région Ile-de-France a souhaité proposer, dès le début de la première vague, une palette d’outils numériques pour monitorer critères critiques et appuyer les professionnels de santé dans leur quotidien : suivi de patients en établissement de santé, en Ehpad ou post-hospitalisation ; téléconsultation et orientation. Une initiative de l’ARS Ile-de-France en lien avec le groupement de coopération sanitaire SESAN (Service Numérique en Santé), qui se félicite que la période ait été un accélérateur d'adoption pour les usages du numérique en santé
.
Pièce numérique en cinq axes
Crise sanitaire oblige, les services hospitaliers ont été bousculés ; l’organisation globale des soins, y compris en ville, et le parcours patient l'ont été tout autant. Pour y remédier, l’ARS Ile-de-France a joué la carte du numérique et a missionné le SESAN pour apporter un soutien numérique à l’ensemble des structures, professionnels de ville et acteurs du médico-social franciliens. Véritable puzzle à cinq pièces, le projet a engendré des outils digitaux qui visent à permettre aux professionnels concernés de faciliter le suivi et le parcours patient selon plusieurs axes-clés. Toutes ne le sont pas, mais certaines des solutions proposées sont directement liées à l’exercice infirmier.
#COVID19 | Pour faciliter le suivi des patients franciliens, l’ARS-IDF et @eSanteIDF proposent une palette d’outils numériques ⬇ https://t.co/Ez5aJ91Fd1
— ARS Île-de-France (@ARS_IDF) November 9, 2020
Les cinq axes du dispositif : télésuivi des malades pour une coordination ville-hôpital efficace1, télésanté au service des astreintes gériatriques en Ehpad2, régulation des lits3, portail internet d’information en santé destiné aux professionnels de santé et du soin4, appui à l’admission en SSR5.
En Ehpad, un coup d'épée dans l'eau ?
Destinataire de tablettes adressées au début du premier confinement par les autorités sanitaires régionales, Eve Gauillaume a voulu se saisir de cette opportunité, à un moment où l'épidémie faisait rage aux "Lumières d'automne", l'Ehpad qu'elle dirige en Seine - Saint-Denis. ORTIF2 promettait l’activation de la visio et de la téléconsultation directe avec le patient pour tous les sites, l’accès à la téléconsultation directe sur smartphone pour les patients et la mise à disposition de deux worfklows spécifiques à la gestion du Covid-19 pour la télé-expertise et la téléconsultation. Là, surprise : les identifiants et mots de passe n'étaient pas les bons
, s'étonne encore Eve Guillaume. Plusieurs signalements après et réclamations réitérées de codes d'accès valables... rien. Impossible d'être entendue. A ma connaissance et pour les mêmes raisons, aucun des mes collègues directeurs d'Ehpad public en Ile-de-France, ne peut - encore aujourd'hui - utiliser ce qui nous a été distribué il y a des mois
, ajoute-t-elle. Un coup d'épée dans l'eau ? Comme beaucoup d'acteurs du soin, la Directrice reconnaît avoir été contrainte par la situation de développer des solutions avec les moyens du bord
, comme des consultations via Whats' app. Pour ce type d'établissements, développer des solutions dédiées sont des projets trop lourds, et le fait d'avoir passé - semble-t-il - le pic de la deuxième vague réduit les besoins immédiats de télémédecine. Pourtant, Eve Guillaume demeure optimiste. A l'instar de l'astreinte gériatrique qui se déroule dans notre établissement par téléphone, certaines choses fonctionnent bien ; cette crise nous a permis de nous en rendre compte et nous continuerons à mener de beaux projets
, espère-t-elle.
La profession libérale a pris le taureau par les cornes et a décidé de
créer elle-même son propre outil, adapté presque en temps réel à ses besoins et dans le respect de la déontologie. Sophie Michel, Directrice de l'URPS infirmiers d'Ile-de-France
Côté IDEL : rencontre de chemins parallèles
Valoriser l'action des infirmiers libéraux dans la gestion de l'épidémie est indispensable : astreintes en Ehpad, aide apportée aux biologistes médicaux de ville, à l'hôpital, dépistage massivement réalisé au domicile des patients, que ce soit grâce aux tests PCR ou, plus récemment, aux tests antigéniques
. La profession a pris le taureau par les cornes et a décidé voici plusieurs mois de créer elle-même son propre outil, adapté presque en temps réel à ses besoins et dans le respect de la déontologie
, déclare Sophie Michel, Directrice de l'URPS infirmiers d'Ile-de-France. Elle a opté pour Inzee.care, une solution en ligne qui permet aux libéraux d'être visibles et accessibles, et apporte aux patients la possibilité d'être pris en soins par un professionnel exerçant près de chez lui. Cette fonction d'annuaire était très attendue
, remarque Sophie Michel. Mais ce n'est pas tout : la plateforme permet également de faire du télésuivi en visio, de tracer les éléments de surveillance clinique des patients infectés par le Covid, de mettre en relation des Ehpad et des IDEL et enfin d'établir une traçabilité de leurs collaboration (interventions, transmissions). Problème : les propositions élaborées par le Sesan (MAILLAGE4, FILGERIA2, ORTIF2) vont dans le même sens. Dissidence ? Il semblerait plutôt que les chemins parallèles aient vocation à se rejoindre : un travail a été amorcé entre Inzee.care et le SESAN pour les rendre interopérables et pour que les données récoltées soient automatiquement implémentées dans Terr-eSanté. Les infirmiers libéraux pourront donc conserver leur outil, tout en intégrant la dynamique régionale en systèmes d'information.
A tous les établissements petit rappel du partenariat entre @Entr_Actes et @inzeecare soutenu par @URPS_IDE_IDF. @FHFiledefrance @La_FHP @ARS_IDF @abdeliazza https://t.co/zQMM6Hx9NC
— Entr’Actes (@Entr_Actes) September 10, 2019
Chiffres partiels, voire erronés ?
Pourtant, les chiffres annoncés par l'ARS francilienne et le SESAN donnent le tournis. Depuis le printemps dernier, 12 000 patients télésuivis par la plateforme e-Covid ; près de 3 000 mises à jours quotidiennes de l’offre de soins critiques via le système de régulation des lits ; 200 000 télédossiers et 50 000 téléconsultations réalisées grâce à ORTIF ; 1 000 demandes d’appui saisies pour des résidents d’Ehpad via FilGERIA, un carnet de liaison numérique qui permet une traçabilité simplifiée et sécurisée des demandes d’appui réalisées par les EHPAD auprès des astreintes gériatriques. Mais l'expérience des "Lumières d'automne" interroge : les données qui auraient dû y être collectées (comme celle d'autres Ehpad) l'ont-elles été en effet ? Par conséquent, les résultats sont-ils - ou non - partiels, voire erronés ? Sollicitée à plusieurs reprises par notre rédaction, l'ARS Ile-de-France s'est dite indisponible
pour répondre à nos questions sur le sujet.
Notes
- Terr-eSanté est la solution régionale d’échange et de partage entre professionnels pour faciliter la prise en charge coordonnée des patients.
- Télémédecine complémentaire : FilGERIA / ORTIF pour les astreintes gériatriques. ORTIF permet de réaliser des téléconsultations entre le résident et le médecin traitant, l’équipe mobile gériatrique ou l’astreinte gériatrique. ORTIF permet également de réaliser des demandes de télé-expertises et d’évaluer l’état de santé d’un résident ; FilGERIA est un carnet de liaison numérique sécurisé entre les EHPAD et les astreintes gériatriques.
- ROR, e-CERVEAU et Santégraphie : Trois solutions à destination des professionnels, complémentaires pour apporter une visibilité régionale des disponibilités en lits et un appui à la régulation.
- Fortement mobilisés dans la gestion de la crise sanitaire COVID, les Dispositifs d’Appui à la Coordination (DAC) donnent une visibilité à tous les professionnels sur les protocoles et dispositifs dédiés COVID du territoire via les sites départementaux MAILLAGE.
- ViaTrajectoire : outil d’aide à l’orientation et au suivi de la demande d’admission jusqu’à l’admission du patient. Dans le cadre du Plan Blanc déployé dans les établissements de santé, l’Agence Régionale de Santé préconise de poursuivre l’utilisation de l’outil pour orienter et tracer les éléments médicaux des patients.
Anne Perette-FicajaDirectrice des rédactions paramédicalesanne.perette-ficaja@gpsante.fr @aperette
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