L’année 2025 doit être « audacieuse et ambitieuse » pour les infirmiers. C’est le souhait principal formulé par Sylvaine Mazière-Tauran, la présidente de l’Ordre des infirmiers (ONI), lors de la cérémonie des vœux à la profession, le 15 janvier, en présence du nouveau ministre de la Santé, Yannick Neuder. Et elle doit l’être d’autant plus que l’année 2024, qui s’annonçait comme particulièrement déterminante pour son avenir, n’aura finalement été qu’une suite de reports et d’attentes déçues. La faute bien sûr à une forte instabilité politique, entre dissolution de l’Assemblée nationale, recomposition tardive puis motion de censure, qui a eu de fortes conséquences sur « l’avancée, le suivi et la continuité des réformes ». « Depuis plus de deux ans, la refondation de la profession a été portée par sept ministres de la Santé, suscitant évidemment de fortes attentes des infirmières et infirmiers pour une plus large reconnaissance de leurs compétences », a ainsi regretté Sylvaine Mazière-Tauran
Seules deux avancées ont pu être actées au cours de l’année 2024 : la publication du décret déterminant les modalités de désignation et d’exercice de l’infirmier référent, et la généralisation de l’expérimentation de la rédaction des certificats décès. Deux mesures qui, en élargissant les compétences des infirmiers, ont le mérite d’améliorer l’accès aux soins. La prochaine pourrait être celle relative à la prise en charge des plaies, incluse dans la loi Rist. « C’est l’un des prochains décrets que je vais prendre pour que l’on reconnaisse vos compétences », a indiqué Yannick Neuder.
Une année pour l'évolution de la profession
« Au seuil de cette nouvelle année, les attentes et les ambitions sont grandes, de voir enfin discuter à l’Assemblée nationale la proposition de loi sur l’évolution de la profession infirmière », déposée au mois de novembre par Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux, a poursuivi la présidente de l’Ordre, promettant que celui-ci déploierait « toute son énergie » dans les futures discussions. Avec un impératif : nourrir le dialogue entre les infirmiers et les autres professions de santé et parties prenantes du système de soin.
La reconnaissance de la profession passe notamment par l’inscription dans la loi de la consultation infirmière et du diagnostic infirmier, qui sont les bases de notre raisonnement clinique.
Dans un contexte de pénurie de soignants, de vieillissement de la population mais aussi d’évolution des aspirations des jeunes générations, une transformation du système de santé est nécessaire. Et celle-ci requiert « l’unité et la reconnaissance des compétences de chaque professionnel de santé ». Et pour les infirmiers, cette reconnaissance passe notamment par « l’inscription dans la loi de la consultation infirmière et du diagnostic infirmier, qui sont les bases de notre raisonnement clinique », a-t-elle plaidé.
La question cruciale de l'attractivité
Et alors que toute une génération de soignants est appelée à partir à la retraite dans les prochaines années, la question de l’attractivité de la profession doit être prise à bras le corps. Il faut « construire un plan d’actions avec notamment un plan de formation pour les 20 ans à venir afin de répondre aux enjeux de santé publique », mais aussi repenser les moyens de concilier vie personnelle et vie professionnelle. Côté formation, d’ailleurs, Yannick Neuder a confié ses « doutes » quant à la suppression du concours d’entrée en écoles infirmières et son remplacement par la plateforme Parcoursup. « Cela ne correspond pas tellement à votre ADN », a-t-il avancé devant le parterre des invités, précisant avoir déjà évoqué le sujet avec Philippe Baptiste, le ministre de l’Enseignement supérieur.
Une année pour lutter contre les violences faites aux soignants
Ambitieuse, l’année 2025 doit également l’être dans la lutte contre les violences faites aux professionnels de santé. « Les agressions envers les soignants ne cessent d’augmenter et nous ne pouvons pas le tolérer », a défendu Sylvaine Mazière-Tauran. Et de prendre pour exemple l’agression dont ont été victimes 14 professionnels de santé à Annemasse, qui a entraîné la fermeture de tout un service et traumatisé toute une équipe. Un état d’esprit que partage Yannick Neuder, qui a rappelé que, sur les 20 000 agressions qui avaient été remontées en 2023, 40% visaient des infirmiers. Quand l’Ordre appelle à la mise en œuvre du plan issu de la mission sur les violences lancée par Agnès Firmin-Le Bodo début 2023, le ministre de la Santé, lui, veut « une tolérance 0 » pour les auteurs de ces faits. « Je veux qu’il y ait une obligation pour les établissements de déclarer toutes les agressions dont vous êtes victimes », a-t-il ainsi déclaré, ainsi que la systématisation de l’anonymisation des plaintes. « Je veux être un ministre qui protège les soignants », a-t-il martelé.
Il faut faire connaître leurs droits aux infirmiers et infirmière, et les informer des accompagnements possibles.
Et impossible d’évoquer les violences sans évoquer celles à caractère sexiste et sexuel. Lors de son enquête menée auprès des professionnels inscrits à son tableau, l’Ordre a estimé qu’un infirmier sur deux en avait été victime, a rappelé Sylvaine Mazière-Tauran. « Ils les subissent dès leur formation, et cela les poursuit tout au long de leur carrière, quel que soit leur mode d’exercice », a-t-elle déploré, pointant une culture du silence chez les soignants qui reste « trop forte ». « Il faut faire connaître leurs droits aux infirmiers et infirmière, et les informer des accompagnements possibles » ; ce sera l’un des axes de travail essentiel de l’Ordre pour 2025, a-t-elle promis.
Un hommage à tous les infirmiers
Enfin, rendant hommage à l’ensemble des professionnels infirmiers, quel que soit leur champ d’exercice – spécialités, santé au travail, santé scolaire, en médecine légale, ou encore infirmiers perfusionnistes pour n’en citer que quelques-uns – la présidente de l’Ordre a tenu à adresser une pensée particulière à ceux qui travaillent dans des conditions précaires, notamment à Mayotte où, depuis près d’un mois, ils s’efforcent de soigner les victimes du cyclone Chido. « Nous mobilisons l’entraide ordinale afin qu’elle puisse répondre rapidement à la demande des infirmiers mahorais dans ce contexte exceptionnel », a-t-elle assuré.
« Que cette nouvelle année soit audacieuse et ambitieuse et nous permette de renforcer nos liens, au sein de la profession mais aussi entre les acteurs du système de santé, avec pour objectif commun celui de favoriser un meilleur accès aux soins pour tous », a-t-elle conclu.
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