Paradox, ambivalence ou manifestation du machisme à la française
Journée internationale de la FEMME. Une profession, 463 000 infirmières et infirmiers, 87,4% de femmes, 65 à 72% des professionnels travaillant dans les hôpitaux et cliniques, 65000 infirmières et infirmiers libéraux. Une volonté de se structurer et d'être présent au niveau européen et international qui ne peut se faire par manque d'un interlocuteur unique : un ordre infirmier. En Europe, les pays qui ne possèdent pas un ordre infirmier sont : Allemagne, Belgique et la France. Cependant la Belgique est représentée au niveau européen, international, (logique politique oblige) par deux grandes associations infirmières : de langue française et flamande. En Allemagne l'organisation historique, administrative, juridique et politique en landërs ne permet pas la mise en place d'un ordre infirmier et il existe une association représentative dans chaque land. Or, la comparaison européenne et internationale du rapporteur se cantonne à l'Allemagne.
Monsieur COUTY nous a fait part oralement de son sentiment sur la nécessaire création d'un ordre infirmier au regard du constat qu'il a posé après les différentes auditions accordées aux associations, syndicats hospitaliers et syndicats professionnels.
Le constat : deux camps opposés dans l'approche du dossier :
Quasi-unanimité constatée contre la création d'une structure ordinale infirmière des syndicats hospitaliers de salariés à l'exception de CGC-CFE-SNPI. Ces organisations qui ont siégé durant des décennies au sein du CSPPM réclament l'évolution de celle-ci tout en admettant son inefficacité, son manque d'audience, son peu d'impact sur les décisions ministérielles et politiques, mais plus grave encore le manque de rigueur dans sa composition et dans sa régularité fonctionnelle (renouvellement des mandants).
Unanimité des associations professionnelles et syndicats professionnels de salariés et de libéraux qui réclament la création d'une réelle structure ordinale avec les mêmes missions, prérogatives et responsabilités que les autres ordres de professionnels de santé.
Or, monsieur Couty nous dit être convaincu que les infirmières dotées d'une telle structure, celle-ci ne pourrait couvrir tous les champs et domaines de la profession. Et de ce fait il proposera une structure nationale couvrant strictement le champ déontologique et éthique donc comprenant une seule mission. Selon le rapporteur les infirmières auraient là un moyen sur de reconnaissance identitaire.
Il faut s'estimer heureux de cette proposition qui devrait concerner l'ensemble de la profession suite au débat. Car, dans un premier temps, cette structure était prévue seulement pour les infirmières et infirmiers du secteur libéral la division par secteur ayant du mal à passer. Il a fallu toutefois rappeler que l'objet de la création était la fédération et la structuration d'un corps professionnel infirmier doté de 463 000 membres. On nous rejoue la loi de mars 2002 simplement mais sans nous l'affirmer réellement. Preuve en est, le rapporteur propose la mise à mort du CSPPM qui naturellement comme le phénix doit renaître de ses cendres sous la forme d'un conseil interprofessionnel des professions paramédicales. Instance où il n'est pas question de collèges par filières mais une seule et unique assemblée pour travailler, collaborer, coopérer en interdisciplinarité avec l'ensemble des métiers de soins. Il nous garantit l'indépendance de la structure qui doit être subventionnée pour exister, dont les mandants (syndicalistes élus aux élections professionnelles, responsables d'associations élus ??), seront tributaires d'une réglementation pour exercer leur fonction. Cette instance sera consultative et surtout pas décisionnaire mais avec possibilité d'auto saisine.
N'importe quoi pour les infirmières, sauf un ordre . Car, selon le rapporteur les problèmes infirmiers, la reconnaissance infirmière ne sont que l'émanation des difficultés, des questionnements, de la place des autres professions de santé dans le système de soins. Les infirmières et infirmiers doivent rester les garants des processus, des interrelations et interdépendances entre les acteurs mais elles-(eux) ne sont certainement pas des acteurs mais du personnel secondaire, seulement des professionnels de seconde zone. On se croirait revenu au début de la laïcisation de la profession infirmière. La féminisation de la profession est un réel handicap, une tare, un atavisme au regard du politique, en France. Mais aussi l'effectif représenté par ce corps fait peur. Alors on justifie maladroitement, on rabaisse, on méprise : La science infirmière (si science infirmière) existe ailleurs, En dehors de l'hexagone. Mais en France, le rapporteur en doute. Alors, que si les infirmières n'avaient pas importé l'approche globale de la prise en charge des personnes, l'approche holistique des soins, on en serait encore à considérer le concept de santé de l'OMS comme non adapté à la culture française, parce ce que prime le colloque singulier, la science du médecin. Or, l'approche bio-psycho-sociale est moins réductive que l'approche organique, fonctionnelle ou pathologique. La difficulté de la mise en œuvre d'une vraie politique de santé publique avec une approche communautaire et préventive de première ligne, puis une approche curative en seconde intention justifie cette affirmation. En effet, la réforme médicale sur le maillage des professionnels médicaux ne rencontre que protestations et hésitations. La solution exigée et satisfaisante n'a qu'un aspect financier et de monopole : revalorisation des actes médicaux, diagnostic éducatif, prescription de soins éducatifs.
Or, les infirmières et infirmiers ne réclament que la reconnaissance réelle de leur profession. La représentativité d'un corps professionnel qui contribue largement à la santé de la population et des usagers et il semble que personne ne veut prendre en compte son utilité sociale ni en tant qu'acteur du système de santé ni en terme de reconnaissance sociale. Preuve en est la difficulté de mettre en place l'universitarisation de la formation dont la directive européenne date de 87, réaffirmée en 1992 et 2002
Monsieur Couty nous explique que l'expression de la profession est largement permise au sein des organisations hospitalières par les instances. Vouloir et admettre que les niveaux local, régional et national sont les mêmes choses laisse pantois. De plus, accepter comme normal que d'autres filières se fédèrent au sein d'un ordre et le refuser aux infirmières n'a aucun sens. Car le problème d'effectif libéral tantôt joue, tantôt ne compte pas selon la filière des soins concernée : « kinésithérapeutes et podologues, sages-femmes. Ce qui peut se traduire par : l'expression locale suffit largement aux infirmières de France et laissez-nous faire avec les représentants des syndicats hospitaliers ». Alors rappelons que ces partenaires sociaux qui représentent en effet des infirmières et pas seulement, n'ont pas contesté la création de ces ordres existants. Que les taux des élections professionnelles englobent l'ensemble des filières soignantes et concernant les infirmières les chiffres sont de 3 à 5% de votants infirmières et infirmiers, tous grades confondus. Vouloir faire coopérer des professionnels alors que la reconnaissance pour certains est acquise et pour d'autre niée paraît relever d'un ostracisme évident. D'autant que monsieur Couty émet des exigences et responsabilités voulues et attendues par les tutelles, les politiques et autres partenaires des soins et institutions de santé ne portent que sur les infirmières à qui on réclame garanties, responsabilités, efforts et tout cela dans la soumission et l'obéissance.
En ce qui concerne la sémantique, la reconnaissance : c'est accepter et valider l'identité d'une profession, sa spécificité et son utilité sociale. La reconnaissance est l'acte par lequel l'Etat, le politique, identifie comme vrai et donc réel ou légitime une profession. C'est admettre l'existence d'une obligation envers celle-ci mais aussi lui attribuer de droit une capacité professionnelle et juridique. C'est poser un jugement déterminé et déterminant de l'existence d'une activité déjà connue.
C'est aussi permettre à ses membres l'engagement, acte par lequel chacun assume ses valeurs au travers de son action et exprime complètement son être intellectuel et éthique dans cette action. Engagement qui conduit à une consolidation d'attitude et au changement d'attitude.
La reconnaissance est aussi basée sur l'implication, c'est-à-dire la relation que la pensée établit entre deux objets de connaissance, de sorte que si le premier est posé, le second l'est aux même conditions et avec la même valeur de vérité. L'implication est le moteur du raisonnement inférenciel et de la démonstration. Médecin à l'élaboration du diagnostic médical. Considérer que parce que les infirmières travaillent dans une logique collective des soins, elles revendiquent de fait de n'être pas des professionnelles apportant des connaissances et compétences spécifiques dans les processus de soins est presque une hérésie. Il y a confusion entre la pratique soignante et l'organisation d'une activité de soins où chacun selon sa compétence intervient dans un processus et que le chaînage, le maillage de ces compétences ont pour objet d'opérer la synergie, la complémentarité nécessaires pour optimiser une réponse à un besoin ou un problème de santé.
Enfin, le terme corporatiste ne semble s'appliquer qu'aux infirmières. Il faudrait alors demander que cette notion ne figure plus dans aucun dictionnaire de la langue française car née de la profession elle est porteuse de tous les dangers. Les corporations de métiers ont fait partie de l'histoire de la France, et qui plus est avant que le capitalisme existe. Les congrégations soignantes n'ont jamais revendiqué le terme. Alors il faut souligner qu'une corporation est un ensemble de personnes exerçant la même profession. Est-ce à entendre que toutes les infirmières n'exercent pas le même métier, ne reçoivent pas la même formation, ne sont pas titulaires d'un même diplôme de formation initiale ? Quant au corporatisme, il a pour sens la défense exclusive des intérêts professionnels d'une catégorie déterminée de travailleurs. Si les infirmières ne défendent pas leurs intérêts, qui doit les défendre ?
La femme comme le métier féminin devient dans le contexte économique et politique une problématique que chacun pouvait penser révolu. Mais, quand bien même la féminisation d'un métier infirmier ne pose pas plus de problème que cela pas très attractif pour la gente masculine à niveau d'accès égal à d'autres métiers mieux rémunérés et moins pénibles, c'est au niveau des rapports et relations de travail que se jouent les relations de pouvoir et de considération. Si de plus cette profession en nombre peut devenir une force dans les rapports politiques c'est toute la science des hommes qui se met à contribution pour maintenir les membres de la profession dans la dépendance, la soumission, le contrôle social. Est-ce à dire que la femme est encore vécue comme menaçante, dangereuse, excessive, abusive, castratrice ?
Je pense et je revendique que sans reconnaissance sociale, sans égard pour l'autre, sans identité, la femme comme l'homme au travail est diminuée, son champ d'action se réduit car sa compétence, son activité n'est pas réellement reconnue et prise en compte. Je ne parle pas de valorisation, pas plus de motivation, mais simplement la satisfaction d'être comme chacun des acteurs un des maillons nécessaire et reconnu comme agissant dans le ou les processus. De plus, la coopération ne peut se réaliser dans une reconnaissance mutuelle basée sur une identité singulière de chaque groupe d'acteurs. Sinon on est dans la subordination si certains sont clairement reconnus identifiés et d'autre pas.
Josseline JACQUES,
infirmière,
Directeur des soins
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