Entre 693 000 et 815 000 professionnels en 2040. Voici, selon les scénarii réalisés par Olivier Lacoste, géographe spécialiste des questions de santé, sur demande de l'Ordre infirmier, la proportion que devrait atteindre la population infirmière en 2040. Aujourd'hui, l'Ordre compte 530 000 infirmiers selon sa base.
Le rôle des infirmiers et infirmières présents sur tout le territoire sera encore plus crucial auprès d’une population qui va devenir plus âgée et qui souhaitera tout de même vieillir chez elle.
Des besoins infirmiers qui pourraient croitre de 54% d’ici à 2040
Si les chiffres semblent exploser, en réalité, les besoins aussi. «Dans le même temps, d’ici à 2040, la population âgée de 65 ans et plus devrait croître de 31 % conduisant à un ratio d’accompagnement infirmier passant de 3 pour 100 habitants de plus de 65 ans en 2023, à 3,7 en 2040 dans la version pessimiste et à 4,3 dans la version optimiste», souligne l'ONI, précisant que «ce ratio ne prend pas en compte la hausse des besoins infirmiers qui pourraient augmenter de 54% pour soigner cette population plus âgée et plus dépendante et les personnes atteintes de maladies chroniques plus répandues». Un constat qui fait dire à l'Ordre qu'«une telle hausse des besoins laisse à penser que la population infirmière ne sera pas suffisante pour soigner correctement l’ensemble des Français».
Instaurer un système de tutorat pour accompagner les jeunes élèves de leur formation à leurs premières années d’exercice pour éviter l'abandon des élèves au cours de leur parcours
Quatre propositions de l'ONI
Face à ce constat, l'Ordre fait plusieurs préconisations de façon à anticiper les besoins infirmiers :
1. Tout infirmier, dès lors qu’il est diplômé - et peu importe son secteur d’exercice (hôpital public, établissement médico-social, libéral, etc.) - a l'obligation de s’inscrire à l’Ordre : ce qui permettrait de s’appuyer sur des données démographiques précises afin d’établir des politiques adaptées aux besoins de la population.
2. Créer des places d’IFSI selon les besoins de la population et non pas en fonction de la capacité d'accueil des IFSI : le 26 avril dernier, dans la feuille de route qui devait marquer les « 100 jours d’apaisement », la Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé l’ouverture de 2 000 places supplémentaires dans les IFSI à la rentrée 2023. Il faut pourtant «des murs et des chaises», a résumé Patrick Chamboredon qui s'est dit vigilant à ce que cette annonce se concrétise.
3. Instaurer un système de tutorat pour accompagner les jeunes élèves de leur formation à leurs premières années d’exercice pour éviter l'abandon des élèves au cours de leur parcours : aujourd'hui, 30% des élèves arrêtent en cours de formation.
4. Travailler à l’attractivité du métier pour attirer des professionnels et pour maintenir les professionnels en activité. Cette proposition revêt plusieurs aspects dont :
• L’accompagnement de la montée en compétences des infirmiers au sein d’un exercice coordonné avec les médecins et les professions paramédicales. C’est ce qui doit irriguer les travaux sur le décret « infirmier » en cours. Par ailleurs, «l'infirmier référent doit constituer une vrai relais du médecin», a précisé Patrick Chamboredon. «On ne peut que se féliciter de la reconnaissance de ce professionnel de proximité ; Il faut malgré tout articuler ce statut avec celui des IPA. », estime le président de l'Ordre.
• L’instauration de ratios d’accompagnement de professionnels par patients pour améliorer les conditions de travail des professionnels et in fine la qualité des soins aux patients.
• La création de vrais parcours de carrières. «En ce sens, et à titre d’exemple, l’ouverture d’une section en sciences infirmières au sein du Conseil national des universités va ouvrir de nouvelles perspectives» a précisé Patrick Chamboredon.
• Et enfin, une réflexion sur la création d’une filière infirmière dédiée à la prévention et à la santé publique au plus proche des patients.
Pour Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers : « Il s’agit avant tout, à travers ces projections démographiques, d’anticiper les besoins en soins des Français et de s’assurer qu’ils recevront des soins quotidiens de qualité. Le rôle des infirmiers et infirmières, présents sur tout le territoire, sera encore plus crucial auprès d’une population qui va devenir plus âgée et qui souhaitera tout de même vieillir chez elle. Aussi, il est indispensable de mieux reconnaître leurs compétences dans le parcours de soins en leur donnant plus d’autonomie. »
Conditions de l'étude de l'Ordre :
Réalisées par Olivier Lacoste, géographe spécialiste des questions de santé, ces projections démographiques ont pour point de départ les 504 000 infirmiers inscrits à l’Ordre national des infirmiers en septembre 2023. Elles prennent en compte plusieurs paramètres :
• Les capacités d’accueil année après année des instituts en formation en soins infirmiers : 38 162 élèves sont aujourd’hui admis.
• Le taux d’attrition de 0,75% observé par l’ONI correspondant à des arrêts d’exercice avant le départ à la retraite. En effet, même si la période d’activité augmente, nous remarquons un arrêt de l’exercice avant 64 ans.
• Les taux d’obtention de diplôme en fin d’études : - 60,8 % selon une étude du CEFIEC de février 2023 (pris en compte dans la projection pessimiste) - 80,4 % selon une étude de la DREES de mai 2023 (pris en compte dans la projection optimiste).
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