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AU COEUR DU METIER

Observance : vers des soignants plus à l'écoute des patients...

Publié le 23/03/2015
observance graphique

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observance prise de médicaments éducation thérapeuthique

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Oubli intentionnel ou pas, modification de posologie, contraintes peu compatibles avec la qualité de vie… les raisons pour une personne souffrant d'une maladie chronique de ne pas se conformer à l'ordonnance de médicaments prescrits par le médecin sont complexes, multiples et variées. Une enquête « Vos médicaments et vous » conçue par le Pr Catherine Tourette-Turgis, en partenariat avec Pzifer, révèle des réalités bien différentes selon les individus.

Reconnaître l’expérience et l’expertise des malades, un enjeu pour la santé publique

La non-observance peut être le fait d’individus qui ne comprennent pas l’intérêt de prendre leur médicament. Cela nécessite donc un travail important entre soignant et patient : « Un patient bien informé sera plus observant ».

L'observance thérapeutique est un enjeu de santé essentiel et transverse à toutes les pathologies chroniques. C'est également une problématique directement liée au bon usage du médicament. Pour Catherine Raynaud, Directeur des Affaires institutionnelles (Pzifer France), cette enquête1 est un nouvel appel à la réflexion pour comprendre ce phénomène complexe et multifactoriel qu’est l’observance, améliorer nos traitements et adapter les solutions que nous mettons à disposition des patients et des professionnels de santé. Écouter les patients, comprendre leur quotidien, c’est d’abord et avant tout nous donner les moyens de répondre à leurs enjeux de santé qu’ils définissent en coopération avec les différents acteurs impliqués dans leur prise en charge. C’est une condition essentielle et indispensable pour que l’observance devienne une évidence !.

Rappelons que le coût évitable des complications dues à la mauvaise observance des traitements s’élèverait à 9 milliards d’€ par an en France2. Qu'un million de journées d’hospitalisation par an seraient induites par la non-observance en France3 et que 8 000 décès seraient liés chaque année, en France, à une mauvaise observance4.

Vivre en acceptant de prendre un traitement intolérable avec des contraintes de prises nécessite des savoir-faire mobilisant le pouvoir d'agir des malades qui doivent aider « le travail » des médicaments qui s'effectue dans leur corps.

Le Dr Catherine Tourette-Turgis, qui a conduit cette enquête « Vos traitements et vous » est fondatrice de l'Université des Patients. Son credo est explicite : Reconnaître l’expérience et l’expertise des malades est un enjeu pour la santé publique. En effet explique-t-elle, de fait, si on lit cette enquête dont les questions ont été construites avec des patients, on découvre que la prise d’un traitement est une activité finalement complexe dont on connaît mal les ressorts. Il n’existe pas de typologies de patients observants ou non observants, l’observance ne dépend pas du patient seulement, donc il faut arrêter de chercher des solutions visant à pénaliser le patient ou à le responsabiliser. Avant de responsabiliser une personne, il faut d’abord explorer les droits dont elle dispose. A ce titre, dans la prescription d’un traitement, pourquoi ne pas intégrer le patient dans la prise de décision surtout maintenant qu’il y a de plus de choix de molécules pour une même pathologie ? Cette enquête est donc un appel à la réflexion pour mieux cerner ce phénomène complexe et multifactoriel que constitue l'observance thérapeutique.

Profil des répondants

  • Composé à 73 % de femmes, le panel de répondants représente une population mature (70 % de 40 ans et plus, 27 % de 25-39 ans) et semi-active (47 % ont un emploi, 20 % sont à la retraite, près de 7 % sont en arrêt maladie…).
  • 55 % des répondants sont membres ou sympathisants d’association de patient.
  • 42 % des participants sont touchés par une maladie auto-immune (spondylarthrite, polyarthrite rhumatoïde, psoriasis, ou sclérodermie)
  • 48 % ont une deuxième maladie chronique et 19 % des répondants sont également affectés par une troisième pathologie.
  • Diagnostiqués majoritairement depuis plus de 3 ans (75 %), les répondants sont essentiellement suivis par un médecin spécialiste (79 %) dans le cadre de la prise en charge de leur maladie principale.
  • L’hôpital est le lieu de consultation privilégié pour 1 patient sur 3.

Se maintenir en vie peut prendre la forme d'un travail à temps complet dans certaines pathologies, tant les tâches à réaliser sont nombreuses, intenses et répétitives…

La non-observance : une triple réalité...

L'oubli…

Pour 44 % des répondants, ne pas prendre ses médicaments s’explique par un oubli. Cela concerne indistinctement tous les profils de patients et toutes les pathologies avec des tendances plus ou moins marquées. Le critère essentiel expliquant cet oubli réside dans le nombre de médicaments pris par jour (au-delà de 5 médicaments, l’oubli devient  ainsi prépondérant puisque 4 personnes sur 10 déclarent oublier quelques fois leur traitement). L’observance liée à l’oubli est cependant meilleure lorsque le patient est attaché à son traitement.  

Outre l’oubli, 18 % des répondants déclarent que la non prise de leur traitement relève d’une démarche intentionnelle car la lassitude est liée à la maladie.

Oublier son traitement, c’est oublier sa maladie, ou tout du moins, l’ignorer durant quelque temps. 

La modification du traitement...

29 % des répondants disent modifier leur traitement d’eux-mêmes : ce sont davantage des femmes, des patients de moins de 60 ans ou des patients diagnostiqués depuis plus de 2 ans  Si pour 47 % des répondants, modifier son traitement signifie diminuer les doses, pour 4 répondants sur 10, cela se traduit au contraire par une augmentation de la posologie, tandis que 38 % arrêtent leur traitement. La prise de plus de 5 médicaments favorise cette pratique, ainsi que l’état de fatigue.

Le rapport au traitement…

Confiance, gêne, les répondants expriment des sentiments contradictoires envers leurs médicaments. Ainsi la seule prise, d'autant si elle est répétée, peut constituer un obstacle au déroulement de la vie quotidienne. 45 % des personnes interrogées disent qu'il leur arrive de ne pas supporter leur traitement (au sens propre comme au figuré). Il apparaît donc indéniable que le rapport  au traitement influe également sur l'observance.

Oublier son traitement ou le « refuser » de façon plus ou moins consciente, est une forme d’oubli de la maladie, de mise à l’écart de celle-ci durant quelques temps.

D'autres paramètres peu explorés jusqu'ici...

La prise d’un traitement est une pratique influencée par différents paramètres peu explorés jusqu’alors.  En effet, la situation personnelle du patient - contexte socio-économique, vie en couple, travail de nuit...-  et le rôle des proches a une importance primordiale dans la gestion du traitement. 35 % des répondants considèrent que leur conjoint pourrait jouer un rôle essentiel pour améliorer leur observance et 21 % soulignent l'importance des proches. Autre facteur primordial qui joue en faveur d'une bonne observance : l'information de la personne malade.

La relation médecin-patient est donc primordiale, tout autant que celle nouée avec les autres acteurs de soin - notamment infirmiers – qui participent activement au suivi des pathologies par le biais d'actes techniques mais aussi via des entretiens où la reformulation aide à une meilleure compréhension des enjeux d'un traitement, aussi lourd soit-il. En effet, ne pas comprendre l’intérêt de prendre un traitement ne participe pas à l'observance. Un patient bien informé sera nécessairement plus observant, car vraiment « acteur » et donc actif sur les décisions qui le concernent et pas seulement passif, écoutant des informations directives qui ne lui parlent pas… Pour 32 % des répondants, le médecin traitant pourrait jouer un rôle essentiel dans leur observance. Pourtant, seuls les changements ou oublis importants semblent faire l’objet d’une discussion quasi systématique avec celui-ci. Le « profil » perçu du médecin influe également sur le dialogue avec le patient : ainsi, plus le médecin est coopératif, plus le patient lui parle de ses difficultés d’observance. L’amélioration n’est possible que par une relation d’écoute et de partage avec le patient. Il est également intéressant de remarquer que les patients suivis par un spécialiste ont une meilleure observance.

Envisager la relation médecin-patient et l’observance implique donc aujourd’hui de prendre en compte le patient et son environnement dans sa globalité.

Et maintenant… aller plus loin…

Catherine Tourette-Turgis l'affirme à l'issue de son enquête : ce qui apparaît ici, à la différence des autres enquêtes, ce sont les efforts accomplis par les patients pour modifier leurs traitements. Or, ces efforts ne sont jamais pris en compte alors qu’ils sont réalisés au service de la collectivité et du lien social. Par exemple, les gens qui travaillent modifient leur traitement et réduisent ou sautent des doses pour continuer à pouvoir s’occuper de leurs enfants, à faire attention à ne pas se sentir groggy au travail ce qui gênerait les collègues ou leur hiérarchie. Ils augmentent les posologies pour réduire leur douleur afin de pouvoir travailler et continuer à être productifs. Une personne âgée ne prend pas son traitement le mercredi  après-midi car elle doit garder ses petits-enfants et donc ne peut pas se permettre d’être dérangée par un diurétique et un antidouleur qui lui fait perdre un peu sa vigilance au volant. Et de conclure nous vivons dans une société qui n’a aucune pardonnance face à la chronicité. Il faut être à 100 % au top  de son énergie tout le temps et de sa productivité. Le patient n’est pas au centre de l’observance, c’est autre chose qu’il faut regarder, tout un ensemble de phénomènes. Si un malade n’arrive pas à prendre son traitement, eh bien, il faut l’aider tout simplement. Cette enquête montre que les patients modifient leurs traitements pour se sentir mieux, pour remplir leurs obligations sociales. Les équipes soignantes doivent donc réellement faire preuve d'écoute et d'ouverture d'esprit pour accueillir la parole des personnes malades, intégrer dans les stratégies thérapeutiques mises en œuvre leurs expériences de la maladie, leurs ressentis et difficultés à vivre avec elle. « C'est dans ce sens que les choses doivent aussi fonctionner : en complémentarité avec les professionnels de santé » affirme Catherine Tourette-Turgis qui a bien l'intention de prolonger son enquête, de l'approfondir afin de mieux comprendre encore ces premiers résultats déjà tout à fait explicites.

On doit accorder une large place aux consommateurs et aux utilisateurs de médicaments car ce sont ceux qui prennent les médicaments qui peuvent nous décrire au mieux l’expérience qu’ils en ont.

A lire - L'éducation thérapeutique du patient. La maladie comme occasion d'apprentissage

Cet ouvrage porte un regard nouveau sur les malades chroniques et l’éducation thérapeutique du patient. En posant la maladie comme une occasion d’apprentissage et de redéploiement personnel, l’ouvrage définit les activités qu’un malade chronique doit déployer pour se maintenir en santé et en vie. Catherine Tourette-Turgis, l’auteure, enseignante-chercheure, Professeur des universités (dirige le master en éducation thérapeutique à l'UPMC-Sorbonne) décrit les compétences qu’un être humain déploie tout au long de la trajectoire de la maladie et de ses soins. En conséquence l’éducation thérapeutique proposée dans cet ouvrage s’inspire des courants les plus innovants de la formation des adultes et l’auteur consacre la quatrième partie de l’ouvrage à des propositions pour faire évoluer les conceptions traditionnelles de l’éducation thérapeutique.

• Catherine Tourette-Turgis, Editions de boeck, 2015, 166 p., www.deboeck.com

Notes

  1. Cette enquête repose sur un sondage auto-administré sur le web (96 questions pour le chemin le plus long, celui-variant selon les réponses apportées aux questions conditionnelles). L'enquête a été promue par les associations de patients via leurs site internet, leurs newsletters et sur leurs réseaux sociaux. La phase terrain s'est déroulée du 1er au 17 octobre 2014.  1473 personnes ont participé au sondage et 1 086 personnes ont intégralement complété le questionnaire. 1339 ont précisé la maladie chronique qui les touche et ont été retenues pour l'analyse des résultats.
  2. « Améliorer l’observance : traiter mieux et moins cher », Etude IMS Health - CRIP, novembre 2014.
  3. « L’observance des traitements : un défi aux politiques de santé », Livre Blanc de la Fondation Concorde, mars 2014.
  4. Ibid.

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com