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INFOS ET ACTUALITES

Net recul de la santé en prison

Publié le 09/12/2011

L'Observatoire international des prisons (OIP) a dénoncé le 7 décembre 2011 les reculs de la prise en charge sanitaire en prison.

L'OIP a rendu public un rapport de plus de 300 pages sur les conditions de détention en France qui établit un bilan sur les années 2005-11. Il consacre quatre chapitres à la santé, sur l'accès aux soins, la prise en charge psychiatrique, les addictions et la prévention du suicide, en mêlant ses constats avec ceux d'autres intervenants (contrôleur général des lieux de privation de liberté - CGLPL -, parlementaires, médecins).

L'OIP déplore le retour de pressions de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) sur les soignants, en contradiction avec les principes de la loi du 18 janvier 1994 qui avait posé l'autonomie des soins.

Les soignants sont sollicités soit pour des interventions "hors de leur champ" (avis de compatibilité sur un placement au quartier disciplinaire ou sur un régime spécial de détention), soit pour "partager" des informations couvertes par le secret médical au sein des commissions pluridisciplinaires uniques et du cahier électronique de liaison servant à prendre des décisions sur le niveau de sécurité applicable aux détenus ou le projet d'exécution de peine.

"L'évaluation de l'état de santé apparaît à l'administration pénitentiaire comme un moyen d'identification des situations 'à risque'" et de la "dangerosité" du détenu.

L'OIP déplore aussi la passivité du ministère de la santé qui n'a pas pris clairement position sur ces deux sujets et "semble davantage s'adapter aux contraintes de la vie carcérale qu'imposer des impératifs de santé publique applicables aux personnes détenues".

Il constate que l'accès aux soins reste difficile en détention notamment pour des consultations spécialisées, pour lesquelles les délais d'attente restent très importants. Les établissements continuent d'appliquer des quotas pour les extractions médicales, en fonction des moyens d'accompagnement dont ils disposent, ce qui ne tient pas compte des besoins de soins des détenus.

Les soins dentaires restent problématiques, une situation inchangée depuis 2000.

L'OIP reprend les constats critiques du CGLPL sur le fonctionnement réel des unités hospitalières de soins interrégionales (UHSI), très contraignant pour les patients, qui en viennent à préférer repartir rapidement en détention.

Sur les soins psychiatriques, l'OIP souligne les carences de la prise en charge, reprenant entre autres les critiques du CGLPL.

Les services de soins en prison (Ucsa et SMPR) sont sous-dotés par rapport à la prévalence importante des troubles psychiatriques parmi les détenus, à la fois en moyens humains pour les activités thérapeutiques, et en locaux adaptés.
L'absence de capacités d'hospitalisation à temps plein conduit à des transferts dans des services de psychiatrie ordinaires mais les mesures de sécurité qui sont prises pour s'assurer que le détenu-patient ne s'évadera pas rendent le séjour inefficace : le patient est placé en isolement pour des raisons non médicales, fait l'objet de contentions, le séjour est le plus court possible, juste pour gérer une phase de décompensation aiguë, mais sans véritable prise en charge de la pathologie.

Le rapport est très critique sur le programme de 750 lits en unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), dont seulement 60 lits sont en service. Il relaie les critiques de certains professionnels de santé sur ces "hôpitaux prisons", estimant qu'il y a "confusion sur la place du soin" et sur les rôles entre soignants et surveillants pénitentiaires.

La prise en charge des addictions est insuffisante "au vu des besoins", estime également l'OIP. L'approche sanitaire de réduction des risques "ne parvient pas à s'imposer face à celle de la lutte contre les trafics ou la consommation".

"Les programmes d'échange de seringues restent aux portes des prisons ; diverses pratiques dérogatoires aux protocoles de soins se sont développées, dont la distribution de traitements de substitution pilés ou des sevrages rapides. Ces méthodes ont pour double conséquence de favoriser les consommations à risque et de susciter une réaction de distanciation vis-à-vis du dispositif de soins".

Inefficacité de la prévention du suicide

L'OIP se fait très critique sur la politique de prévention des suicides menée par la DAP, en estimant qu'elle a eu un faible impact sur le taux de suicide : 82 décès en détention entre le 1er janvier et le 31 août, contre 73 à la même date en 2010, soit "une hausse de 12%".

Il estime que cet échec s'explique par la conception développée par la DAP : le suicide est "un incident à éviter" et pas "un geste résultant de la souffrance des personnes".

Les différentes actions lancées - les kits anti-suicide (draps et pyjamas déchirables), le codétenu de soutien et les cellules de protection d'urgence - n'ont pas l'efficacité escomptée. L'OIP avance le chiffre de cinq suicides et d'une dizaine de tentatives de suicides réalisées avec les composants du kit en deux ans.

L'OIP demande que le ministère de la santé reprenne véritablement "la responsabilité de la politique de prévention du suicide en milieu carcéral".

Le Plan d'actions stratégiques 2010-14 sur la politique de santé des personnes placées sous main de justice, divulgué en octobre 2010, fait seulement "un pas" dans cette direction, selon l'OIP, en chargeant la direction générale de la santé (DGS) d'améliorer "la qualité des données" sur les tentatives de suicide et les décès par suicide dans la population des personnes détenues et d'évaluer les mesures de prévention du suicide mises en oeuvre par la DAP.


Source : infirmiers.com