Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

INFOS ET ACTUALITES

Médicaments : l'écrasement est souvent contre-indiqué

Publié le 10/09/2012

Parmi les médicaments pilonnés dans les services de gériatrie pour faciliter leur administration aux patients âgés, 42% avaient une forme galénique contre-indiquant cette pratique, selon une étude menée au CHU de Rouen en 2009 et à paraître dans le numéro d'octobre 2012 de la Revue de médecine interne.

Les troubles de la déglutition et du comportement des personnes âgées amènent fréquemment les équipes soignantes à écraser les médicaments prescrits en comprimés et en gélules avant de les administrer. Or, cette pratique comporte des risques pour les patients, mais aussi pour les soignants.

Afin d'analyser la prévalence et les caractéristiques de cet usage, Marie Caussin de l'université de Rouen et ses collègues ont mené en 2009 une enquête de deux jours dans les unités de gériatrie du CHU de Rouen.

Parmi les 683 patients hospitalisés en gériatrie au moment de l'enquête, 32% recevaient des médicaments dont un ou plusieurs comprimés ou contenus de gélules étaient écrasés. Ce sont les troubles de la déglutition qui ont amené les soignants à pilonner les médicaments dans 78% des cas. Les autres patients étaient atteints de troubles psychocomportementaux rendant l'ingestion de comprimés et de gélules difficile.

Dans 42% des cas, la forme galénique n'autorisait pas l'écrasement. Il s'agissait notamment de comprimés à libération prolongée, par exemple Kaléorid® (chlorure de potassium, Leo) et Topalgic LP® (tramadol, Sanofi), ou de comprimés gastrorésistants : Dépakine® (valproate, Sanofi), Dépamide® (valpromide, Sanofi), Inexium®(ésoméprazole, AstraZeneca).

"La plupart de ces comprimés pouvaient être remplacés soit par une forme buvable, comme Ebixa®(mémantine, Lundbeck), soit par une forme à libération immédiate (Topalgic®), soit par un médicament équivalent orodispersible, par exemple Ogastoro® (lansoprazole, Pharma Lab)" à la place de l'ésoméprazole, détaillent les auteurs. En revanche, quelques médicaments comme Dépamide® n'avaient pas de produit équivalent.

Par ailleurs, les soignants utilisaient principalement un pilon et un mortier, qui dans plus de 40% des cas servaient à la préparation de tous les médicaments du service, le matériel étant nettoyé à l'eau, à l'issue de la distribution. Or, "l'écrasement de plusieurs médicaments ensemble expose à des interactions chimiques dont les conséquences sont inconnues", rappellent les auteurs.

De plus, utiliser le même récipient pour tous les malades faisait courir le risque de les exposer à des médicaments qui ne leur avaient pas été prescrits.

En moyenne, les soignants administraient les médicaments écrasés 2,6 minutes après les avoir pilonnés. Toutefois, dans les cas où la préparation était distante de l'administration, les patients recevaient leur traitement environ trois heures et demie après, conduisant à un risque de sous-dosage.

Les modes d'administration privilégiés par les équipes hospitalières correspondaient aux goûts des patients, en général des compotes, au dépend de l'eau gélifiée, relativement inerte, employée dans 6% des cas seulement.

Les pratiques mises en évidence dans cette enquête ne nuisent pas seulement aux patients, elles peuvent également entraîner des allergies ou des accidents toxiques chez les soignants. Au CHU de Rouen, lors de l'enquête, la quasi-totalité des préparations étaient réalisées par une infirmière en salle de soins ou dans la chambre des patients, sans gant ni masque.

Les infirmières et aides-soignantes ont globalement mis en avant le manque de temps pour expliquer leurs pratiques.

L'analyse de ces dysfonctionnements a depuis amené le CHU de Rouen à rédiger et diffuser des recommandations, une liste exhaustive des médicaments comportant l'information sur la possibilité d'écraser les médicaments et, en cas d'impossibilité, les alternatives. Cette démarche et les recommandations régionales ont été transmises à la Haute autorité de santé (HAS) puis intégrées au guide HAS "sécurisation et auto-évaluation de l'administration du médicament", publié en décembre 2011.

Bibliographie

  • La revue de médecine interne, à paraître, octobre 2012, vol.31, n°10

Source : infirmiers.com