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GRANDS DOSSIERS

Médecins urgentistes et infirmiers pompiers : une mésentente ?

Publié le 03/02/2011

L’AMUF dénonce une « dérive grave » : le remplacement des SMUR par des infirmiers. L’un d’eux lui répond.

L’association des médecins urgentistes de France (AMUF), présidée par le Dr Patrick Pelloux, a diffusé le communiqué suivant le 21 janvier.

L’AMUF alerte la population française sur une dérive grave de la prise en charge des urgences  extra– hospitalières, avec à la clé une perte de chances pour les victimes : des véhicules rapides armés par des infirmiers travaillant sur protocole vont remplacer les SMUR, véhicules de réanimation avec médecins spécialisés.

Les Véhicules Légers Infirmiers (V.L.I.) du service de santé et de secours des pompiers se multiplient sur le territoire et les lignes de gardes de médecins d’intervention SMUR ou de régulation sont fermées jour après jour. Le système français des SAMU, Centres 15 et SMUR que la moitié des pays développés ont mis en œuvre, est devenu trop cher pour nos décideurs, qui tentent depuis 5 ans d’explorer les modèles américain, suédois, israélien qui fonctionnent avec des « Paramedics » : Super ambulanciers ou infirmiers.

Les V.L.I. sont ainsi déployés par les pompiers sur des territoires surmédicalisés, basées au plus près des SMUR, comme  sur la Côte d’Azur, laboratoire d’expériences à grande échelle à l’insu des usagers.

L’AMUF dénonce l’hypocrisie des autorités de santé  et du comité d’experts  qui valide  les protocoles  de ces V.L.I., en cachant la vérité aux médecins urgentistes et aux usagers.
Parmi ces experts, outre les représentants des pompiers, nous retrouvons les organisateurs du Congrès Urgences qui tiennent à leur public un tout autre discours.

L’AMUF a donc pris la décision de ne valider aucun protocole infirmier, jusqu’à ce que :

  • un moratoire concerté sur l’arrêt des fermetures des SMUR et des lignes de gardes de régulation médicale dans les Centres 15 soit validé,
  • le référentiel commun redevienne la règle des modalités d’implantation des VLI sur les territoires (zones où le maillage SMUR existant est insuffisant pour assurer la prise en charge dans un délai acceptable d’une détresse vitale)

James, rédacteur d’Infirmiers.com et auteur d’un article sur les « paramedics » (N’est pas Paramedic-al qui veut …), ne partage pas ce point de vue :

Comme il est difficile de s'en prendre à ses pairs ou à sa tutelle, l'Association des médecins urgentistes de France n'a pas trouvé mieux que de tenter de sauver sa peau en essayant de raser son environnement.
Alors que médecins et infirmiers sont proches tous les jours dans les services hospitaliers, pour l’Association, ils seraient rivaux dans l'urgence préhospitalière !
Les infirmiers sapeurs pompiers seraient la source de tous les maux : ainsi, ayant les bras suffisamment longs pour aller jusqu'à guider les ARS dans leurs choix de fermer les SAMU, ils s’en prendraient à leurs collègues médecins.

L’AMUF a une façon bien particulière de se mettre en avant, de faire parler d’elle, alors que tous les jours, partout en France, infirmiers et médecins travaillent de concert, en bonne intelligence et complémentarité. Il faut d’ailleurs rappeler que les services de santé d’urgence sont encadrés par des médecins : tout ce qui est fait est validé par ceux du corps des sapeurs pompiers et souvent par ceux du SAMU. Personne n’imagine que des infirmiers (de 3,5 à 4, 5 ans d’études) fasse le même travail qu’un médecin (11 ans d’études) ; ça ne les empêche pas de travailler ensemble !

Mais pour l’AMUF, c’est aussi une bonne façon de tacler les confrères, la déontologie empêchant souvent de les critiquer ouvertement. Sans compter qu’il est plus facile à une association d’exprimer des critiques virulentes qu’à une organisation publique devant légitimement justifier ses prises de position, prises au nom de la population qu’elle représente. Quant aux ARS, décideurs de l'avenir des SAMU en France, ils sont de manière « politiquement correcte » épargnés.

La population Française, comme les infirmiers de Sapeurs Pompiers, a besoin de ses SAMU et SMUR. Quelle chance de vivre dans un pays où de jour comme de nuit, 365 jours par an, on peut compter sur un médecin disponible, par téléphone ou à nos côtés.  
J'espère qu'ils seront là le jour de mon infarctus ! L’Académie de médecine l’a souligné dans un rapport récent sur le secourisme, où elle se prononçait contre les positions avancées aujourd’hui par l’AMUF. Et on peut être certain que les communes de France sont sensibles à cette problématique (voir l’article publié dans la Gazette des communes)

Les infirmiers (sapeurs pompiers) ne peuvent être tenus responsables de la fermeture des SMUR, de la baisse du nombre de médecin en France, de la désertification médicale de certaines régions, de l’explosion du corporatisme exacerbé de certains, de la méconnaissance du métier de l’autre et du manque de communications entre les services.

Depuis la parution de ce communiqué, les infirmiers sapeurs pompiers ont reçu de nombreux soutiens de leurs collègues médecins urgentistes arguant de nombreuses expériences communes et complémentaires dans un esprit toujours identique : celui de la meilleure prise en charge du patient. Soutenue par les principaux syndicats pompiers, l'ANISP (Association nationale des infirmiers de sapeurs pompiers), l'association la plus active dans le domaine, a répondu à l'AMUF dans un courrier très argumenté.

Alors que tous savent que la solution est dans la complémentarité (comme les salles communes de réception de gestion de l'alerte le montrent bien), quelle leçon de maturité donne l’AMUF en préférant agresser gratuitement plutôt que de discuter ? À moins qu’il soit inutile de discuter avec des infirmiers si puissants que même les ARS doivent les écouter… Et pourtant, les infirmiers pompiers au travers de leur fédération, de leurs directions départementales ou de leur association nationale seraient ravis de présenter leurs missions et leur intégration au sein de l’organisation départementale de l’aide médicale urgente à tous les médias, les médecins, urgentistes ou non, les partenaires et usagers qui le souhaitent. Sans attaque et en toute complémentarité, en raison du fait qu’ils connaissent, eux, leurs places, et c’est bien ce qui importe.

James IACINO
Rédacteur Infirmiers.com
james.iacino@izeos.com


Source : infirmiers.com