Différents types de maltraitance
En reprenant la définition de l’ODAS, on constate que celui-ci différentie bien les divers types de maltraitances de l’enfant.
1. Les violences physiques
Il s’agit de tous les mauvais traitements physiques tel que :
- Coups
- Secousses
- Brûlures
- Empoissonnement
- etc.…
Ces actes correspondent environ à un tiers des enfants maltraités.
Certaines pistes peuvent être utiles pour repérer les actes de maltraitance.
En ce qui concerne les brûlures, par exemple, on recherchera de façon privilégiée les brûlures par contacts directs par cigarette, par ébouillantement…
Les brûlures volontaires sont toujours plus violentes que les brûlures involontaires car généralement quand « c’est chaud » on se retire…
Le siège des lésions est souvent évocateur de mauvais traitements, nous retiendrons plus particulièrement les lésions du visage, de la face interne des cuisses, du thorax, du cou et les arrachements de cheveux.
Les ecchymoses, les hématomes ne sont pas toujours la résultante de chutes accidentelles, le contexte de la lésion est toujours à rechercher.
Par ailleurs, les ecchymoses chez un bébé ne sont pas normales.
Le tableau ci-dessous donne quelques informations sur la localisation des lésions en fonction de leurs origines.
Accident | Maltraitance |
Visage, menton, front | Fesses, régions génitales |
Mains | Joues |
Face antérieure des jambes | Cuisses, thorax, cou |
Le syndrome du bébé secoué, assez médiatisé, intervient généralement entre 4 et 6 mois dans le contexte d’énervement parental. Les lésions sont engendrées par des secousses, le plus souvent, antéropostérieures et, ont des conséquences extrêmement délétères pour le système nerveux de l’enfant.
On retrouvera des hématomes sous duraux, des hémorragies du fond de l’œil par ailleurs, il faut systématiquement rechercher les lésions d’empoignement qui se caractérisent par des ecchymoses au niveau des bras.
2. Les négligences lourdes
Elles n’ont pas d’aspects brutaux et se manifestent par un délaissement de l’enfant.
Elles se caractérisent, le plus souvent, par :
- un défaut d’alimentation
- un défaut de soins et soins d’hygiène
- un défaut de surveillance et de protection
- …
Les négligences lourdes se repèrent lors de l’examen clinique et on retrouve généralement :
- un ralentissement staturo-pondéral anormal pouvant être induit par une sous alimentation
- un retard psychomoteur
- un retard des acquisitions de bases
Elles représentent, également, un tiers des cas de maltraitance.
3. Les violences sexuelles
Les violences sexuelles de l’enfant sont définies par toutes les formes d’exploitations sexuelles d’un enfant par un adulte.
- L’inceste
- Le viol
- L’agression sexuelle
- L’attentat à la pudeur
- Les appels téléphoniques obscènes
- L’utilisation d’enfant à des fins pornographiques ou de prostitution.
Les conséquences physiques et psychologiques sont désastreuses avec des passages à l’acte suicidaire régulier.
Ces formes de maltraitances représenteraient le dernier tiers des maltraitances identifiées.
4. Les violences psychiques
Ces types d’agressions sont beaucoup moins médiatisés que les précédentes atteintes.
Cependant, il ne faut pas croire que ces violences n’en soient pas moins dévastatrices pour leurs victimes.
On y retrouve essentiellement :
- les actes de sadisme
- la cruauté mentale
- l’humiliation
- les brimades
- le rejet de l’enfant
- le refus affectif
- les exigences non adaptées à l’enfant (surentraînement sportif)
Il est difficile de comptabiliser ces violences du fait de leurs extrêmes subjectivités et de l’omerta qui les entourent.
Elles sont estimées par l’ODAS à 10% des cas de maltraitance.
Diagnostic des maltraitances :
Il faut être prudent face aux cas de maltraitances car aucun signe ne permet de dire avec certitude qu’il s’agit d’une maltraitance. Tout repose sur le diagnostic médical d’une part, le contexte dans lequel la lésion est survenue d’autre part.
Il est important de ne pas faire de parallèle entre ce que l’on voit et la gravité ou le danger auquel, peut-être, l’enfant est exposé.
La maltraitance doit être définie avec beaucoup de discernement car l’atteinte à l’intégrité physique et morale d’un enfant constitue une infraction pénale grave.
La protection et la prévention d’un mineur en danger répondent à des règles strictes et passent par une information aux autorités compétentes appelée :
Le signalement
Par ailleurs, ce signalement doit être réalisé dans le respect des règles relatives au secret professionnel qui s’imposent à tout agent de la fonction publique.
Le signalement
1. Définition
Le signalement consiste à informer les autorités administratives, judiciaires compétentes en vue d’une action institutionnelle de protection.
L’obligation de signaler est imposée par la Loi et entre autre, la Loi Pénale, qui trouve son essence dans l’article 484-3 du Code Pénal.
Article 484-3 du CP :
« Le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende….
Sauf quand la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13 ».
Le signalement est écrit et, évalue de façon objective si la personne « présumé à risque » nécessite une mesure de protection judiciaire ou administrative.
Les buts de cette disposition sont :
- Protéger le maltraité
- Informer les autorités d’un danger suspecté
- Déclencher une enquête pénale ou administrative d’évaluation.
Cependant ces dispositions plongent le professionnel de santé au cœur d’un dilemme qui associe plusieurs dispositions légales.
D’une part, l’article 434-3 du CP qui commande une obligation de signalement et d’autre part, l’article 226-13 du même code qui, quant-à lui, impose au professionnel de santé le secret.
Article 226-13 du CP :
« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par son état ou par sa profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende »
C’est pourtant à travers un autre article du code pénal que le professionnel de santé pourra, sans risque, violer en conscience le secret.
Article 226-14 du CP :
« L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ;
3° Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire. »
Cet article permet à quiconque « à celui qui » de signaler les mauvais traitements, affligés aux plus faibles, aux autorités administratives, judiciaire et médicales.
Cependant, dans le cadre de sa mission de service public, l’infirmier de sapeurs pompiers confronté à une suspicion de maltraitance devra « signaler » avec toute la circonspection que cela suppose.
2. Rappel du cadre juridique pour les infirmiers
Les infirmiers et plus encore les ISP (infirmiers sapeurs pompiers) sont tenus de respecter des aspects législatifs et réglementaires imposés par plusieurs codes.
Le cadre général du Service de Santé et de Secours Médical des Sapeurs Pompiers est défini par les articles L.1424-2, R.1424-24 du Code Général des Collectivités Territoriales.
Il faut également préciser que l’ISP est placé sous l’autorité du médecin chef conformément à l’article R.1424-26 du CGCT (code général des collectivités territoriales)
« […] Les personnels du service de santé et secours médical sont placés sous l’autorité du médecin-chef, et relèvent de leur chef de centre ou du chef de service mentionnés à l’article R.1424-1 du CGCT, pour les missions exercées par ce centre ou ce service ».
Par ailleurs, les infirmiers sont tenus de respecter les dispositions du Code de la Santé Publique en ce qui concerne l’exercice et les règles de leur profession. Malgré leur spécificité, les ISP n’échappent, bien évidement pas, à ces règles.
Prévention, dépistage et respect du secret professionnel
Ainsi l’article R.4311-1 du code de la santé publique dispose :
« L'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé.
Dans l'ensemble de ces activités, les infirmiers et infirmières sont soumis au respect des règles professionnelles et notamment du secret professionnel.
Ils exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du secteur de la santé, du secteur social et médico-social et du secteur éducatif. »
L’article R.4312-4 du même code complète le précédent en ces termes :
« Le secret professionnel s'impose à tout infirmier ou infirmière et à tout étudiant infirmier dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, lu, entendu, constaté ou compris
L'infirmier ou l'infirmière instruit ses collaborateurs de leurs obligations en matière de secret professionnel et veille à ce qu'ils s'y conforment. »
En matière de signalement de maltraitance les infirmiers sont également soumis à une règle précise sur la conduite à tenir face à ce genre de situation.
L’article R.4312-7 du CSP précise :
« Lorsqu'un infirmier ou une infirmière discerne dans l'exercice de sa profession qu'un mineur est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour le protéger, en n'hésitant pas, si cela est nécessaire, à alerter les autorités médicales ou administratives compétentes lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans »
Cette disposition particulière du CSP impose donc la prudence « judiciaire » aux infirmiers au profit du signalement médical.
Lors de l’intervention de l’infirmier, dans un climat de crise, la sagesse commande que le signalement judiciaire et/ou administratif soit réalisé, en conscience, par le médecin (art R.4127-44 du CSP).
« Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
S’il s’agit d’un mineur de quinze ans ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. »
Il ne faut pas oublier que la maltraitance est un diagnostic médical, à ce sujet, le code de la santé public le rappelle dans son article R.4127-33 :
« Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soins possible en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et s’il y a lieu, des concours appropriés ».
A cet effet, suite à des erreurs de diagnostiques, des établissements hospitaliers se sont vus condamnés en justice et rien n’empêche les magistrats d’en faire de même avec les SDIS.
Le danger des signalements intempestifs
Parmi les affaires les plus significatives de la dangerosité des signalements intempestifs nous pouvons citer entre autre, l’affaire « Camélia » :
En 1995 une petite fille du 22 mois est enlevée à ses parents car elle présente plusieurs traits de fracture qui seront considérés, par un hôpital public de Lyon, comme un syndrome de SILVERMAN ;
Les parents seront placés en détention provisoire suite à un signalement judiciaire.
Après expertise et examen approfondi de la petite fille, il s’est avéré que celle-ci était touchée par l’ostéogenèse imparfaite ou encore appelé maladie des os de verres.
Les parents seront innocentés au pénal cependant, la Cour Administratif d’Appel condamnera l’établissement de santé à 20.000€ de dommage et intérêt au profit des parents en 2005.
Dans la même lignée, l’affaire « Enzo » en 2000 Hôpital public à Lyon
Il s’agit ici d’un petit garçon de 15 mois porteur de la même maladie que la petite Camélia, les parents seront également victime d’un signalement abusif ils supporteront 36 heures de garde à vue, et leur fils sera placé en famille d’accueil.
Ce n’est qu’en 2004 que le Juge aux Affaires Familiales lèvera les mesures d’assistance éducatives d’Enzo et le redonnera à ses parents.
Conclusion
Ces affaires sont suffisamment éloquentes pour affirmer que déposer un signalement n’est pas chose aisée. Le risque d’erreur est réel et les conséquences transversales peuvent s’avérer catastrophiques.
L’infirmier ne doit pas perdre son juge arbitre devant une situation de maltraitance avérée mais doit, en priorité, lors d’intervention, en informer les autorités médicales avant toutes autres initiatives.
Résumé
L’infirmier de sapeurs pompiers doit être préparé à appréhender, lors de ses interventions, au phénomène de la maltraitance.
Les maltraitances sur les enfants ont été différenciées par l’ODAS en 4 volets :
- les maltraitances physiques
- les négligences lourdes
- les violences sexuelles
- les violences psychiques
Bien qu’aucun signe ne puisse signifier, avec certitude, qu’il s’agisse de maltraitance, l’essentiel repose sur le diagnostic médical. Ce diagnostic doit être réalisé avec beaucoup de discernement, car il s’agit d’une infraction pénale grave donnant lieu à un signalement. Le signalement consiste à informer les autorités compétentes (administratives, médicales et judiciaires) d’actes de maltraitances.
Bien que la loi autorise « quiconque » à signaler une maltraitance chez les enfants, le Code de la Santé Publique insiste pour que l’infirmier en informe, en premier lieu, les autorités médicales.
De nombreuses erreurs d’appréciation ont conduit des parents bienveillants devant des juridictions.
La prudence commande donc aux infirmiers d’informer, en priorité, les autorités médicales avant toute autre initiative.
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