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LEGISLATION

Les protocoles de soins validité et conditions d'application

Publié le 17/04/2009

L’intervention de l’infirmier par application d’un protocole de soins répond à des conditions strictes qui sont notamment précisées dans le décret de compétence des infirmiers de juillet 2004.

Récemment, la fédération des établissements hospitaliers de France a publié des recommandations sur la « Formalisation de la mise en œuvre d'un protocole de traitement antalgique dans le dossier de soins infirmiers » et apporté les précisions suivantes :
 

L’application des protocoles définie dans le décret de compétence des infirmiers


L'article 7 du décret du 11 février 2002 énonce que (Décret abrogé et remplacé par le nouveau décret du 27 juillet 2004 »), « l'infirmier est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques, dans le cadre des protocoles préétablis écrits, datés et signés par un médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers ».

Selon les normes de qualité diffusées par le ministère chargé de la Santé (Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), Bureau P2, « Soins infirmiers : normes de qualité », Guide du service de soins infirmiers, 2e édition, septembre 2001, rubrique « Les prises en charge particulières ».), dès l'arrivée et tout au long du séjour de la personne soignée, l'infirmier « applique les prescriptions médicales et/ou les protocoles spécifiques à la douleur, en assure la surveillance et en évalue les effets ».

Commentaire : Hormis l’hypothèse de l’urgence, l’infirmier ne peut pas prendre l’initiative d’un traitement sans prescription médicale. C’est la raison pour laquelle dans un souci de bonne gestion des soins et de qualité de la prise en charge des patients, il ait fondamental que les services prennent l’habitude de rédiger des protocoles de soins pour faciliter la prise en charge des patients et éviter de laisser et les infirmiers et les patients dans l’attente d’une prescription médicale.

En conséquence, l’intervention de l’infirmier en application d’un protocole est défini et déterminé par le décret de compétence aux articles suivants :
 

  • L’article R4311-3 Code de santé publique (CSP)


«  […] Il peut élaborer, avec la participation des membres de l'équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé de la conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers […] » ;

  • L’article R 4311-7 CSP


43° […] Mise en oeuvre des engagements thérapeutiques qui associent le médecin, l'infirmier ou l'infirmière et le patient, et des protocoles d'isolement. »
 

  • Article R. 4311-8 CSP


« […] L'infirmier ou l'infirmière est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques, dans le cadre des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers. […] »

  • Article R. 4311-12 CSP


« […] L'infirmier ou l'infirmière, anesthésiste diplômé d'Etat, est seul habilité, à condition qu'un médecin anesthésiste-réanimateur puisse intervenir à tout moment, et après qu'un médecin anesthésiste-réanimateur a examiné le patient et établi le protocole […] »

  • Article R. 4311-14 CSP


[…] En l'absence d'un médecin, l'infirmier ou l'infirmière est habilité, après avoir reconnu une situation comme relevant de l'urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en oeuvre des protocoles de soins d'urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable. Dans ce cas, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes conservatoires nécessaires jusqu'à l'intervention d'un médecin. Ces actes doivent obligatoirement faire l'objet de sa part d'un compte rendu écrit, daté, signé, remis au médecin et annexé au dossier du patient. En cas d'urgence et en dehors de la mise en oeuvre du protocole, l'infirmier ou l'infirmière décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Il prend toutes mesures en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état. […] »

Commentaire :

Il convient de noter que l’intervention de l’infirmier n’est valable qu’à partir du moment où le protocole répond aux exigences de la loi.

Les protocoles de soins doivent répondre aux conditions suivantes.

Ils doivent être :

 

  • Elaborés conjointement par les personnels médicaux et infirmiers impliqués dans leur mise en œuvre
  • Validés par l'ensemble de l'équipe médicale, par le pharmacien et par le directeur du service des soins infirmiers
  • Datés et signés par le médecin responsable et le cadre de santé du service
  • Diffusés à l'ensemble du personnel médical et paramédical du service, au directeur d'établissement, au directeur du service de soins infirmiers et au pharmacien hospitalier
  • Remis au nouveau personnel dès son arrivée
  • Accessibles en permanence dans le service
  • Placés dans un classeur identifié
  • Affichés si l'organisation du service s'y prête
  • Evalués et, si nécessaire, réajustés, et, dans ce cas, redatés et signés
  • Revus obligatoirement au moins une fois par an
  • Revalidés systématiquement à chaque changement de l'un des signataires et diffusés




Trois éléments fondamentaux à retenir : Le protocole doit être daté, signé et revu annuellement. A posteriori c'est-à-dire après intervention de l’infirmier selon un protocole il doit être fait mention dans le dossier de soins du recours à un protocole et les modalités de l’intervention.

Existe-t-il une différence entre les protocoles et ordonnance ?


La lettre de la fédération des établissements hospitaliers de France a précisé sur ce point la distinction du protocole et de l’ordonnance.

« Le protocole se distingue de la prescription médicale en ce qu'il trouve application à une pluralité de patients. Au contraire, la prescription médicale est obligatoirement individuelle. Selon le ministère chargé de la Santé, « les protocoles de soins constituent le descriptif de techniques à appliquer et/ou des consignes à observer dans certains situations de soins ou lors de la réalisation d'un soin. Ils permettent notamment aux infirmiers d'intervenir sans délai [...] et d'utiliser des procédures reconnues pour leur efficacité » (Ministère de la Santé, de la Famille et des personnes handicapées, Guide pour la mise en place d'un programme de lutte contre la douleur dans les établissements de santé, mai 2002, fiche 3 : « le traitement médicamenteux de la douleur »).

Les protocoles sont considérés comme « des prescriptions anticipées ou des conduites à tenir » Ils sont constitutifs d'une prescription médicale et, à ce titre, doivent être validés par un médecin.

Lorsque l'infirmier met en œuvre un protocole, il doit obligatoirement informer le médecin de son initiative et la consigner dans le dossier de soins (Circulaire DGS/DH/DAS n° 99-84 du 11 février 1999, relative à la mise en place de protocoles de prise en charge de la douleur aiguë par les équipes pluridisciplinaires médicales et soignantes des établissements de santé et des institutions médico-sociales).

Faut-il renseigner seulement le volet « transmissions » ou noter sur la fiche de prescription « protocole douleur, voir transmission » ? Il faudra choisir la procédure la plus adaptée à la prise de connaissance par le médecin de la mise en œuvre du protocole.

Commentaire :

Protocole et ordonnance sont tous deux des prescriptions qui dans tous les cas doivent être écrits, datés, signés. L’un comme l’autre permettent à l’infirmier d’intervenir selon les conditions fixées par les dispositions de l’article R 4311-9 CSP.

En l’absence de protocole, l’infirmier peut il prendre la responsabilité de mettre en place un traitement ?


Article R. 4311-14 Code de la santé publique

« En l'absence d'un médecin, l'infirmier ou l'infirmière est habilité, après avoir reconnu une situation comme relevant de l'urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en oeuvre des protocoles de soins d'urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable. Dans ce cas, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes conservatoires nécessaires jusqu'à l'intervention d'un médecin. Ces actes doivent obligatoirement faire l'objet de sa part d'un compte rendu écrit, daté, signé, remis au médecin et annexé au dossier du patient.

En cas d'urgence et en dehors de la mise en oeuvre du protocole, l'infirmier ou l'infirmière décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Il prend toutes mesures en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état. »

Les dispositions du décret de compétence des infirmiers différencient deux situations :
 

  • Une situation d’urgence et existence de protocole : l’infirmier intervient selon les modalités convenues et décrites dans le protocole de soins.
  • Une situation d’urgence et absence de protocole : L’infirmier décide des gestes à pratiquer. Cependant, l’urgence au sens juridique du terme signifie qu’il s’agit d’une situation à un moment donné et surtout qu’il existe une urgence à intervenir pour des raisons vitales pour le patient.


En conséquence, en l’absence de protocole l’infirmier ne peut pas prendre l’initiative d’un traitement. L’infirmier ne peut intervenir que dans le cadre d’une prescription médicale. D’où l’importance de rédiger des protocoles.

L’absence de protocole dans un service peut-il être qualifié de faute par le juge ?


Si l’absence de protocole nuie à la prise en charge du patient et que cela cause un dommage pour un patient la responsabilité du médecin pourrait être retenue pour manquement à la prise en charge du patient selon les règles de l’art c'est-à-dire « donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données actuelles et acquises de la science »

Si l’absence de protocole place l’infirmier dans l’impossibilité d’administrer un traitement en raison de l’absence de prescription médicale (ordonnance et/ou protocole) il pourrait être conclu à une carence fautive dans la prise en charge du médecin responsable du service et/ou du médecin du patient.

En conclusion : Les protocoles de soins ont valeur de prescription médicale et peuvent avoir pour objet une prise en charge collective (Détermination des conditions de traitement pour une situation donnée) ou individuelle (Détermination d’une thérapie pour un patient).

Les protocoles peuvent être un véritable remède pour une prise en charge de qualité du patient et limiter toutes carences dans la prise en charge. Il n’en demeure pas moins que la prise en charge du patient reste une prise en charge individuelle et que l’on ne peut oublier la relation singulière qui lie le patient au professionnel de santé.

Bibliographie

  • Loi du 4 mars 2002 n°2002-303 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
  • Décret relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmiers du 27 juillet 2004 ;
  • Circulaire n° 98/94 du 11 février 1999 relative à la mise en place de protocoles de prise en charge de la douleur aiguë par les équipes pluridisciplinaires médicales et soignantes dans les établissements de santé et institutions médico-sociales ;
  • « Infirmier et prise en charge de la douleur » Nathalie Lelièvre ; Masson n°4, 2004 ;
  • « Les obligations de l’infirmier, responsabilité juridique et professionnelle », Nathalie Lelièvre ; Heure de France, Paris, 2003.
Nathalie LELIEVRE
Juriste spécialisée en droit de la santé
AEU droit médical, DESS droit de la santé
Chargée de conférence
Comité Rédaction Infirmiers.com
nathalie.lelievre@infirmiers.com

Source : infirmiers.com