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AU COEUR DU METIER

Les classifications de la pratique des soins infirmiers

Publié le 14/04/2009

Dans le contexte actuel, une attention accrue est portée au coût des prestations de soins et aux résultats de soins observés chez les patients.

Les responsables sont en droit de se poser les questions suivantes :

  • le recours le plus fréquent à des actions infirmières spécifiques se traduit-il par une meilleure prévention, une réduction des complications ou une amélioration de la santé et du bien-être ?
  • existe-t’il des actions infirmières qui soient aussi efficaces, moins onéreuses que les interventions d’autres professionnels de la santé ?

Pour répondre à ces questions, il faudrait d’abord que les problèmes soient nommés, enregistrés afin de pouvoir établir un lien avec les interventions et les résultats.

« Il est primordial de nommer ce que nous faisons, sinon comment pourrions-nous le contrôler, le financer, l’enseigner, l’étudier ou le voir inclus dans les politiques de santé » (Norma Lang 1993)

L’enregistrement des soins infirmiers n’est réalisable que s’il existe un système de codification ou un langage uniforme permettant une description cohérente de la pratique infirmière.

Les classifications et les taxonomies permettent cette codification et surtout elles sont utilisables en informatique. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles les classifications ont été développées. En effet, un système informatisable :

  • peut répertorier les Diagnostics Infirmiers (DI) les autres problèmes du client et les interventions infirmières (R.I.M.(1) P.R.N.(2) SIIPS (3) ….) et les résultats associés.
  • peut offrir un mécanisme de remboursement des activités infirmières sur la base des diagnostics infirmiers et non plus des diagnostics médicaux
  • peut prédire les besoins en personnel et les besoins en formation du personnel

Pour rappel, une classification est l’agencement systématique de phénomènes en groupes ou en classes, basés sur les caractéristiques communes de ces objets. Nous connaissons tous les classifications que nous avons étudiées à l’école primaire : les mammifères, les oiseaux, les poissons …

Une taxonomie en soins infirmiers fournit un cadre de référence commun aux infirmières (4) les oriente vers une terminologie spécifique aux soins infirmiers plutôt que médicale, facilite les transmissions orales et écrites.

Les médecins ont mis plusieurs années pour établir leur classification ; ils utilisent les dernières versions de la Classification Internationale des Maladies et Interventions (ICD).

Les infirmières développent actuellement leurs classifications de diagnostics infirmiers, d’interventions et de résultats. Ce sont des propositions qui sont acceptées pour des essais cliniques et sont révisées et enrichies régulièrement.

L’élaboration de données infirmières standardisées est une tâche très complexe, car il faut tenir compte des différences linguistiques (problèmes sémantiques). Cela nécessite donc du temps, des experts et des ressources financières importantes (5)

Plusieurs classifications existent :

  • la classification internationale de l’OMS : ICF : International Classification of Functioning, Disability and Health : elle reprend l’homme et son environnement (Fonctions organiques et structures anatomiques, activités et participation et facteurs environnementaux). Elle est très vaste. Elle reprend entre autres : la maladie, le handicap, mais aussi le bien-être. http://www.who.int/classifications/icf/en/
  • la classification du CII (Conseil International des Infirmières) qui propose l’ICNP® (International Classification for Nursing Practice) en français : la Classification internationale de la pratique des soins infirmiers CIPSI.
    • Depuis 2005, les trois principaux éléments de l’ICNP®, version 1.sont :
      • les Phénomènes dans la pratique des soins infirmiers : les diagnostics infirmiers
      • les Actions en soins infirmiers : les interventions infirmière
      • les Résultats de la pratique des soins infirmiers - http://www.icn.ch/icnpf.htm
  • La classification des diagnostics infirmiers de NANDA-International
  • La classification des interventions infirmières de l’Iowa : la NIC ou CISI
  • La classification des résultats sensibles aux soins infirmiers de l’Iowa : NOC ou CRSI
  • La classification OMAHA
  • et d’autres, moins connues en Europe francophone

La classification des diagnostics infirmiers de NANDA-International

La classification des diagnostics infirmiers nous vient des Etats-Unis. Elle a été proposée par la NANDA, ou ANADI, Association Nord-Américaine des Diagnostics Infirmiers (1973)

Les diagnostics infirmiers sont des concepts utilisés pour décrire les réactions humaines à des problèmes de santé réels ou potentiels ou aux processus de vie des clients. Ils décrivent la pratique clinique. En France, le diagnostic infirmier a été officialisé en 1992 dans le programme des études et en 1993 dans l’exercice de la profession.

Rappelons que cette classification évolue au fil des années en proposant des énoncés de diagnostics tenant compte des préoccupations de santé actuelles. De 40 diagnostics au départ, nous en sommes maintenant à 188. Depuis 1992, la traduction en français est effectuée par l’AFEDI (6) et l’AQCSI (7). L’AFEDI a été fondée en 1991 et travaille, depuis sa création au développement des diagnostics, interventions et résultats en soins infirmiers.

En 2002, la NANDA est devenue NANDA International ; en effet, dans plusieurs pays, les infirmières utilisent les diagnostics infirmiers et participent aux différents travaux de révision des diagnostics. La classification des diagnostics infirmiers est en effet disponible dans plusieurs langues , notamment en allemand , anglais (Etats-Unis et Angleterre), chinois, danois , espagnol , français ,islandais , italien, japonais, néerlandais, norvégien et portugais.

Ces classifications facilitent les comparaisons et le partage d’information sur les pratiques optimales entre infirmières; elles fournissent des données de qualité aux chercheurs pour leur permettre d’analyser des enjeux clés qui ont trait à la pratique infirmière.

Actuellement, certains évitent le diagnostic infirmier ; l’on parle de « raisonnement clinique » et l’on nomme le problème avec ses mots.

Mais alors si l’on peut nommer le problème comme on veut, comme certains le préconisent, comment peut-il être répertorié ? Comment peut-il être comparé ? Comment établir les liens avec les interventions et les résultats ? Comment peut-il être utilisé en informatique ?

La classification des interventions en soins infirmiers (CISI) ou NIC (Nursing Interventions Classification)

La classification des interventions en soins infirmiers (CISI) proposée par l’université de l’IOWA (NIC) en 1992 reprend les interventions infirmières depuis la pratique généraliste jusqu’aux domaines spécialisés ; les interventions comprennent le physiologique et psychosocial, le traitement de la maladie et la prévention, la promotion de la santé, les interventions sur les personnes, les familles, les communautés, les soins directs et les soins indirects, les interventions relevant du rôle propre de l’infirmière et ou en collaboration.

Cette classification fait partie intégrante des classifications internationales de la pratique infirmière (ICNP International Classification of Nursing practice).

Une intervention est : « Tout soin basé sur un jugement clinique et des connaissances que l’infirmière réalise afin d’améliorer les résultats de la personne soignée.

Chaque intervention reprend des activités « Comportements spécifiques adoptés par l’infirmière ou actions réalisées dans le cadre d’une intervention pour aider la personne soignée à atteindre un résultat escompté. »
Il est nécessaire de réaliser une série d’activités afin de mettre en œuvre une intervention. Parmi les 10 à 30 activités présentées, l’infirmière peut sélectionner les activités spécifiques et en ajouter d’autres si elle le souhaite.

Les interventions doivent être précises et adaptées au client.

Si elles sont utilisées pour gérer un diagnostic, elles doivent être compatibles avec les objectifs et elles doivent tenir compte des capacités de la personne.Actuellement, dans la dernière édition américaine (5° édition) 542 interventions sont proposées.

Exemples d’interventions :

  • Écoute active
  • Limitation de la dépense énergétique
  • Hygiène buccodentaire
  • Soins à un patient alité …

La Classification des Résultats de soins infirmiers (CRSI) ou NOC (Nursing Outcomes Classification)

Cette classification proposée par l’université de l’IOWA en 1997 est une liste de résultats, de leur définition et des indicateurs de mesure. La classification des résultats permet de décrire les résultats des soins infirmiers chez les personnes soignées. Les résultats sont présentés sous la forme de concepts « neutres » qui reflètent l’état dans lequel se trouve le patient (exemples : mobilité, hydratation), sur un continuum.

Il ne s’agit donc pas d’objectifs spécifiques atteints, ou non atteints.

Exemples : connaissance : régime alimentaire, contrôle de la douleur.

Au stade actuel, les résultats permettent d’évaluer les retombées des interventions infirmières pour le patient et l’aidant naturel.

Ils sont utilisables de différentes façons dans la pratique. Les indicateurs peuvent traduire l’état du client, son comportement, sa perception. Ces indicateurs sont évalués au cours de l’examen clinique du client.

En fait, la CRSI s’avère être une classification des résultats de soins obtenus par tous les acteurs de santé. Elle contient des indicateurs susceptibles d’être majoritairement influencés par les interventions infirmière. L’utilisation des résultats par tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire procurera la standardisation tant recherchée.

Actuellement, la dernière édition américaine (4° édition) reprend 385 résultats.

En 2001, un partenariat entre NANDA et le Centre de classification de la Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Iowa (NIC et NOC) a vu le jour et une structure taxinomique commune a été élaborée. Cette dernière a pour but de rendre apparentes les relations entre les trois classifications et de faciliter les liens entre les diagnostics infirmiers, les interventions et les résultats de soins infirmiers.

Utiliser les 3 classifications diagnostics (NANDA-I) interventions (NIC) et résultats(NOC) est intéressant, surtout si l’on veut élaborer un dossier informatisé. En effet, les liens entre les 3 classifications existent déjà.

Exemple : D.I. anxiété, résultat : anxiété et intervention : diminution de l’anxiété

D.I. intolérance à l’activité, résultat : conservation de l’énergie/ endurance et intervention : limitation de la dépense énergétique

LE SYSTEME OMAHA (OMAHA Nursing Classification System for Community Health)

Ce système a été développé en 1970 par des infirmières libérales de la ville d’OMAHA, ville du NEBRASKA (USA) pour décrire et mesurer les problèmes du client, les interventions infirmières et les résultats chez le client.

Chaque rencontre de l’infirmière avec le client est enregistrée sur un document spécifique qui reprend :

  • le type de visite : lors de la naissance, contact dans la rue, à la clinique, contact par téléphone …
  • le type de client : individu ou famille
  • la description de la situation : en quelques mots
  • le problème /risque de problème s’il y en a un
  • le(s)résultat(s) visé(s) concerne(nt) : les connaissances, le comportement, les stratégies l’état du client
  • les interventions /actions réalisées : évaluation/surveillance; guidance/enseignement; suivi systématique de clientèle (prochaine visite); procédure /traitement
  • la signature de l’infirmière

En conclusion

Toutes ces classifications peuvent être utilisées pour rendre les soins infirmiers visibles et leur enregistrement dans le dossier de soins informatisé.

Actuellement, plusieurs recherches analysent les liens possibles entre les différentes classifications, afin de constituer des banques de données et des comparaisons entre les pays.

Il est important de rappeler que toute classification, par principe, a des limites quant à son utilisation et nous devons y être attentives, afin de l’utiliser avec discernement.

Lors des journées d’Etude européennes de l’AFEDI à Annecy (2004), L.MATHIEU (8) nous rappelait que le but des classifications infirmières est de « structurer intelligemment le savoir infirmier afin que celui-ci soit utilisé de la meilleure manière possible au bénéfice du bien-être de la personne soignée ». Elles représentent une valeur ajoutée et non un outil qui considère la personne soignée comme un objet de soins. L’outil reste au service de la personne qui l’utilise. A nous d’en faire bon usage.

Notes

1. Résumé Infirmier Minimum

Il est utilisé depuis 1988 pour le financement du prix de journée des hôpitaux en Belgique, couplé avec le RCM (Résumé clinique minimum qui lui reprend le profil médical du patient) Il a été remplacé en 2007 par les D.I.-RHM (ou R.I.M.2): données infirmières du Résumé Hospitalier Minimum. L’objectif de l’enregistrement des Données Infirmières du Résumé Hospitalier Minimal ou DI-RHM est de donner une image des interventions infirmières réalisées par des prestataires de soins

Cet enregistrement a également pour objectif de collecter des informations pour diverses applications: systèmes d’allocation en personnel, financement des soins infirmiers, processus qualitatifs, …

Les soins infirmiers doivent être justifiés et c’est la classification des interventions en soins infirmiers (CISI-NIC) qui a été choisie. Parmi les 433 interventions, 78 ont été sélectionnées pour l’enregistrement.

A l’instar de la classification américaine NIC (Nursing Interventions Classification) dont le DI-RHM s’inspire pour sa structure, la taxonomie des items s’organise en quatre niveaux hiérarchiques.

Le premier niveau est constitué par 6 domaines, le second niveau est composé de 23 classes, le troisième de 78 items, le quatrième et dernier niveau concerne des possibilités de codage. http://www.chrmons.be/objects/DI-RHM_Manuel2.pdf

2. Programme de recherche en nursing

Le PRN est la méthode découlant des travaux canadiens débutés en 1969 à l'Hôpital Sainte Justine de Montréal par Monique Chagnon et développés par l'Equipe de Recherche Opérationnelle en Santé (E.R.O.S.) dirigée par Charles Tilquin à l'Université de Montréal.

ll mesure les soins directs requis par l'état du patient, tant en nature qu'en durée. À partir du Plan de Soins Infirmiers, sont listées les différentes actions de soins requises.

Des points d'indice sont attribués à chaque action en utilisant la grille élaborée par les canadiens dans leur Projet de Recherche en Nursing, nommée PRN 80. Leur total permet de classer la dépendance par rapport aux soins, et de donner un temps pour les soins directs en minutes, chaque point d'indice valant 5 mn. http://membres.lycos.fr/papidoc/36pmsiprn.html

3. La méthode des “ soins infirmiers individualisés à la personne soignée ”(SIIPS) en France.

Elle permet de mesurer la charge en soins infirmiers, et non toute la charge de travail des soignants. Cette méthode permet de déterminer un indicateur en soins infirmiers qui donne une appréciation globale et synthétique des soins pour un séjour de malade, à partir de la demande en soins du patient.

Un indicateur de l'activité en soins infirmiers est «  une variable qui permet de mesurer qualitativement et ou quantitativement un changement dans une situation de soins infirmiers ». Actuellement, les indicateurs en soins infirmiers les plus connus portent sur les soins requis et sur les soins donnés(1). Les SIIPS mesurent les soins requis. Ils correspondent à la cotation des soins infirmiers dispensés à une personne, une famille ou une collectivité dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire avec l'appui d'un personnel soignant qualifié, des démarches de soins, des protocoles de soins, des dossiers de soins... Ce sont des actes de soins reconnus professionnellement comme étant de bonne qualité.

Les SIIPS permettent de connaître, pour chaque malade, l'intensité des soins et leur structure : soins de base, soins techniques, soins relationnels et éducatifs.

La méthode SIIPS permet de visualiser le travail infirmier, son intensité et sa structure, et de faire reconnaître les soins infirmiers en tant qu'activité spécifique.

Elle permet une analyse de la performance infirmière en termes de productivité et lors des résumés de soins infirmiers fait apparaître la cotation en charge en soins requis ainsi que les diagnostics infirmiers identifiés lors du séjour du malade ;
http://www.grieps.fr/fr/pdf_publications/LAUBIN-RIFFART-SIIPS.pdf

4. Le féminin est repris pour la simplification du texte, mais les collègues masculins sont aussi concernés

5. Pour plus de détails, consulter le site de l’ICNP repris dans la classification du CII.

6. AFEDI : Association francophone européenne des diagnostics, interventions et résultats infirmiers www.afedi.com

7. AQCSI : Association québécoise des classifications de soins infirmiers http://www.aqcsi.org/

8. MATHIEU L. (2004). La gestion des connaissances cliniques : un préalable au développement d’un système d’information infirmier informatisé. Actes des journées nationales, Association Francophone Européenne des Diagnostics, Interventions et résultats infirmiers (AFEDI), 11, 31-39

Bibliographie

  • CELIS-GERADIN M.TH « LA CLASSIFICATION DE LA PRATIQUE DES SOINS INFIRMIERS .L’ALLIANCE DES 3 NNN : NANDA International, NIC et NOC »
    JEE de l’AFEDI /Bordeaux/nov.2005
  • CLARK J.,CHRISTENSEN et al. « New methods of documenting health visiting practice » in Community Practitioner Vol 74 N°3 march 2001 pp. 108-113
  • JOHNSON M., MAAS M. «Nursing Outcomes Classification » Traduction française par Traduction française par l’ANFIIDE et l’AFEDI « Classification des résultats de soins infirmiers CRSI. NOC » Masson 1999, 386p
  • Manuel de Codage DI-RHM version 1.4
  • Mc CLOSKEY J., BULECHEK G. « Nursing Interventions Classification» Traduction française par DEDOUT CH. « Classification des interventions de soins infirmiers. CISI. NIC Masson 2000 ,755p
  • NANDA International AFEDI et AQCSI « Diagnostics infirmiers. Définitions et classification 2007-2008 Masson 2008, 388 p.
  • RIFFART Y. ,LAUBIN CL, Cadres infirmiers, formateurs consultants au
  • GRIEPS, Lyon. « CALCUL DE LA CHARGE EN SOINS AVEC LA METHODE DES SIIPS »

M.TH CELIS-GERADIN
Présidente de l’AFEDI
Maître-assistant à la HELHO (Haute École Libre du Hainaut Occidental) Département Soins infirmiers Tournai - Belgique
et formatrice au Centre de formation pour les secteurs infirmier et de santé (CPSI) Bruxelles – Belgique


Source : infirmiers.com