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Les CHU de Limoges, Bordeaux et Toulouse valorisent la recherche paramédicale

Publié le 05/11/2011

Le 30 septembre dernier, le CHU de Limoges organisait, en partenariat avec celui de Bordeaux et de Toulouse, une journée d'échanges consacrée à la recherche paramédicale. En voici quelques points forts.

La promotion de la recherche paramédicale au CHU de Limoges est une des orientations prioritaires de la Commission des Soins Infirmiers de Rééducation et Médico-techniques de l'établissement, soutenue par la Direction Générale et la Direction de la Recherche et de l’Innovation.

Rappelons le contexte, en 2009, la formation infirmière est validée par le système LMD (Licence -Master-Doctorat) et la recherche est au cœur du système de formation. Elle devient une préoccupation nationale avec, en 2009, le premier Programme Hospitalier de Recherche Infirmière (PHRI) lancé par la DGOS (Direction Générale de l’Offre en Soins,) pérennisé en 2010 par le Programme Hospitalier de Recherche Infirmière et Paramédicale (PHRIP)1 . Dans ce contexte en pleine mutation, le développement de la recherche ne peut se concevoir que dans le partage et la mutualisation des moyens et des compétences des professionnels. Ainsi, cette journée d'échanges est l’illustration du partenariat établi entre les CHU de Limoges, de Bordeaux et de Toulouse pour la promotion et la reconnaissance de la recherche paramédicale.

Une mutualisation des moyens ?

Pascale Beloni, cadre de santé (CHU de Limoges), Valérie Berger (CHU de Bordeaux) et Nadia Peoch (CHU de Toulouse), toutes deux cadres supérieurs de santé l'ont affirmé : « le développement de la recherche permet la promotion de la santé des individus et des groupes, l’amélioration de la qualité des soins, le développement de l’ensemble des pratiques soignantes, la construction des savoirs par la communication et le partage des travaux de recherche, le renforcement de la professionnalisation et de l’identité professionnelle ». Avec un soutien fort des différentes directions et universités, les CHU de Bordeaux, Limoges et Toulouse se sont ainsi structurés pour dynamiser cette activité de recherche et collaborer autour de différentes thématiques : formation à la méthodologie de recherche et à la rédaction du protocole de recherche ; stratégies de communication et de valorisation des travaux de recherche ; mise en place de projets de recherche multicentriques. « Cette structuration nous a permis de privilégier les problématiques qui émergent du terrain et d’inciter les équipes infirmières à être en recherche et à faire de la recherche. Les résultats sont aujourd'hui encourageants avec des projets retenus dans le cadre de financements du PHRIP, mais aussi de Trophées (Trophées infirmiers 2010 de l’Infirmière Hospitalière, Prix U d’argent du 4ème Congrès de la Société Française de Médecine d’Urgence) et de recherches universitaires », ont-elle rappelé, soulignant que le développement de cette activité de recherche « ne peut se concevoir que dans le partage et la mutualisation des moyens et des compétences des professionnels ».

La recherche en soins : des origines à maintenant...

Pour Chantal Eymard, infirmière, Maître de conférences, Université de Provence, « Il ne fait aucun doute aujourd’hui, que la recherche en soins est indispensable pour générer de nouveaux savoirs, évaluer les pratiques et fournir des preuves qui servent de référence pour l'éducation, la pratique, la recherche et la gestion dans le domaine des soins. Cependant, force est de constater qu’elle est dispersée et peu organisée, du moins en France, ce qui produit un manque de transparence des résultats et d’accessibilité aux productions scientifiques. Son organisation à un niveau national et international est pourtant indispensable à son évolution vers une discipline ». Origines, courants d'influence, accords de Bologne, universitarisation... bien des facteurs ont joué en faveur du développement de la recherche en soins. « Cependant, a souligné Chantal Eymard, la question de la disciplinarité des sciences infirmières et des sciences paramédicales ne peut se limiter au constat de l’intérêt porté à la recherche en soins par plusieurs disciplines et encore moins à celle de la pluri-professionnalité. En effet, si la disciplinarité est le lieu de la spécialisation, et par la même le support du développement scientifique des savoirs spécifiques à chacune des professions de santé, l’hyperspécialisation des savoirs tend à découper le sujet en micro domaines de savoirs et à exclure la complexité des phénomènes et du soin ».

Un exemple concret à Bordeaux...

Valérie Berger, cadre supérieur de santé au CHU de Bordeaux a illustré la thématique de recherche paramédicale par un exemple concret, à savoir « Construction et validation d’une échelle d’évaluation du risque de constipation des patients hospitalisés », un projet retenu au titre du PHRI 2010.

En effet, la constipation survient fréquemment chez les patients hospitalisés du fait de l’accumulation de facteurs favorisants comme le manque d’exercice, l’alitement prolongé, la prise de certains médicaments et aussi un régime alimentaire mal équilibré, une carence hydrique ou encore l’anxiété. Comme l'a souligné Valérie Berger, « dans la littérature médicale et paramédicale francophone, il n’existe pas d’outil complet et validé pour évaluer le risque de constipation à l’admission d’un séjour hospitalier. Notre projet consiste à développer et valider une échelle d’évaluation du risque de constipation, pouvant être utilisée de manière autonome par le personnel infirmier. L’usage d’un tel outil permettrait d’identifier précocement des personnes à haut risque afin de mettre en œuvre les moyens adéquats de prévention »2. L’étude se déroule en 2 temps : identification et sélection des facteurs potentiellement associés à la constipation par une revue de la littérature puis un consensus d’experts afin de sélectionner les facteurs les plus pertinents à inclure dans l’échelle ; évaluation des performances pronostiques des facteurs retenus : par une étude de cohorte pronostique où 300 patients seront inclus prospectivement dans les services participants de deux CHU (Bordeaux et Limoges). Valérie Berger a poursuivi : « la constipation est évaluée au 4ème jour d’hospitalisation (et si possible au 6ème jour) en se fondant sur la fréquence des selles et les prescriptions de laxatifs. Un score de risque peut alors être construit. La durée totale de la recherche est estimée à 3 ans (2011-2014) et les principaux impacts de ce travail devrait être de bâtir une échelle à usage courant des infirmières, de contribuer ainsi à la prévention de la constipation et de participer à l’élaboration de recommandations en la matière ».

Autre exemple à Toulouse...

Béatrice Le Floch-Meunier, infirmière cadre de santé en dermatologie à l'hôpital Larrey (CHU de Toulouse) a quant à elle développé son projet intitulé « Accompagnement d’une démarche qualité dans le cadre d’une évaluation des risques au CHU de Toulouse ». « A l’image des avancées scientifiques et humaines de l’aviation et de l’énergie nucléaire, la culture de la sécurité et de la transparence pénètre le cœur de nos organisations de soins, a-t-elle expliqué. Les établissements de santé sont des organisations complexes où une multitude de métiers interagissent et où des cultures professionnelles différentes cohabitent. La sécurité des soins se trouve à la croisée de ces différentes approches et l’hôpital doit engager une politique de gestion des risques qui implique l’ensemble des acteurs »3-4.

Se pose alors une question : « Comment mettre en place une politique de gestion des risques qui soit efficace, pertinente, partagée et pérenne au sein d’un établissement de santé ? »

Pour tenter d'y répondre, l’analyse de la méthode à engager s’est inspirée de celle mise en place au Centre Régional de Radiochirurgie Stéréotaxique du CHU de Toulouse-Rangueil afin d’en déterminer sa faisabilité et sa transférabilité au niveau des unités de soins. « La méthode, issue de l’aéronautique, s’appuie sur la mise en place d’un Comité de Retour d’Expérience (CREX) dont l’objectif est de prévenir les incidents et accidents par une démarche participative et préventive de l’ensemble de l’équipe. Elle trouve notamment son origine sur la déclaration des événements « précurseurs ». Une enquête réalisée auprès du personnel du CHU laisse entrevoir des prédispositions du personnel soignant à entrer dans la démarche issue de l’aéronautique » a souligné Béatrice Le Floch-Meunier.

Mais aussi à Limoges...

Charles Lamy, infirmier puériculteur, service des urgences pédiatriques (CHU de Limoges) a présenté de son côté son travail de recherche autour de la thématique suivante : Linipoche : Le vécu douloureux de l'enfant de moins de trois ans lors du retrait de la poche collectrice d'urines aux urgences pédiatriques : quelle stratégie de prise en charge ? », un projet retenu au titre du PHRIP 2011. « L’infection urinaire est une des infections bactériennes les plus fréquentes en pédiatrie nécessitant d’effectuer un prélèvement urinaire pour confirmer le diagnostic, a-t-il expliqué. En France, chez l’enfant de moins de 3 ans, le recueil d’urines s’obtient avec une poche collectrice. Ce soin infirmier largement recommandé chez le jeune enfant, a fait l’objet d’une étude (en cours de publication) menée en 2009 par les équipes infirmières du CHU de Limoges et CHI de Poissy. Les résultats ont révélé que le retrait de la poche pouvait occasionner des douleurs aussi, voire plus sévères que celles observées lors d’un sondage urinaire ». A partir de cette réalité et la mise en évidence d'une douleur aiguë lors du retrait de poche, les équipes soignantes se sont fixé comme objectif principal de comparer le niveau de douleur aiguë provoquée chez un enfant ≤ 3 ans lors du retrait de la poche, selon l’utilisation ou non de liniment oléo-calcaire (randomisation en 2 groupes parallèles) avec comme critère de jugement principal la différence de score de douleur aiguë mesurée par l’échelle d’hétéro évaluation de la douleur « FLACC » (Face -Legs -Activity - Cry – Consolability)5. « La méthode d’évaluation de la douleur par l’échelle « FLACC » s’effectuera comme suit : un soignant retirera la poche de l’enfant avec ou sans utilisation de liniment oléo-calcaire, selon la randomisation préalable, pendant qu’un second soignant se chargera de filmer le soin afin de fournir ultérieurement la vidéo aux experts (soignants experts en douleur) chargés d’évaluer objectivement la douleur ressentie par l’enfant pendant le soin » a poursuivi Charles Lamy. Sur la base de 136 enfants et sur une durée de 24 mois, l’étude devrait avancer au rythme de 3 inclusions par mois et par centre et chaque inclusion devrait durer au maximum 30 minutes. Pour l'infirmier puériculteur, « les retombées attendues sont, d’une part, améliorer la qualité des soins chez le jeune enfant, ainsi que les pratiques professionnelles des infirmièr(e)s, des puéricultrices (-teurs), des auxiliaires de puériculture et des aides-soignants dans le cadre de leur pratique courante. D’autre part, de proposer de nouvelles recommandations de bonnes pratiques en soins infirmiers, avec un guide précis concernant le retrait de la poche collectrice chez l’enfant de moins de 3 ans ».

Cette journée d'échanges autour de projets très concrets en phase avec les besoins exprimés dans les établissements de santé témoigne de la vivacité de la recherche paramédicale, une discipline en devenir. 500 personnes avaient répondu à cette initiative conjointe des CHU de Limoges, Bordeaux et Toulouse, ce qui souligne l'intérêt des professionnels à œuvrer dans ce sens. L'édition 2012 est d'ores et déjà attendu...

Notes

1. Circulaire n°DHOS/MOPRC/RH1/2009/299 du 28 septembre 2009 relative au programme hospitalier de recherche infirmière pour 2010.
2. Berger, V., L. Durand, M. Grocq. Élimination intestinale à l’hôpital réflexion éthique sur sa prise en charge par les soignants. Revue Recherche en Soins Infirmiers n°103, déc 2010, pp 68-77.
Kyle, G.,( 2007). Developing a constipation risk assessment scale. Continence, 1. 38-43.
3. Houssin D. in « la gouvernance des risques en santé », actes du colloque du CHU de Toulouse sous la direction de Cavalier M. et Tabuteau D. Éditions de santé/Presses de sciences Po, 2010-127 p
4. Jocou P., Les enjeux économiques de la qualité. In: Au cœur du changement. Une autre démarche de management : la qualité totale. Paris: Dunod; 1992. p. 43-71.
5- El-Naggar W, McNamara P and Taddio A, Yiu A, Mohamed A, Shah V, Manley J. Comparaison of pain during two methods of urine collection in preterm infants. American academy of pediatrics. 2010 Etoubleau C, Guigonis V, Fournier Charrière E. 15ième journée : la douleur de l’enfant – Quelles réponses? Livre des communications Unesco Paris. 2008; octobre: 98-9.


Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Izeos
bernadette.fabregas@izeos.com


Source : infirmiers.com