"Maintenir un accompagnement des patients et une continuité des activités éducatives au sein d’un programme ETP en période d’épidémie Covid-19", tel est le titre d'un guide élaboré par les coordinations départementales et régionale d'ETP de la région Centre-Val de Loire. Une initiative qui fait la part belle à l'e-ETP et qui se révèle fort bienvenue quand on sait que les patients chroniques sont, pour une grande majorité d’entre eux, susceptibles de développer une forme grave d’infection à SARS-CoV-2 et, en même temps, à risque d’une décompensation physique et psychologique pendant cette période de distanciation sociale.
En France, les mesures de confinement et/ou de distanciation physique mises en place à la mi-mars par les autorités pour enrayer la propagation du virus à SARS-CoV-2 ont eu notamment pour conséquence immédiate le report voire l'annulation des séances d'ETP individuelles ou collectives, ainsi que des activités éducatives ciblées personnalisées (AECP) pour celles qui avaient lieu jusqu'alors en présentiel.
Un retentissement fâcheux était alors à craindre à plus d'un titre pour les patients chroniques.
En effet, selon le Haut Comité de santé publique (HCSP)1, ces derniers sont, pour une grande majorité d’entre eux susceptibles de développer une forme grave d’infection à SARS-CoV-2. Parallèlement, dans ce contexte épidémique, ces personnes sont aussi plus à risque d’aggravation/de déstabilisation de leur maladie chronique du fait d’une moindre surveillance, en raison des mesures de confinement, de limitation des déplacements pour des consultations médicales en présentiel, réservées au cas les plus urgents
indiquait dans la foulée la Haute Autorité de santé2 (HAS). D’où un réel risque de rupture de la prise en charge des patients fragiles
. Cela a donc conduit la HAS a préconisé, dès début avril, aux patients malades chroniques de poursuivre les séances d’éducation thérapeutique en individuel par visioconférence ou par téléphone en fonction de l’équipement…
. À cette faveur, elle en a précisé les modalités de reprise éducative dans un guide3 publié mi-mai dans lequel elle invite les professionnels de santé à proposer des actions éducatives à distance ou en présentiel (…) afin d’aider le patient à comprendre et appliquer les gestes barrière, les mesures hygiéno-diététiques, ou encore apprendre à gérer la maladie et ses symptômes
.
Mise en place de 300 séances ETP à distance
C’est ce à quoi les équipes soignantes de la région Centre-Val de Loire (CVL) se sont attelées sur la base d’un guide de retours d'expérience4 élaboré par la coordination régionale de l'ETP du CVL, avec les six coordinations départementales que compte la région. Début mai, cette expérimentation avait abouti à la mise en place de 300 séances ETP à distance, de groupe et individuelles sur l’ensemble de la région. Des séances qui portaient diversement selon les besoins sur des diagnostics éducatifs en lien avec les pathologies, la sophrologie, la diététique, la psychologie, le suivi infirmier les gestes barrières et questions liées au Covid-19 ou encore l'accompagnement social.
En pratique, la démarche proposée pour assurer la reprise éducative au sein d’un programme ETP, autorisé par l'Agence régionale de santé (ARS), consiste tout d’abord à contacter chaque patient afin de garder le contact, identifier et prioriser ses besoins et ses attentes, réajuster les actions éducatives, et enfin le réorienter si besoin vers son médecin traitant. Pour ce faire, une fiche de recensement des besoins est à envoyer par email ou sms. Il convient ensuite de planifier et d’organiser les séances éducatives individuelles et/ou collectives en fonction du besoin et des ressources matérielles disponibles (ordinateur, tablette, smartphone, tél. fixe). À noter : le choix du mode de suivi en présentiel ou à distance est pris au cas par cas. La HAS recommande de prendre en compte plusieurs éléments parmi lesquels la prévalence du virus sur le territoire, les risques propres au patient de développer une forme grave de Covid-19, ses préférences, ses trajets et conditions de travail et de vie, son environnement social et familial ainsi que sa capacité à respecter les mesures barrières
.
Deux infirmières libérales nous livrent leurs retours d’expérience
La période de confinement s’est révélée très anxiogène pour la majorité des patients. Certains ont d’ailleurs développé une phobie sociale mais nous avons quand même pu garder le lien avec la visioconférence, le téléphone…relate Mélanie Magro, Idel depuis une dizaine d’années et qui intervient dans le programme ETP diabète ambulatoire de Santé Escale 41 depuis près d’un an. Et d’ajouter :
J’ai pu réaliser les diagnostics éducatifs en virtuel et cela s’est bien passé dans l’ensemble. Les patients se sont très bien adaptés à la visio ; certains en avaient d’ailleurs déjà fait l’expérience avec leur médecin traitant. Autant que faire se peut, j’ai privilégié cet outil, plus sécurisé que le téléphone. Quant à la mise en place, en juin, des ateliers virtuels sur le diabète, l’intervenante en ETP diabète a reconnu ne pas avoir
assez d’inscrits. Cela ne l’a pas empêchée de faire des propositions aux patients diabétiques suivis. Ainsi, les mois de juin et juillet ont vu une augmentation du nombre d'e-ateliers d'activités physiques adaptées (gymnastique posturale notamment) en raison de la forte demande des malades et un maintien constant des consultations de diététique proposées en visio. Aujourd’hui, Mélanie Magro a repris en présentiel et pour une part en visio. Si elle estime que l’ETP en présentiel
est quand même mieux, elle voit plutôt d’un bon œil l’e-ETP,
qu’il lui semble évident de conserver de temps à autre. Sa collègue Aurélie Cormier qui, en plus d’effectuer des remplacements en libéral et d’avoir une activité d’infirmière coordinatrice au sein d’une association, assure des vacations sur le programme ETP diabète gestationnel dans la même structure, est un peu plus réservée :
La relation au patient est quand même différente en virtuel qu’en présentiel. Je préfère avoir un contact physique. Par ailleurs,
les premiers ateliers en visio étaient loin d’être évidents, en ce qui concerne l’apprentissage et la manipulation de l’appareil (lecteur de glycémie) et de l’appli MyDiabby sur le smartphone. Les difficultés de compréhension, de langue ou d’accès à Internet ont aussi été des freins pour certaines futures mamanspoursuit-elle. Toutefois, leur accompagnement a toujours été maintenu même pour ces dames, avec notamment
une prise en charge par la diététicienne en individuel par téléconsultationet il faut noter plus globalement que les futures mères
étaient plus inquiètes par rapport à leur pathologie qu’à leur prise en charge en e-ETPajoute Aurélie Cormier. À ce jour, les ateliers d’ETP en diabète gestationnel n’ont toujours pas repris en présentiel au sein de Santé Escale 41 ; ils se poursuivent en virtuel à raison de 3 à 4 ateliers par mois.
Des séances de e-ETP en individuel et/ou en groupe
Lors des séances d’e-ETP en individuel, la HAS rappelle que la vidéotransmission permet aux interlocuteurs une identification et une communication plus aisées. Le recours au téléphone pour la réalisation de la téléconsultation est toutefois autorisé par le ministère de la Santé si la vidéotransmission n’est pas possible, entre autres, aux patients en affection de longue durée (ALD), ce qui est le cas des personnes participant à un programme d’ETP. Bien entendu, l’information du patient et le recueil de son consentement sont nécessaires avant la réalisation des séances d’e-ETP, ce dernier devant par ailleurs être tracé dans son dossier.
Au niveau des outils, il a été préconisé, dans la région, d’utiliser la plateforme de téléconsultation Covalia Web-Médiconsult mise à disposition depuis le 23 mars dernier gracieusement pour l’ensemble des professionnels des établissements sanitaires, médico-sociaux et de la médecine de ville de la région. S’agissant des séances d’e-ETP collectives, la coordination régionale ETP du CVL précise dans son guide que celles-ci nécessitent une adaptation au préalable des modalités d’organisation et pédagogiques
, sachant toutefois que les ateliers d’éducation sur les maladies, [ceux] d’apprentissage à l’auto-surveillance via des dispositifs médicaux, les ateliers de gestion du stress ou encore les séances sur les bonnes pratiques en matière d’activités physiques et sportives s’adaptent plutôt bien à la téléconférence selon les expériences menées en région CVL
.
Sur le plan organisationnel, la coordination régionale ETP du CVL recommande en particulier une information préalable à l’agence régionale de santé, la formation de binômes pour les premières séances, avec notamment un professionnel formé ou déjà utilisateur de l’outil de téléconférence
, et un nombre de participants qui soit plutôt de l’ordre de 4 à 5 patients
: Il est nécessaire de rester sur de petits groupes afin que l’interaction soit réelle et participative
indique ainsi l’équipe d’Appui Santé Loiret dans son retour d’expérience d’e-ETP de groupe en visioconférence. Au niveau de la solution retenue, certaines équipes ont opté pour des outils non HDS (hébergeur de santé agréé) tels Zoom ou Microsoft Teams – mais avec toutes les précautions décrites dans le guide – et ce, dans l’attente d’une ou plusieurs solution(s) HDS adaptée(s) à la e-ETP de groupe et mise(s) en œuvre par le GIP e-santé CVL.
Premiers enseignements
Les premiers enseignements tirés de ces séances d’e-ETP de groupe et individuelles dans la région Centre-Val de Loire semblent globalement positifs avec des patients rassurés sur la situation
, le maintien d’un contact entre patients et professionnels,
la poursuite ou l’initiation de leurs activités éducatives
. Le rôle des outils digitaux s’est évidemment révélé prépondérant, ces derniers ayant tout à la fois permis une continuité de la prise en charge éducative des patients
et fait tomber certaines réticences des acteurs (patients et professionnels de santé) à développer l’e-ETP.
Cependant, les séances collectives [en présentiel] semblent manquer, notamment pour les plus isolés d’entre eux
. De même, il convient de noter que l’e-ETP n’est pas accessible à tous et nécessite que les patients aient un accès à un équipement spécifique (internet, ordinateur...)
. D’où la nécessaire reprise des activités éducatives en présentiel dès que les conditions le permettront
. Cela est aujourd’hui le cas note Latifa Salhi, chargée de mission et coordinatrice régionale ETP CVL, même si le nombre de séances est encore très limité
et ne concerne que celles ne pouvant s’effectuer qu’en présentiel et en suivant les recommandations de la HAS concernant les facteurs essentiels dans le choix partagé du mode de mise en œuvre du programme ETP
5. Plus globalement, et près de deux mois après le déconfinement, les équipes soignantes ayant participé à l’accompagnement pendant le confinement ont maintenu voire augmenté leur activité
. Quant à celles ayant stoppé leur activité éducative pendant le confinement, [elles] ont souhaité reprendre au moment du déconfinement et de la diffusion du guide
précise encore la coordinatrice régionale ETP CVL.
Enfin, concernant la poursuite de la démarche e-ETP en complément des séances en présentiel, au-delà de la période de crise sanitaire liée au Covid-19
, la coordination régionale ETP du CVL y semble favorable avec une animation au niveau régional sur l’e-ETP […] à développer
.
- Voir avis du 14 mars 2020.
- Fiche "Assurer la continuité de la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques somatiques pendant la période de confinement en ville. Réponses rapides dans le cadre du Covid-19", HAS, avril 2020.
- Guide "Accompagner les patients ayant une maladie chronique et/ou à risque de forme grave de Covid-19 dans la levée du confinement", HAS, 13 mai 2020.
- Ce document est susceptible d’évoluer en fonction de nouvelles recos.
- Voir fiche HAS, mai 2020.
Valérie Hedef
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