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L'affaire Vincent Lambert reste "suspendue"

Publié le 25/06/2014
constantes vitales patient hospitalisé

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Dans son arrêt du mardi 24 juin 2014 jugeant légale la décision médicale de mettre un terme à l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert, le Conseil d'Etat s'est principalement appuyé sur l'expertise qu'il avait réclamée pendant la procédure, ainsi que son histoire personnelle et les souhaits qu'il avait pu formuler au regard de la fin de vie. La Cour européenne des droits de l'homme, saisie dans le même temps par les parents de Vincent Lambert, a demandé au gouvernement français de suspendre cette décision...

Affaire Vincent Lambert : le Conseil d'Etat a tenu compte de l'expertise et de l'histoire du patient

Dans un arrêt rendu par sa plus haute formation solennelle, le Conseil d'Etat a annulé une décision rendue par le tribunal administratif (TA) de Châlons-en-Champagne le 16 janvier 2014, qui avait suspendu une décision d'une équipe médicale du CHU de Reims supprimant l'alimentation et l'hydratation de cet ancien infirmier psychiatrique de 37 ans, hospitalisé depuis un accident de voiture survenu en 2008. A travers cette décision de 15 pages, très détaillée et motivée, les 17 juges de l'assemblée du contentieux se sont prononcés sur la seule situation particulière de Vincent Lambert, tout en inscrivant dans la jurisprudence administrative une grille d'analyse destinée aux équipes médicales et aux juges qui seraient confrontés à des situations similaires, notamment l'absence des directives anticipées prévues par la loi Leonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Cette décision est certainement la plus difficile que le Conseil d'Etat ait eu à rendre depuis les 50 dernières années, a reconnu le vice-président de l'institution, Jean-Marc Sauvé, lors d'une conférence de presse. L'arrêt s'inscrit dans le cadre de la loi Leonetti, et ne fait qu'en préciser l'application, a-t-il souligné, rappelant qu'un premier arrêt rendu le 14 février a jugé que "l'alimentation et l'hydratation artificielles" de Vincent Lambert constituaient un traitement au sens de la loi et que ses dispositions relatives à l'arrêt de traitement en cas d'"obstination déraisonnable" pouvaient s'appliquer "que le patient soit ou non en fin de vie".

Comme l'estimait le rapporteur public, Rémi Keller, dont il a suivi l'essentiel des conclusions, le Conseil d'Etat souligne que la loi Leonetti est compatible avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 2 qui protège le droit à la vie. L'arrêt précise ensuite, dans des considérants de principe, les conditions qu'impose la loi pour arrêter un traitement, les médecins devant prendre en compte des critères médicaux et non médicaux, en fonction de la situation de chaque patient. Cela suppose notamment la mise en oeuvre de la procédure collégiale. En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé régulière la procédure collégiale diligentée par le Dr Eric Kariger, préalable à l'adoption de la décision du 11 janvier 2014 décidant l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert.

Expertise unanime

S'agissant des éléments médicaux, la haute juridiction s'est appuyée en premier lieu sur les résultats de l'expertise réclamée le 14 février 2014, et dont les conclusions ont mis en évidence une dégradation de l'état de conscience de Vincent Lambert. Il ressort des conclusions "unanimes" de cette expertise collégiale que l'état clinique de Vincent Lambert correspond à un état végétatif, avec des troubles de la déglutition, une atteinte motrice sévère des quatre membres et quelques signes de dysfonctionnement du tronc cérébral. Il souffre de lésions cérébrales graves et étendues irréversibles et d'une atrophie cérébrale sévère. Le Conseil d'Etat a considéré que ces conclusions, prises au terme d'une analyse ayant comporté l'examen du patient à neuf reprises, des investigations cérébrales approfondies, des rencontres avec l'équipe médicale et le personnel soignant en charge de ce dernier ainsi que l'étude de l'ensemble de son dossier, confirment celles qu'a faites le Dr. Kariger quant au caractère irréversible des lésions et au pronostic clinique de Vincent Lambert. La haute juridiction s'est ensuite efforcée de rechercher la volonté du patient, en l'absence de directives anticipées.

Le Conseil d'Etat s'est ainsi appuyé sur le "témoignage précis et circonstancié" de Rachel Lambert, son épouse, selon lequel il avait clairement et à plusieurs reprises exprimé le souhait de ne pas être maintenu artificiellement en vie dans l'hypothèse où il se trouverait dans un état de grande dépendance. Il relève à cet égard que ces expressions étaient intervenues lorsque les époux, tous deux infirmiers, évoquaient leurs expériences professionnelles respectives auprès de patients en réanimation ou de personnes polyhandicapées.

Histoire et opinions personnelles du patient

Il note que ces propos datés et rapportés de façon précise par son épouse, ont été confirmés par l'un des frères de Vincent Lambert, et que ses parents, opposés à l'arrêt du traitement,  n'allèguent pas que leur fils n'aurait pu les tenir ou aurait fait part de souhaits contraires. Par ailleurs, plusieurs des frères et soeurs ont indiqué qu'ils correspondaient à la personnalité, à l'histoire et aux opinions personnelles de leur frère. Le Conseil d'Etat conclut sur ce point que le Dr Kariger n'a pas procédé à une interprétation inexacte de la volonté de Vincent Lambert manifestée avant son accident, en indiquant dans sa décision d'arrêt du traitement sa certitude qu'il ne voulait pas avant son accident vivre dans de telles conditions. Enfin, s'agissant de l'absence de consensus familial sur l'arrêt du traitement à l'issue de la procédure collégiale, le Conseil d'Etat considère que dans les circonstances de l'affaire, le Dr Kariger a pu estimer que le fait que les membres de la famille n'aient pas eu une opinion unanime quant au sens de la décision n'était pas de nature à y faire obstacle.

Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les différentes conditions mises par la loi pour que puisse être prise, par le médecin en charge du patient, une décision mettant fin à un traitement n'ayant d'autre effet que le maintien artificiel de la vie et dont la poursuite traduirait ainsi une obstination déraisonnable peuvent être regardées, dans le cas de M. Vincent Lambert et au vu de l'instruction contradictoire menée par le Conseil d'Etat, comme réunies, écrit-il. Il juge ainsi que la décision du 11 janvier 2014 du Dr Kariger de mettre fin à l'alimentation et à l'hydratation artificielles de Vincent Lambert ne peut, en conséquence, être tenue pour illégale.

Il reconnaît la difficulté pour la juridiction administrative de première instance saisie en référé et contrainte de se prononcer "à très bref délai". Il relève ainsi qu'au moment où il a été saisi, en l'état des informations médicales dont il disposait et compte tenu du caractère irréversible de l'arrêt du traitement, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne était fondé à suspendre la décision du Dr Kariger. Au terme de la procédure toutefois, le Conseil d'Etat estime que les conclusions des parents tendant à ne pas exécuter cette décision ne peuvent désormais plus être accueillies.

Interrogé sur les conséquences du recours intenté par les parents devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) , Jean-Marc Sauvé a souligné que la décision du Conseil d'Etat était insusceptible de recours. Seule l'application de la décision médicale prise le 11 janvier par le Dr Kariger peut donc être contestée devant la CDEH, qui pourrait éventuellement décider de la suspendre en attendant de juger au fond.

Une désision suspendue par la Cour européenne des droits de l'homme

A ce sujet, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a demandé le soir même, en urgence, au gouvernement français de suspendre pour la durée de la procédure devant la CEDH l'exécution de la décision médicale de mettre un terme à l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert. Cette mesure implique que Monsieur Vincent Lambert ne soit pas déplacé avec le but d'interrompre le maintien de son alimentation et de son hydratation, précise la CEDH dans sa requête.

Conseil d'Etat, arrêt du 24 juin 2014


Source : infirmiers.com