La souffrance au travail n’est ni nouvelle ni pire qu’avant. Ce n'est pas non plus une fatalité. Ce dossier de la revue Soins nous rappelle qu'un lieu de soin ne peut être ni civilisé ni performant, et encore moins épanouissant, s’il n’est pas porté d’abord par un humanisme de conviction et de responsabilité.
Avant-propos – L'humanisme comme prévention de la souffrance au travail
Tout travail exige des efforts, confronte aux échecs et comporte des risques. Aucune de ces contraintes ne peut être un motif de plainte ni un objet de souffrance, si les endurer fait sens. Ce qui les rend insupportables et mortifères, c’est d’être vaines, illégitimes, sans finalité morale, matérielle ou symbolique.
La souffrance au travail n’est ni nouvelle ni pire qu’avant. Au début du XXe siècle, des hommes, des femmes et des enfants par milliers périssaient encore sous l’oppression des organisations et l’insalubrité des conditions de travail. Aujourd’hui, cette souffrance a changé de degré, de contexte et de nature. Les conditions et les organisations de travail bénéficient de progrès techniques (ergonomie, sécurité, hygiène…), mais, en même temps, de nouvelles logiques, économiques, financières, managériales, installent d’incomparables contraintes, souvent sans délibération et à marche forcée, donc subies, dès lors vides de sens et, finalement, désespérantes et morbides. Nous sommes passés du fracas des corps à un asservissement moral et psychique.
La souffrance au travail n’est pas une fatalité, mais le produit d’une conjonction d’aveuglement, de perversion, d’égoïsme et d’irresponsabilité. L’hôpital, lieu de soins, en est devenu un concentré dans son mode de gestion et sa vie interne. À chaque suicide de soignant – et ils sont nombreux –, la question du management est posée.
Le sens, la valeur, la qualité du travail pour un soignant ne s’étalonnent pas seulement à l’observance ou non d’un protocole, d’un algorithme décisionnel ou au degré de contribution à l’équilibre budgétaire. Une grande partie du travail réel de soin est invisible et échappe aux radars des actes cotés. Comment le faire comprendre à des gestionnaires sans doute remplis de louables
intentions, mais fonctionnant selon des logiques industrielles inadaptées à l’éthique du soin et au sens du métier de soignant ?
Un lieu de soin ne peut être ni civilisé ni performant, et encore moins épanouissant, s’il n’est pas porté d’abord par un humanisme de conviction et de responsabilité.
Daniel MAROUDYCadre supérieur infirmier d'anesthésie-réanimationd.maroudy@yahoo.fr
Déclaration de liens d’intérêts - L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
SOINS n° 830 – Novembre 2018
Éditeur : Elsevier Masson
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