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La prise en charge thérapeutique du diabète de type 2

Publié le 08/03/2012
diabete de type 2

diabete de type 2

schema antidiabetique oraux

schema antidiabetique oraux

Prévenir la survenue de complications aiguës et, à plus long terme, de complications dégénératives, tel est l'objectif de la stratégie thérapeutique déployée face à un diabète de type 2 ; une stratégie qui s’appuie sur des conseils d’hygiène de vie et/ou des médicaments, et notamment des antidiabétiques oraux. En cas d'échec, le passage à l'insulinothérapie s'impose alors.

Quelques rappels préalables

Le diabète de type 2, autrefois appelé non insulino-dépendant (DNID) touche 85 % des diabétiques. Il se définit par un excès de glucose dans le sang :

  • glycémie à jeun normale = 0,70 à 1,10 g/l ;
  • glycémie à jeun anormale = 1,10 à 1,25 g/l ;
  • diabète = Glycémie à jeun > 1,26 g/l (x 2 dosages).

C’est une maladie à double composante : on observe en effet d'une part une insulinopénie (diminution de la capacité de sécrétion de l’insuline par les cellules bêta du pancréas) qui s’aggrave avec le temps et, d’autre part, une insulinorésistance (diminution des effets de l’insuline sur ses tissus cibles).

Il existe en outre une étroite corrélation entre insulinorésistance et adiposité viscérale.

Les complications du diabète de type 2 ne sont pas inéluctables et un bon contrôle de celui-ci par un traitement multifactoriel permet de diminuer de plus de 50 % le risque de ces complications au niveau micro et macrovasculaire :

  • glycémie : HbA1c
  • pression artérielle :
  • cholestérol : LDL

--> le plus bas est le mieux…

Rappelons que l’hémoglobine glyquée ou glycosylée, de son petit nom HbA1c, est la sœur jumelle de la glycémie. Elles sont toutes les deux des marqueurs du contrôle du diabète. C’est un examen (prise de sang) dont le résultat permet de juger l’équilibre glycémique pendant environ les 2 à 3 mois qui précèdent la prise de sang.

La physiopathologie de l’hyperglycémie du diabète de type 2 implique trois mécanismes majeurs :

  • le déficit en insuline due à la diminution de la libération d’insuline par le pancréas ;
  • l’excès de production de glucose par le foie ;
  • la résistance à l’insuline (diminution de la captation du glucose) dans les tissus périphériques (en particulier muscle et tissu ) et le foie.

Deux anomalies des îlots pancréatiques contribuent à cette pathologie :

  • les cellules bêta produisent de l’insuline qui aide à l’entrée du glucose dans les tissus. Dans le diabète de type 2, la diminution de la masse de cellules b fonctionnelles est à l’origine d’un déficit en insuline, ce qui contribue à l’hyperglycémie ;
  • les cellules a produisent le glucagon. L’élévation de la production de glucagon augmente la libération de glucose par le foie. Dans le diabète de type 2, l’excès de glucagon et la diminution de la sécrétion d’insuline augmentent la libération de glucose et contribuent à l’hyperglycémie.

Les stratégies thérapeutiques

Quelles stratégies adopter à propos du traitement hypoglycémiant dans le diabète de type 2 ? Il est nécessaire de traiter plus tôt et plus fort avec pour objectif idéal une hémoglobine glycosylée inférieure à 6 . Celle-ci devra être dosée tous les 3 mois et une « autosurveillance » des glycémies capillaires (ASG) effectuée assez fréquemment. A ce sujet, un avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) « Fiche bon usage des technologies de santé (actes et dispositifs médicaux) » souligne ceci : « L’autosurveillance glycémique (ASG) n’a d’intérêt, chez un diabétique de type 2, que si elle est susceptible d’entraîner une modification de la thérapeutique. Elle doit s’inscrire dans une démarche d’éducation du patient sur ses objectifs glycémiques et les décisions à prendre lors d’une dérive glycémique. Elle est utile lorsqu’une insulinothérapie est en cours, prévue à court ou moyen terme ou lorsque le traitement médicamenteux comprend un sulfamide ou un glinide.

Si l’objectif glycémique n’est pas atteint et que l’observance n’est pas satisfaisante, l’ASG peut s’avérer utile pour démontrer au patient l’effet de l’activité physique, de l’alimentation. Des conseils pour une adaptation du mode de vie seront donnés (reprise d’une activité physique…). Un des objectifs du traitement sera d’obtenir une diminution de 5 à 10 du poids corporel et de maintenir ce résultat dans le temps… par des mesures hygiéno-diététiques adaptées (MHD). » L'efficacité du traitement est néanmoins liée au contrôle glycémique sachant qu'une diminution de 1% du taux d'HbA1c permet une diminution de 25% des complications microvasculaires. Les hyperglycémies sont responsables de l’altération des gros et moyens vaisseaux ainsi que de certains organes. La prise en charge du diabète doit aussi impérativement comprendre le bon contrôle des autres facteurs de Risque que sont l’hypertension artérielle (HTA), le tabagisme, la sédentarité, la surcharge pondérale.

En pratique : 1,8 million de patients diabétiques de type 2 sont traités en fonction des niveaux d'HbA1c :

  • HbA1c 8 %
  • HbA1c entre 6,6 et 7,9%
  • HbA1c inférieure ou égale à 6,5

On observe une escalade thérapeutique dans le diabète de type 2 :

Seuil de prescription Stratégie thérapeutique Objectif
HbA1c > 6 % Étape 1
Mesures hygiéno-diététiques (MHD)
HbA1c

Si malgré étape 1
HbA1c > 6 %
(à la phase précoce
du diabète)

Si malgré étape 1
HbA1c > 6,5 %

Étape 2
METFORMINE + MHD : Metformine voire IAG*

  • metformine en 1ère intention sinon IAG*
  • metformine ou IAG* ou sulfamide ou glinides**
Maintenir l'HbA1c

Si malgré étape 2
HbA1c > 6,5 %

Étape 3
BITHERAPIE + MHD
Metformine + sulfamides ou glinides en 1ere intention**
autres associations possibles***
Ramener l’HbA1c
Si malgré étape 3
HbA1c > 7 %

Étape 4
TRITHERAPIE + MHD

  • metformine + sulfamide + glitazone

OU

INSULINE ± ADO**** + MHD

  • Arrêt glitazone
  • analogue lent le soir
Ramener l’HbA1c
Si malgré étape 4
HbA1c > 8 %

Étape 5

INSULINE ± ADO + MHD

OU

INSULINE FRACTIONNEE + MHD

Ramener l’HbA1c

* IAG : inhibiteur des alphaglucosidases
** Glinide
*** Metformine + glitazones / insulinosécréteurs + glitazones / metformine + IAG / insulinosécréteurs + IAG
**** ADO : antidiabétique oraux

Ref. : Traitement médicamenteux du diabète de type 2. Recommandation de bonne pratique. AFSSAPS – HAS Novembre 2006.

En cas d’échec des monothérapies avec une hémoglobine glycosylée > 6.5% après 6 mois d’une d’elles, on a alors recours à une des bithérapies suivantes :

  • Metformine + insulinosécréteur
  • Metformine + glitazone
  • Metformine + inhibiteur des alphaglucosidases (IAG)
  • Insulinosécreteur + glitazone (en cas d’intolérance avérée et persistante à la Metformine ou de contre-indication)
  • Ou encore insulinosécréteur + inhibiteurs des alphaglucosidases (en cas d’hyperglycémie post-prandiale importante mais avec une moindre efficacité sur l’hémoglobine glycosylée que les autres associations)

Les différentes étapes thérapeutiques

Étape 1 : mesures hygiéno-diététiques (MHD)

  • Réduction des graisses alimentaires, des sucres raffinés et de l’alcool
  • Intervention d’un diététicien et éducation si nécessaire
  • Activité physique : 3 heures par semaine au moins

Étape 2 : monothérapie initiale + MHD hiérarchisé selon le rapport bénéfice/risque

  • Metformine en 1ère intention : seuil de prescription 6%
  • Inhibiteur des alphaglucosidases (IAG) : si metformine mal tolérée ou contre-indiquée et hyperglycémie post-prandiale - seuil de prescription 6%
  • Insulinosécréteurs : si hyperglycémie plus marquée et patient à risque d’hypoglycémie plus faible - seuil de prescription 6.5%

Étape 3 : bithérapie si échec de la monothérapie avec HbA1c > 6,5%

  • Metfomine + Sulfamide
  • Metformine + Inhibiteur des alphaglucosidases (IAG)
  • Metformine + Glitazone
  • Sulfamide + Inhibiteur des alphaglucosidases (IAG)
  • Sulfamide + Glitazone

Étape 4 : hémoglobine glycosylée > 7 % malgré bithérapie et MHD

  • Trithérapie : metformine + insulinosécréteurs + glitazone ou Insuline + metformine ± autres antidiabétiques oraux (ADO) sauf glitazone

Étape 5 : hémoglobine glycosylée > 8 % malgré trithérapie et MHD

  • Insulinothérapie + metformine ± autres antidiabétiques oraux (ADO) sauf glitazone.

Mécanismes d’action des différents antidiabétiques oraux (ADO)

Les antidiabétiques oraux sont classés selon leur mécanisme d’action en :

  • insulino-sensibilisateurs (biguanides et glitazones) ;
  • insulino-sécrétagogues (ou insulino-sécréteurs : sulfamides hypoglycémiants et glinides) ;
  • inhibiteurs de l’absorption intestinale des sucres alimentaires (inhibiteurs de l’alpha glucosidases ) ;
  • incretines (nouvelle classe thérapeutique).

Place et rôle des incrétines

Les incrétines endogènes GLP-1 et GIP (glucagon like peptide 1) ont un rôle régulateur sur l’homéostasie du glucose au travers de ses effets sur les cellules bêta des îlots de Langherans. La présence d’aliments dans le tube digestif stimule rapidement la libération d’incrétines : GLP-1 est libéré par les cellules du tube digestif distal (iléon et colon) et le GIP par les cellules K du tube digestif proximal (duodénum). Ensemble, ces incrétines ont plusieurs actions bénéfiques parmi lesquelles la réponse insulinique des cellules bêta du pancréas et la diminution de la production de glucagon par les cellules a du pancréas quand la glycémie s’élève.

L’augmentation de l’insuline améliore la captation du glucose par les tissus périphériques (muscle et tissu adipeux). L’association de l’augmentation de l’insuline et de la diminution du glucagon diminue la production hépatique de glucose.
Après libération par les cellules L dans le tube digestif distal (ilèon et colon), le GLP-1 est rapidement dégradé par la DPP-4. Cette dernière est située dans les bordures en brosse des cellules intestinales et rénales ainsi qu’à la surface des capillaires et sous forme soluble dans le plasma. La DPP-4 sépare les résidus N-terminaux des amino-acides du GLP-1 (7-36). Le peptide tronqué N-terminal du GLP-1 (9-36) n’a pas d’activité insulinotropique. La demi-vie du GPL-1 (7-36) intact et biologiquement actif est de 2 à 3 minutes.

Comme le GLP-1, le GIP (1-42) est dégradé par la DPP-4 après sa libération dans la circulation, avec formation d’un peptide tronqué dans la partie N-terminale et inactive, le GIP (3-42). Des études in vivo ont mis en évidence une conversion de plus de la moitié du GLP-1 et du GIP en forme biologiquement inactive dés approximativement la 2ème minute de perfusion. L’inhibition de la DPP-4 permet de prévenir cette dégradation rapide des incrétines GLP-1 et GIP en forme inactive, prolongeant ainsi la persistance des formes biologiquement active de GLP-1 et de GIP. En inhibant la dégradation des incrétines en leur forme inactive, l’inhibition de la DPP4 renforce les effets bénéfiques du GLP-1 et du GIP sur la sécretion d’insuline et sur la diminution du glucagon. Résumé des actions des incrétines sur les différents tissus cibles.

En résumé, les 2 principales incrétines, GIP et GLP-1, agissent sur la cellule bêta pour stimuler la sécrétion d’insuline glucose-dépendante.
Le GLP-1 a aussi de nombreuses actions sur d’autres types de cellules :

  • suppression de la sécrétion de glucagon par les cellules a des îlots ;
  • diminution des apports alimentaires et de la vidange gastrique ;
  • régulation des fonctions CV et de la contractilité.

On pense ainis que l’action du GLP-1 sur le foie et les muscles est indirecte, soit par l’intermédiaire d’autres hormones ou du système nerveux.

Le passage à l'insuline

L’insuline est la seule hormone qui permet d’abaisser le taux de sucre dans le sang (glycémie) et maintenir ainsi la balance énergétique. Elle stimule le transport du glucose du sang vers les tissus cibles : le muscle, le tissu adipeux et le foie, favorise le processus de glycogénogénèse (stockage du glucose) dans le foie et inhibe la néoglucogenèse (fabrication de glucose à partie d’acide lactique, glycérol et acides aminés). Le passage à l’insuline est « une suite logique » de l’évolution de la maladie. Après plusieurs années d’évolution, le recours à l’insuline est souvent nécessaire pour traiter les patients diabétiques de type II qui sont mal contrôlés (1/3 de ceux-ci ont une HbA1c > 8% !). C'est une étape déterminante dans le vécu de sa maladie par le patient : le médecin doit annoncer sa décision sans banalisation, ni dramatisation et bien fixer les objectifs de l’insulinothérapie. Du bon contrôle glycémique dépendra l’efficacité du traitement : une baisse de 1 point d’HbA1c permet de faire diminuer les complications cardiovasculaires1 de 25.

En cas d’échec d’une bithérapie orale, HbA1c > 7 après 6 mois ou plus, il est recommandé en première intention l’adjonction d’une insuline intermédiaire (NPH) ou un analogue lent le soir1. A ce stade, le premier objectif va être de contrôler la production hépatique du glucose pendant la nuit (néoglucogenèse) afin de normaliser la glycémie à jeun du patient. C’est pourquoi l’option qui s’impose est le choix d’une injection quotidienne « basale », réalisée le soir et le maintien des ADO qui vont contrôler les glycémies de la journée liées aux repas.

Pour que le passage à l’insuline se fasse dans les meilleures conditions possibles, il faut inscrire et personnaliser l’adaptation du traitement dans le temps. L’objectif est double : faciliter au maximum l’acceptation de l’injection par le patient et familiariser le patient aux auto-contrôles glycémiques et aux mesures hygiéno-diététiques (MHD).
Le traitement sera initié avec 1 injection par jour le soir au coucher (1) et le maintien des ADO2.

Le « passage » à l’insuline du diabétique de type II est fait par le médecin généraliste qui peut maintenir le traitement par ADO (dont il adaptera les doses) et ajouter l’insuline : par exemple : Levemir®, une injection par jour, à la dose de 10 U (ou 0.1 – 0.2 U/kg). Il n’y a pas de limite supérieure de dose à ne pas dépasser…
Pour en adapter la dose, il faut analyser les glycémies à jeun, tous les 3 jours :

Glycémie moyenne sur 3 jours Ajustement de la dose
1.09 – 1.44 g/l + 2 U
1.45 – 1.62 g/l + 4 U
1.63 – 1.80 g/l + 6 U
› 1.80 g/l + 8 U
Si 1 mesure de la glycémie à jeun Ajustement de la dose
0.56 – 0.72 g/l - 2 U
- 4 U

Si malgré l’augmentation de la dose d’insuline basale, le taux d’HbA1c reste > 8%, un schéma d’intensification sera alors nécessaire pour réguler le contrôle glycémique3. Il serait alors utile de passer à deux injections par jour, notamment si la glycémie avant le petit-déjeuner est inférieure à 1.26 g/l (7,0 mmol/l) et si la glycémie avant le dîner est supérieure à 1.26 g/l (7,0 mmol/l) et/ou si des hypoglycémies surviennent.

Notes

1. UKPDS Group. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk of complications in patients with type 2 diabetes (UKPDS 33). The Lancet 1998; 352:837-853.
2. Riddle MC. Evening insulin strategy. Diabetes Care 1990; 13(6): 676-86.
3. En cas d’échec d’une bithérapie orale associée à une insulinothérapie au coucher (NPH ou analogue lent), une insulinothérapie à 2 ou 3 mélanges ou 1 basale + 1 à 3 rapides doit être mise en œuvre. Recommandation de bonne pratique Afssaps – HAS; trai
tement médicamenteux du diabète de type 2. Novembre 2006.

Dominique HUZER
Infirmière
Rédactrice Infirmiers.com
huzer.dominique@neuf.fr


Source : infirmiers.com