Créée au début de la pandémie de Covid, La Maison de l’Infirmière organise des actions de prévention et d’éducation pour promouvoir la santé auprès des plus précaires. L’association se veut aussi un refuge pour les infirmières libérales dans les Bouches-du-Rhône. Entretien avec sa présidente, Handa Douafflia.
Comment est née la Maison de l’Infirmière et quelles sont les actions menées par votre association ?
Au départ, nous avions créé un groupe d’infirmières libérales pour se mobiliser sur des sujets tels que la réforme des retraites et le bilan de soins infirmiers (BSI). Puis le Covid-19 est arrivé et a freiné nos élans de rébellion. A ce moment-là, je ne travaillais pas en raison d’un accident de la vie courante. Je voyais que mes collègues n’avaient pas de matériel de protection pour pouvoir intervenir chez les patients. Le matériel avait été réquisitionné pour les hôpitaux. On n’a pas pensé aux infirmiers de ville, qui étaient pourtant les premiers sur le front. J’ai mis à profit ce temps où j’étais immobilisée en contactant des entreprises afin de récupérer des combinaisons, des charlottes, des sur-chaussures, des masques et des gants. Il y en avait partout chez moi : sur la terrasse, dans le jardin. J’ai contacté des infirmières libérales pour organiser une distribution. Pendant le premier confinement, nous faisions une distribution hebdomadaire de kits sous forme de drive, avec tout le matériel nécessaire pour aller chez les patients de manière sécuritaire. Les infirmiers qui recevaient les kits voulaient nous offrir quelque chose en contrepartie. Au départ, nous étions contre car cela faisait partie de l’élan de solidarité. Puis nous avons constaté que les frigidaires de certains de nos patients étaient vides. C’est de là qu’est venue l’idée de récupérer des denrées alimentaires en échange de kits. Ce n’était pas une obligation, c’était au bon vouloir de chacun. L’été est arrivé, la situation sanitaire s’était améliorée, nous étions plus libres. Les associations et les mairies nous ont contactées pour faire de la prévention autour du Covid dans les quartiers défavorisés de Marseille. Aujourd’hui, nous sommes en partenariat avec des laboratoires pour faire des tests PCR. Nous avons cinq sites à Marseille. La Fédération des Secouristes de la Croix Blanche nous a, à son tour, sollicitées pour faire des tests antigéniques dans les universités. Nous étions aussi là pour apporter un soutien moral aux étudiants et nous avons remarqué que beaucoup d’entre eux avaient faim. Des récoltes dans les grandes surfaces ont alors été organisées. On travaillait avec les responsables des CROUS qui nous fournissaient la liste des étudiants, dont certains étaient en burn-out, sous antidépresseurs. Pour les détendre et leur changer les idées, des journées bien-être ont été organisées. Des sophrologues, des kinésithérapeutes, des danseurs de Zumba, des coiffeurs et esthéticiennes se sont tous mobilisés dans l’intérêt des étudiants. Actuellement, nous travaillons autour de la précarité menstruelle. Après un recueil de données dans des quartiers défavorisés, il est apparu que certaines filles gardaient une protection hygiénique toute la journée. Dans des quartiers en situation de précarité, c’est un sujet tabou entre les mères et les filles.
La Maison de l’Infirmière dit vouloir accompagner les infirmières libérales en difficulté dans les Bouches-du-Rhône. Quelles difficultés rencontrent-elles ?
Fédérer notre profession, c’est le deuxième axe de notre association. Avant la création de la Maison de l’Infirmière, on se croisait dans l’ascenseur et on se reconnaissait grâce au brassard ou à notre trousseau de clés. C’est lors des distributions de kits que nous nous sommes véritablement rencontrées. Les infirmières libérales témoignent toutes de l’isolement dans la profession mais aussi de la pression administrative (BSI, cotations). Dans les quartiers
, les difficultés sont présentes tous les jours. C’est dur pour une infirmière d’être confrontée à la précarité et de subir le mal-être du patient. Affronter la population quand il y a des tirs, des dealers et des agressions, c’est éprouvant. Lors du premier confinement, il y a eu des vols de voitures d’infirmières, des agressions pour récupérer leur matériel. Toutes ces situations engendrent de la souffrance dans la profession. A la Maison de l’Infirmière, nous nous rencontrons autour d’un café une fois par semaine et le mois dernier, nous étions une cinquantaine autour d’un pique-nique. Nous organisons aussi des actions pour les IDEL qui sont en souffrance psychologique.
Au mois de mars dernier, la Maison de l’Infirmière a reçu le trophée Elles les audacieuses
qui récompense les actions solidaires du premier confinement. Quelles actions souhaitez-vous mettre en place à l’avenir ?
Les laboratoires d’une grande marque de cosmétiques nous ont contactées afin de faire de la prévention autour de la protection solaire. A la rentrée, nous comptons reprendre les journées bien-être
pour les étudiants. Nous avons aussi l’intention de mener des actions autour du burn-out des IDEL.
Propos recueillis par Inès Kheireddine Journaliste infirmiers.com ines.kheireddine@gpsante.fr
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