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PUERICULTRICE

Journée mondiale de la prématurité : comment améliorer "la prise en soins" ?

Publié le 17/11/2020

Où en est-on aujourd'hui dans la prise en charge de la prématurité en France ? Quelles sont les perspectives pour améliorer le soin et la bientraitance envers ces enfants nés trop tôt ? Quelle place accorder aux parents ? A l'occasion de la Journée Mondiale de la Prématurité, mardi 17 novembre, nous revenons sur un état de fait qui concerne 60 000 bébés chaque année dans notre pays, et 1 enfant sur 10 dans le monde. 

165 bébés naissent chaque jour prématurément en France (Dans le monde c'est 1 enfant sur 10), ça veut dire qu'autant de familles vivent l'accident de vie qu'est la prématuritéCharlotte Bouvard, directrice fondatrice de l'association SOS Préma et mère d'un petit garçon né prématurément. 

Près de 60 000 naissances chaque année surviennent prématurément. La prématurité concerne les enfants nés avant 37 semaines d'aménorrhée, rappelle le professeur Cyril Flamant, chef de service Réanimation et Médecine Néonatale au CHU de Nantes, invité d'une conférence de presse sur la prématurité qui s'est tenue le 5 novembre dernier. On définit différentes classes de prématurité : une prématurité moyenne, entre 32 et 36 semaines d'aménorrhée, une prématurité modérée, entre 32 et 33 semaines et la grande prématurité en dessous de 32 semaines d'aménorrhée. Plus de la moitié de ces naissances sont spontanées, sans qu'on en comprenne forcément les causes. Elles ont généralement lieu à la suite d’une rupture précoce des membranes placentaires ou d’un déclenchement inopiné du travail d’accouchementPour les autres, elles sont imposées par les évènements, sur décision médicale et en cas de risques principalement liés à un retard de croissance grave du fœtus, une hémorragie ou une hypertension artérielle sévère chez la mère... D’autres facteurs comme les conditions socio-économiques défavorables, l’âge plus avancé de la mère, le recours à la PMA, le stress ou encore la consommation de tabac sont aussi impliqués. Enfin, en France, un tiers des enfants prématurés sont issus de grossesses multiples. 

La prématurité touche 165 bébés chaque jour... et autant de familles. 

Derrière les chiffres, il y a de l'humain. Les parents d'enfants prématurés, mais aussi les professionnels présents à la conférence de presse en ligne pour faire le point sur la question, n'ont eu de cesse de le rappeler. 165 bébés naissent chaque jour prématurément en France (dans le monde c'est 1 enfant sur 10), ça veut dire qu'autant de familles vivent l'accident de vie qu'est la prématurité, a ainsi expliqué Charlotte Bouvard, directrice fondatrice de l'association SOS Préma et mère d'un petit garçon né prématurément. La naissance prématuré d'un enfant, on la vit... comme on peut (...) On plonge dans un inconnu, c'est un vide intersidéral, un deuil à faire de la naissance idéale. Et ce sont surtout des angoisses pour des années, a abondé le père d'un enfant prématuré, Vincent Desdoit, Responsable de la formation et des relations avec les soignants au sein de la même association. Car la prématurité est accompagnée de risques. Une naissance prématurée interrompt le développement in utero de l’enfant : ses organes sont présents, mais immatures. Le cerveau, les poumons, le tube digestif et le canal artériel sont les principaux organes concernés, avec un danger de développer des difficultés respiratoires ou digestives, des saignements cérébraux ou des infections, de façon transitoire ou chronique. L'enfant est exposé à des séquelles motrices et/ou intellectuelles d’autant plus marquées que la prématurité est importante : retard ou difficulté à marcher, déficits cognitifs, troubles de l’attention ou sensoriels... Autre risque majeur : la mortalité au cours du premier mois de vie. Plus la prématurité est sévère, plus le risque est élevé

Dans le service de néonatalogie, la technicité est donc omniprésente. Il faut assurer aux nouveau-nés prématurés un support ventilatoire, mettre en place des cathéters centraux, périphériques, des sondes nasogastriques, des moniteurs glycémiques, effectuer des bilans sanguins, doser les médicaments de façon extrêmement précise, détaille Karine Amiard, infirmière en réanimation néonatale au CHRU Bretonneau à Tours. Ce savoir-faire s’exerce également dans les soins de développement, en coopération avec les parents, pour réduire les facteurs de stress (sonore, lumineux…) et adapter les soins aux besoins de chaque enfant : nous évaluons continuellement comment il supporte le soin et ce qu’il nous montre. Cette vision clinique est tout aussi nécessaire que d’être une bonne technicienne.

La grande singularité de cette discipline, c'est vraiment, de manière indissociable, la prise en soin des parents (de l'enfant) et de sa famille. Si l'on traite les pathologies en lien avec la prématurité et qu'on ne tient pas compte de ces soins de développement, on aura tout faux. Karine Amiard, infirmière en réanimation néonatale au CHRU Bretonneau à Tours. 

Une prise en soin qui ne cesse de s'améliorer   

La prise en charge de ces enfants nés trop tôt continue de s'améliorer, se réjouit le professeur Flamant. Depuis 1997 et la première étude dédiée à la prématurité (EPIPAGE), la proportion des enfants ayant survécu sans morbidité sévère a augmenté de 14 % chez les prématurés nés entre la 25e et la 29e semaine d’aménorrhée, et de 6 % pour les enfants nés entre la 30e et la 31e semaine. La survie des grands prématurés est pour sa part de 94 %. Ces progrès s'expliquent par différents facteurs : meilleur repérage des grossesses à risque, ou nécessitant une prématurité induite, expertise médicale en hausse, recommandations affinées, déploiement d’unités dédiées facilitant la réanimation et le bon développement des prématurés à des stades toujours plus précoces…

La difficulté en France concerne plutôt les bébés qui se trouvent à la limite de la viabilité, en extrême prématurité (autour de 24, 25 semaines d'aménorrhée), souligne le professeur Flamant. Nous avons des taux de mortalité et de morbidité (complications, notamment neurologiques) qui sont moins bons que dans d'autres pays anglosaxons et d'Europe du Nord, constate le médecin.

Retrouvez notre série vidéo "Vu de l'intérieur" sur le métier d'infirmière puéricultrice, en immersion dans une service de réanimation néonatale .

Quelles voies d'amélioration ? 

Certains axes d'amélioration sont liés aux données scientifiques, précise le professeur Flamant, et puis on a un axe extrêmement important : celui qui consiste à voir les parents comme des partenaires de soins. On le sait en effet depuis plusieurs années : une implication croissante des parents dans les unités améliore indéniablement le pronostic des enfants vulnérables. Pour le médecin, il faut donc aller dans le sens d'un renforcement de la présence des parents, même si des difficultés subsistent dans certains établissements , notamment pendant la crise sanitaire, relève SOS Préma, qui lutte aux côtés des parents pour renforcer cette présence dans un univers extrêmement technique et médicalisé. L'allaitement maternel est un premier pas d'implication. On a des données qui prouvent que celui-ci améliore le pronostic des enfants prématurés à 2 ans et à 5 ans et depuis plusieurs années, on voit que nos services se sont ouverts très largement pour essayer de voir les parents vraiment comme des partenaires de soin, affirme Cyril Flamant, citant le rapport des 1 000 premiers jours, remis en septembre dernier au gouvernement.

La grande différence de notre service, c'est qu'on ne prend pas en charge une pathologie unique. On prend en charge un nouveau-né prématuré avec toutes les immaturités qui l'accompagnent : une peau aussi fine que du papier à cigarette pendant les premiers jours, un système nerveux central qui ne va pas donner l'ordre de respirer aux poumons, un système digestif, un foie, des reins immatures... explique Karine Amiard, infirmière en réanimation néonatale au CHRU Bretonneau à Tours. On ne soigne pas des adultes en miniature. Ils ont besoin des mêmes soins de base, certes (repirer, manger, éliminer), mais ils ont besoin d'attentions toutes particulières et de manières de faire qui sont très spécifiques pour prendre en charge cette pathologie qu'est la prématurité. La grande singularité de cette discipline, c'est vraiment, de manière indissociable, la prise en soin des parents (de l'enfant) et de sa famille. On pense que si on traite les pathologies en lien avec la prématurité et qu'on ne tient pas compte de ces soins de développement, on aura tout faux. Ce lien, il faut le favoriser dès la naissance et tout au long de cette hospitalisation.

Si les progrès sont encourageants, plusieurs axes d'améliorations de la prise en soin existent toutefois, selon Cyril Flamant. On essaie de mettre des fauteuils de transport à Nantes, mais aussi dans d'autres unités en France, de la salle de naissance vers l'unité d'hospitalisation de l'enfant pour favoriser le peau-à-peau du père et de l'enfant afin que le lien se crée très rapidement. Autre axe très intéressant selon lui : le retour plus précoce de l'enfant et de ses parents dans un contexte familial normal, grâce au travail d'équipes mobiles, avec des infirmières, des puéricultrices, qui vont se rendre au domicile des enfants prématurés. Une démarche qui permet de raccourcir la durée d'hospitalisation. Autre proposition avancée : le renforcement de la prise en soins au décours de l'hospitalisation, car certains enfants vulnérables ont besoin d'être aidés pendant leur développement, par des psychomotriciens, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes... L'accès à cette offre de soins indispensables, son remboursement, reste un axe d'amélioration très important, assure Cyril Flamant. Enfin, ces enfants sont davantage à risque de présenter des difficultés de développement. Pour cela, il faut continuer à promouvoir les réseaux de suivi dans les différentes régions, afin de pouvoir dépister ces difficultés et mettre en place de quoi les aider tout au long de leur développement. 

L'argent, nerf de la guerre

La difficulté reste aussi celle de la valorisation de l'acte, pour le docteur Cyril Flamant. C'est à dire qu'on arrive bien à mener des projets quand nos directions s'y retrouvent financièrement, résume-t-il, prenant l'exemple de l'équipe mobile de néonatologie qui implique un raccourcissement de l'hospitalisation et des taux d'occupation plus faibles. On est donc souvent confrontés à un problème de rentabilité et c'est toute la difficulté de la discipline, c'est à dire qu'on voit bien qu'il y a des choses qui sont mieux pour l'enfant, mieux pour ses parents, mais pas très rentables. Un sujet que SOS Préma a pris à bras-le-corps, faisant ainsi prévaloir auprès des politiques que certaines choses relevaient de la qualité des soins en France, et pas de la rentabilité. 

Panorama de la prématurité, en chiffres 

  • À l’échelle mondiale, 15 millions d’enfants, soit 1 sur 10, naissent prématurément chaque année.
  • La fragilité et les complications médicales inhérentes à l’immaturité physiologique des nouveau-nés représentent la principale cause de mortalité avant 5 ans, avec près d’un million de décès annuels. Des chiffres qui pourraient être réduit de 75 % selon l’OMS, sous couvert d’une prise en charge plus efficiente, en particulier dans les pays à faibles revenus.
  • La France présente de meilleurs chiffres, avec 7,5 % de naissances prématurées en 2016 et un bien meilleur pronostic vital. Une augmentation régulière de l’incidence des prématurés est toutefois constatée : de 5,9% des naissances en 1995 à 7,4% en 2010.
  • En France, sur 800 000 naissances par an, 60 000 enfants naissent prématurés, soit 165 bébés par jour. C’est 22% de plus qu’il y a 15 ans.

Source : Association SOS Préma.

Pour aller plus loin :

Inserm : dossier sur la Prématurité.

Dernière étude consacrée à la prémturité : Epipage 2.

Ministère des Solidarités et de la Santé. Les 1 000 premiers jours : Boris Cyrulnik remet le rapport de la commission d’experts à Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles. 8 septembre 2020. Accessible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/remiserapport-1000-jours

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com