«Comment allez-vous? Vous avez encore dormi dehors? On va écouter le cœur du bébé». Cette unité d’accompagnement personnalisée (UAP) suit chaque année quelque 300 femmes enceintes en grande précarité, parfois mineures, fragilisées par des addictions ou encore présentant des troubles psychologiques ou psychiatriques. Le projet a été lancé en 2018 comme une réponse à la mortalité infantile en Seine-Saint-Denis, particulièrement préoccupante*. En 2014, deux études avaient notamment permis d’identifier les causes de ce taux élevé : des défauts d’accès aux soins et la précarité des populations.
«Perdues dans un système de soin trop complexe»
«20% de nos patientes ont un diabète gestationnel, lié à l'alimentation, donc à la précarité», souligne Bruno Renevier, chef de service de la maternité et responsable de l'UAP de Montreuil. Or il s'agit d'un facteur de risque pour la grossesse au même titre que l'hypertension, l’obésité maternelle, les maladies chroniques ou infectieuses, toutes favorisées par des conditions de vie difficiles. Concrètement, mort fœtale, césariennes et prématurité sont accrus par la vulnérabilité des femmes au sens large. A l'UAP, des équipes pluridisciplinaires, disposant de temps de consultation plus longs, sont formées à repérer cette vulnérabilité. Sages-femmes, gynécologue référent, assistante sociale, psychologue proposent une prise en charge globale dans une unité de lieux et de temps pour limiter les ruptures de parcours. «Ces femmes sont souvent perdues dans un système de soin trop complexe. Dès qu'on en agrippe une, on ne la lâche plus», assure le Dr Bruno Renevier.
Galith Partouche, gynécologue à Montreuil, l'annonce d'emblée : ses consultations sont tout autant «sociales» que «médicales». «Beaucoup de femmes que je vois sont seules, migrantes, fuient un mariage forcé ou des violences», dit-elle.
«Dans la rue»
Ce jour-là, elle reçoit une femme de 32 ans, enceinte de six mois, avec son mari et leur fille de 9 ans. Ils se sont enfuis de leur village de Côte d'Ivoire pour que la fillette n'y soit pas excisée. Dès le début de l'entretien, cette dernière pique du nez. La médecin lui propose de s'allonger sur la table d'examen pour une sieste. «Depuis qu'ils sont arrivés en France en juillet, la famille dort dans la rue», raconte la gynécologue. Alors, pendant la consultation, elle évoque avec la future mère ses prochaines prises de sang, le rendez-vous à caler avec l'anesthésiste, s'enquiert de ses douleurs au dos mais lui demande aussi si elle parvient à manger et si elle a bien rappelé le 115 (le Samu social) pour obtenir un hébergement d'urgence. Puis elle accompagne le couple dans le bureau de l'assistante sociale, qui va les aider dans toutes leurs démarches.
L'expérimentation de l'UAP de Montreuil est l'objet d'une étude publiée cet été dans la revue BMC Pregnancy and Childbirth: «On a démontré qu'être suivie dans l'unité divisait par deux le risque de prématurité du bébé», résume le Dr Renevier. Fort de ces résultats encourageants, «nous espérons améliorer les conditions de naissance sur le territoire», déclare Laurence Desplanques, responsable du département périnatalité -santé des femmes de l’ARS Ile-de-France. Plus de 1 000 femmes ont pu bénéficier d'une telle prise en charge l'an dernier.
- Depuis une dizaine d’années, l'indicateur -qui mesure le rapport entre le nombre d’enfants décédés dans leur première année et l’ensemble des enfants nés vivants de cette même année- a augmenté en France (3,7 décès pour 1 000 naissances), rétrogradée de la 5e à la 18e place des pays de l'OCDE.
- Avec 5,4 décès survenant avant un an pour 1.000 naissances, le département de la Seine-Saint-Denis, au nord-est de Paris, affiche actuellement le plus haut taux de mortalité infantile en France métropolitaine.
- Pour l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, qui finance le projet de l'UAP du centre hospitalier intercommunal de Montreuil ainsi que quatre unités semblables en Seine-Saint-Denis et dans le Val-d'Oise (à hauteur de 700 000 euros par an au total), réduire la mortalité infantile est une «priorité».
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