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AS

"Oui, le secteur de la gériatrie est maltraitant"

Publié le 31/12/2014
personne âgée tristesse

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Dans un récent article du Nouvel Observateur, un ancien aide-soignant témoigne de la maltraitance subie par les patients dans les services de gériatrie. Bien entendu, la communauté n'a pas manqué de réagir à ses propos et à partager sa propre expérience en la matière sur les réseaux...

Couches sales, réveil brutal, anxiolytiques... En gériatrie, j'ai vu des maltraitances tel est l'intitulé de l'article, publié sur le site du Nouvel Observateur le 19 novembre 2014, où Jean-Christophe, ancien aide-soignant, raconte son expérience. Sur Facebook, les professionnels de santé, infirmiers et aides-soignants, donnent leur vision des choses et partagent, ou non, le témoignage de Jean-Christophe. Comme il le souligne, son objectif n'est pas de faire des généralités ou de juger les personnels qui travaillent en gériatrie, mais de signaler des dysfonctionnements pour y remédier.

Le manque de moyens pointé du doigt

Plusieurs commentaires dénoncent le manque de moyens et de personnels au sein des Ehpad. Marine, infirmière, explique gérer à elle seule 46 patients atteints de pathologies diverses et souvent psychologiques. Les conditions de travail dans lesquels j'exerce sont tellement déplorables que je demande mon changement, explique-t-elle. Ce n'est pas que je n'aime pas travailler auprès de personnes âgées, loin de là. Mais nous n'avons pas de personnel, pas de moyens, des équipes en souffrance et malgré de multiples réunions, rien ne bouge.

De son côté, Marine, aide-soignante, raconte sa propre expérience : il faut avoir connu et travaillé un certain temps dans des services avec un personnel souvent non formé car moins cher, constamment en sous-effectifs et où les moyens mis à disposition sont ridicules au vu du "travail" demandé. Le tout englobé par des plannings instables, surchargés ainsi qu'une direction aveuglée par l'éthique et le business de son ENTREPRISE, fermant les yeux sur ce qu'il se passe dans les couloirs, pourvu que tout le monde soit tout beau, tout "propre" à l'heure des visites. Alors là, OUI, les soins commencent à 6h, OUI, les résidents sont gavés, leurs réels besoins ignorés, et OUI, le résident n'est plus qu'un numéro. J'ai vu ma direction scruter la propreté du lit et du sol d'une chambre avant de s'inquiéter de l'absence anormale du résident qui était censé s'y trouver. Aberrant. Seulement on ne peut pas juger certaines pratiques du personnel soignant en ayant fait qu'une session de quelques jours en tant qu'intérimaire dans ce genre de service. N'importe quel soignant prônant « l'humanitude » finit par s'adonner à ce genre de pratiques malgré lui quand ces conditions de travail pèsent et durent. Les ressources de nos nerfs de sont pas inépuisables, la maltraitance en gériatrie existe, et je pense que le personnel soignant réalisant ces pratiques ne sont pas maltraitants dans l'âme, mais simplement dépassés. Pour l'avoir vécu, j'en suis même sûre. J'ai quitté cet endroit avant de franchir certaines limites, et à présent je peux rentrer chez moi sereine et fière de ma journée de travail, ce qui n'a pas toujours été le cas malgré la reconnaissance que je porte à mon métier. Nous ne sommes qu'humain. La maltraitance en Ehpad est une affaire de société, et pas une affaire personnelle dans la plupart des cas.

Oui, le secteur de la gériatrie en institution est maltraitant pour les résidents et pour les soignants à qui on ne donne ni les moyens ni le temps pour rester humain.

Pour Karine, infirmière en Ehpad depuis huit ans, le constat est le même : le vrai problème dont on ne parle pas assez est le manque de personnel et forcément le manque de temps à consacrer à nos aînés. Pour ma part, il y a 91 résidents, une IDE en poste le matin et une le soir. Pour les AS, c'est déplorable... 14 à 15 toilettes le matin avec des résidents plus ou moins grabataires, des fins de vie, et le summum en ce moment nous sommes en plein plan de licenciement. On licencie dans les institutions déjà pauvres en personnel, un comble !!! Merci Marisol de te soucier de nos aînés, qui ne demandent pas grand chose, simplement qu'on puisse avoir du temps à leur consacrer ainsi qu'à leur famille et surtout pouvoir finir leur jour dans la dignité ce qui malheureusement, faute de temps pour le personnel, n'est pas toujours le cas !!!! Triste réalité mais pour rien au monde je ne quitterais mes papys et mamies.

Catherine concède qu' il existe des endroits irréprochables où des efforts magnifiques sont faits. Ça ne devrait pas être l'exception. Mais force est de constater que ce n'est pas le cas partout... J'ai d'amers souvenirs qui me reviennent, d'autant qu'il existe une omerta qui vous fait payer d'avoir dit les choses... Les doubles protections pour espacer les changes (et pas question d'avoir des besoins juste après la tournée de change... il faut attendre la suivante !), les traitements qu'on écrase (sans d'ailleurs tenir compte ni de la galénique ni de la cinétique d action - écraser un LP revient à tout libérer de suite !!) et qu'on mélange allègrement à la purée ET à la crème dessert pour aller plus vite, car pas assez de personnel pour le nombre de patients à faire manger... Les toilettes expédiées (parfois un jour sur deux... et mieux vaut ne pas regarder entre les doigts de pieds... on m'a même dit que de toute façon, le savon c'était trop décapant pour la peau)... Sans compter les tutoiements et les appellations abusives de "Mamy" ou "Papy" et que dire des décibels de la téle qui hurle dans la salle commune ou bien la même chaîne réglée dans toutes les chambres sur une série ou un jeu pour que le personnel puisse la suivre en passant mécaniquement d'une chambre à l'autre... Et les familles qui ferment les yeux, trop contents d'avoir casé leurs vieux. Les jeunes sont les vieux de demain. Ceux qui traitent ainsi leurs aînés ne savent pas que si rien ne bouge, ils auront la monnaie de leur pièce...

Face à ces conditions de travail, certains soignants, comme Nathalie, ont préféré changer de structure. Aide-soignante depuis dix ans, elle explique : j'ai dénoncé beaucoup de choses et je me suis battue contre des moulins à vent... J'ai préféré partir plutôt que de cautionner certaines choses. Aujourd'hui j'ai la chance de travailler dans une structure qui va dans le sens que je donne à mon travail.... Sophie partage elle aussi ce constat : oui, le secteur de la gériatrie en institution est maltraitant pour les résidents et pour les soignants à qui on ne donne ni les moyens ni le temps pour rester humain... Et au bout de trois mois de coups dans les murs et d'espoirs nourris pour un possible changement, je m'en vais... Certains diront que je fuis, que je quitte le navire mais ce n'est pas en restant et donc en cautionnant malgré soi que les choses s'améliorent !.

Il existe des endroits irréprochables où des efforts magnifiques sont faits. Ça ne devrait pas être l'exception

Tout n'est pas si noir...

D'autres témoignages s'avèrent en revanche beaucoup plus positifs. Aurore, infirmière en gériatrie, avoue que je passe toujours pour une folle quand je dis que c'est le mon meilleur service, mon plus beau souvenir et ma meilleure leçon d'humilité. Quant à Cycy, elle souligne je travaille moi-même en USLD (unité de soins longue durée) et donc avec des personnes âgées, et bien que mon service relève du service public heureusement je ne me sens pas concernée par ces propos. Cependant attention de ne pas en faire une généralité ! Oui on est humains, oui on a des sentiments, non on ne traite pas nos patients comme du bétail, oui on essaie au maximum de les chouchouter ! Bien sûr, ce n'est pas facile, on manque de matériel, de moyens, de reconnaissance, de temps, mais on fait ce métier avec notre cœur !!!

Rose-Marie travaille également en maison de retraite et affirme que le résident reste une personne à part entière. On respecte son rythme, ses choix, ses goûts avec un projet de soin personnalisé. Aurore elle aussi regrette de n'entendre que le négatif des maisons de retraite, soulignant que ce travail est difficile mais la plupart d'entre nous aimons ce que nous faisons et heureusement.

Il faut que les mentalités évoluent, un Ehpad n'est pas un mouroir

De son côté, Rachel, cadre de santé dans un Ehpad, invite les soignants à venir voir le merveilleux travail de mes 56 agents, tous les jours ne sont pas faciles, mais le travail en équipe est payant. Je ne passe mon temps dans mon bureau et travaille 12h par jour pour accompagner les équipes. Des formations sont proposées régulièrement pour permettre de s'aérer. Les toilettes commencent a 6h15, mais si vous saviez le nombre de résidents qui voudraient qu'on s'occupe d'eux de bonne heure. Nos aînés n'ont jamais fait la grasse matinée. Il faut que les mentalités évoluent, un Ehpad n'est pas un mouroir. Les résidents y mangent à volonté, participent à des sorties ou soirées à thème. Le manque de personnel nous oblige toutefois à limiter les petits plus. Il faut avoir du personnel sérieux, efficace, humain, respectueux. À nous de choisir nos soignants. Il est très important aussi que les familles qui nous confient leur parent nous fassent confiance, car le temps que les soignants perdent à justifier leurs actes ils ne le passent pas auprès des résidents.

Bref, la situation n'est pas délétère dans tous les établissements et, lorsque c'est le cas, il est difficile d'y remédier. Laissons le mot de la fin à Poulpy qui déclare que tant que nous, professionnels, accepterons de travailler comme cela, ça continuera. On attend quoi ? Que les actionnaires, les pouvoirs publics ou les familles qui le savent mais paient quand même bougent à notre place ? C'est à nous de refuser d'assumer une rotation de cet ordre. C'est à nous de nous positionner en refusant. Rien ne sert de gémir si on prend le salaire à la fin du mois !

Aurélie TRENTESSE
Journaliste Infirmiers.com 
aurelie.trentesse@infirmiers.com
 
@ATrentesse


Source : infirmiers.com