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De l'importance de concilier hygiène et culture pour l'aide-soignant

Publié le 02/05/2017
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L'hygiène et l'infectiologie étaient au coeur des Journées francophones des aides-soignants qui se sont tenues en janvier 2017. Plusieurs experts ont partagé leurs connaissances en la matière. Aide-soignant.com propose de revenir sur ces journées au travers de plusieurs articles dédiés qui permettront aux professionnels d'améliorer leur pratique quotidienne. Monica Attinger, infirmière spécialiste en prévention et contrôle de l'infection en Suisse, aborde un sujet souvent tabou : concilier hygiène et culture.

Rappelons-le : cette rencontre de cultures et coutumes différentes dans un contexte de souffrance et de maladie, peuvent engendrer des situations conflictuelles entre soignant et soigné.

A l’instar de nos sociétés européennes actuelles, nos structures de soins sont des lieux où des individus (patients, soignants) originaires des quatre coins de la planète, avec des cultures et coutumes qui leur sont propres, se doivent de rentrer en relation en continu.

Le soignant, en plus du bagage culturel acquis tout au long de sa vie, se construit, dès le début de l’apprentissage de sa profession, une identité professionnelle qui lui est propre. La sensibilité et la représentation que le professionnel se fait de la maladie, de l’hygiène au sens large et de son rôle de soignant va influer tout au long de sa carrière sur sa relation avec le patient. Indépendamment des différences de culture, de langage, de croyances, il fera en sorte de se rapprocher du but premier de son rôle de soignant à savoir la guérison ou du moins le réconfort du patient. Les moyens utilisés pour atteindre ses objectifs vont être imprégnés par son identité professionnelle avec parfois la perte de la vue globale du patient.

L’individu nécessitant des soins se retrouve, dès son admission à l’hôpital, réduit à son état de patient : il est couché, tributaire des équipes de soins, des règles de la structure dans laquelle il se trouve. De plus, il est dépouillé de ses habits, remplacés par une tenue impersonnelle. Cette dépendance presque totale dans laquelle il se retrouve s’ajoute à sa représentation de l’hôpital, à l’appréhension de la maladie et des traitements qu’il devra subir. Ces sentiments d’insécurité peuvent induire une certaine soumission ou au contraire un besoin de contrôle de la situation dans laquelle il se retrouve. Il se rattache alors à ce qu’il connait, à ce qui fait partie de lui, de sa culture. Cette rencontre de cultures et coutumes différentes dans un contexte de souffrance et de maladie, peuvent engendrer des situations conflictuelles entre soignant et soigné.

Mais la communication reste l’élément clé de la relation soignant-soigné et de son entourage. La seule connaissance des codes sociaux ne suffit pas.

Les alertes sanitaires récentes et le flux migratoire, conséquence de conflits actuels, peuvent entrainer une stigmatisation, une classification du patient immigrant selon des stéréotypes (les migrants d’Afrique sont porteurs de germes transmissibles) et aboutir à des comportements irrationnels et inappropriés de la part du corps soignant (port de masque alors que le patient n’a aucun symptôme respiratoire).

Les mesures spécifiques qui accompagnent certaines pathologies comprennent parfois un confinement du patient en cours de son hospitalisation ou dès son admission. Il n’est pas exceptionnel que, conséquence de cet isolement, le patient et, ou son entourage développent des réactions inadaptées (violence physique ou verbale) pouvant compromettre la bonne application des mesures de prévention des infections et de son traitement. De plus, l’isolement peut être à l’origine de troubles psychiques et cognitifs (troubles locomoteurs, dépression chez la personne âgée). Cette détérioration psychomotrice péjore non seulement la prise en charge optimale du patient mais de manière générale son potentiel de rétablissement.

Souvent face à un patient migrant et de plus avec un problème de compréhension linguistique, il est commun que les équipes sollicitent la famille ou fassent appel à du personnel qui connaît la langue du patient. Mais cette démarche peut s’avérer non adaptée à cause de problèmes de traduction.

Le patient originaire de pays non européens, déjà déstabilisé par le fait de se retrouver dans un environnement qui lui est inconnu, aux repères comportementaux et linguistiques qui divergent des siens peut, lors d’instauration de mesures de prévention conduisant à son cantonnement, voir ses peurs exacerbées (patient sans papiers). Cette dépossession est d’autant plus difficile à vivre que la distance sociale et culturelle est grande entre lui et les soignants. Cet état d’anxiété et de crainte peut impacter sur sa santé psychomotrice de manière générale et ébranler sa prise en charge de manière adéquate. Sa relation avec les soignants peut être altérée et sa prise en charge difficile.

Le professionnel face à des attitudes qui interférent avec la vision de son rôle de soignant, voire avec ses croyances et coutumes peut inconsciemment remplacer l’empathie qui le caractérise par un rejet du patient voire d’un mépris à son égard. La relation soignant-soigné en souffrira au détriment du patient. Ce dernier ne sera plus perçu comme un individu à part entière mais sera réduit à une pathologie concernant un organe nécessitant des soins techniques avec parfois l’instauration de mesures spécifiques.

Les réactions du patient devant subir des soins qu’il ne comprend pas ou qui sont en désaccord avec ses croyances (patient musulman pratiquant qui doit être lavé par une jeune soignante) peuvent se répercuter sur le fonctionnement d’une équipe toute entière et être à l’origine de conflits, de cassures. Ce n’est pas seulement le patient qui en subira les conséquences mais tous les patients du service.

Souvent face à un patient migrant et de plus avec un problème de compréhension linguistique, il est commun que les équipes sollicitent la famille ou fassent appel à du personnel qui connaît la langue du patient. Mais cette démarche peut s’avérer non adaptée à cause de problèmes de traduction (mauvaise compréhension de la situation ou traduction lacunaire) ou, une transmission partielle des informations demandées de la part du patient liée aux interactions au sein de la famille ou à une pudeur du malade (incontinence, lésions au niveau urogénital). Il est important que, de nos jours, avec une mouvance de populations chaque fois plus importante, conséquence non seulement de crises politiques ou économiques mais également de la mondialisation, les hôpitaux et les centres de formation développent des programmes visant à valoriser la médiation interculturelle et des compétences transculturelles chez les soignants. De telles initiatives (projet « Migrant Friendly Hospitals ») sont déjà déployées dans l’Union européenne depuis 2002. Ce programme vise à apporter des réponses adaptées aux besoins spécifiques de patients qui ont des conceptions différentes en matière de santé et d’organisation des services de santé, afin d’assurer un accès équitable aux soins et aux traitements.

Le professionnel face à des attitudes qui interférent avec la vision de son rôle de soignant voire avec ses croyances et coutumes peut inconsciemment remplacer l’empathie qui le caractérise par un rejet du patient voire d’un mépris à son égard.

Le personnel soignant quant à lui devra pouvoir bénéficier d’outils qui lui permettent d’entamer une relation avec les patients et leur famille, dans un respect mutuel. Cela induit une connaissance de codes sociaux spécifiques et leur intégration dans le dialogue avec le patient. Mais la communication reste l’élément clé de la relation soignant-soigné et de son entourage. La seule connaissance des codes sociaux ne suffit pas. Il est important que le soignant vérifie constamment que les explications, consignes transmises au patient soient effectivement comprises (importance de ne pas apporter de la nourriture depuis le domicile à un patient en isolement protecteur). Rapporter les différences observées et en assurer la gestion au sein de l’équipe représentent une plus-value. Elles favorisent la pondération et l’adoption de la prise en charge du patient selon une ligne directrice commune. Ce n’est que par le respect des différences et leur intégration autant que possible dans le dialogue et la prise en charge du patient que le soignant pourra instaurer une relation de confiance avec le patient et ainsi améliorer la collaboration du patient et par la même assurer des soins surs.


JFAS : deux journées de formation dédiées aux aides-soignants

Chaque année en janvier, les Journées Francophones des Aides-Soignants, un congrès national de 2 jours, permet aux aides-soignants de s'exprimer et de partager avec leurs collègues venus de toute la France. La formation est transmise par des experts, professeurs, médecins, infirmiers, aides-soignants… mais aussi par des AS des pays francophones. L'occasion pour les aides-soignants d'actualiser leurs connaissances et de se former à de nouvelles compétences !

La prochaine édition des JFAS se tiendra les jeudi 25 et vendredi 26 janvier 2018 à l'Espace Charenton, à Paris. Elle aura pour thématique « L'aide-soignant, l'agressivité et la violence dans les soins : comment être bientraîtant et responsable avec les patients et leur famille ». À cette occasion, un appel à poster est lancé. Pour plus de renseignements : c.declercq@trilogie-sante.com

Pour en savoir plus : trilogie-sante.com

Monica ATTINGERInfirmière spécialiste en prévention et contrôle de l'infectionResponsable Unité HPCi-CHUV Vaud-Suisse


Source : infirmiers.com