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AIDE HUMANITAIRE - MERCY SHIPS

« L’humain est vraiment la priorité », Angela, infirmière sur un bateau-hôpital

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Publié le 16/10/2024

Angela, jeune infirmière, rentre de deux missions humanitaires consécutives effectuées en tant que bénévole pour l’ONG Mercy Ships. Motivations au départ, spécificités des prises en charge, lien avec les patients…, elle nous raconte son expérience.

angela, infirmière, couloir du navire hôpital, enfant

« Je suis infirmière depuis bientôt 3 ans. Mais déjà à l’époque de mes études, à l’IFSI Sainte-Marguerite, je savais que je voulais être infirmière dans l’humanitaire ». Au moment où elle se présente, Angela, 28 ans, vient tout juste d’accomplir deux missions en bénévolat pour l’association Mercy Ships (voir encadré). La première l’a emmenée en février 2024 en Sierra Leone, à bord du Global Mercy, où elle a exercé pendant 3 mois comme infirmière bénévole. Puis, à l’heure du retour, elle a eu vent d’une mission qui se préparait à Madagascar, où les patients, précise-t-elle, parlent français. « Or c’était encore mieux de pouvoir parler sa langue, car j’allais avoir une vraie relation avec les patients. C’était encore une belle opportunité. » La voilà partie pour cinq semaines supplémentaires, cette fois à bord de l’Africa Mercy. Car embarquer sur les navires de Mercy Ships et consacrer un peu de son temps à des populations vulnérables, en attente de soins, c’est depuis longtemps l'un de ses rêves.

À l’origine, il y a une première expérience en bénévolat en Italie, vécue alors qu’elle a entre 19 et 21 ans. Là, Angela évolue au contact de personnes démunies, des sans-papiers, des réfugiés politiques. Nous sommes encore loin du soin, mais cette expérience la marque : « je voulais avoir une profession qui réponde à ces valeurs d’humanisme » . L’idée de partir avec Mercy Ships viendra plus tard, au détour d’une conversation avec une amie alors qu’elle a entamé ses études d’infirmière. « Elle m’a expliqué que c’était un bateau hôpital, qui se déplaçait en Afrique, et j’ai été tout de suite emballée. Je me suis dit : "J’ai trouvé l’amour de ma vie !" ».

Première étape : faire de la réanimation

Mais pour devenir infirmière bénévole dans l’humanitaire, Angela doit d’abord acquérir de l’expérience. Deux ans d’exercice minimum sont nécessaires avant de pouvoir prétendre à partir en mission. Et pas dans n’importe quel service. « Je savais qu’il fallait que je fasse de la réanimation et des urgences », relate-t-elle. « Les organisations telles que Médecins sans frontière demandent des expériences en réanimation, et j’avais compris que c’était le moyen le plus rapide d’y accéder, sans avoir nécessairement 10 ans de pratique derrière. » Elle choisit la Salpêtrière, à Paris, où elle exerce durant deux années dans un service de réanimation. Puis, à l’issue de cette période, « sur un coup de tête », elle postule à Mercy Ships. Cela tombe bien : l’association est en recherche de bénévoles, notamment soignants, pour ses navires hôpitaux. « C’était aussi le bon moment pour moi. Je voulais quitter Paris, aller travailler à l'étranger en intérim… Ça collait avec mes projets. »

L’association Mercy Ships
Fondée en 1978, Mercy Ships est une organisation non gouvernementale (ONG) qui intervient auprès des pays les plus démunis pour fournir des soins gratuits à leurs populations. Elle mobilise les deux plus grands navires-hôpitaux du monde, l’Africa Mercy et le Global Mercy, où les professionnels de santé effectuent des interventions chirurgicales impossibles à réaliser sur les territoires de ces pays, par manque de compétences ou de moyens. L’ONG participe également à la formation gratuite des professionnels de santé sur place ainsi qu’à la rénovation des infrastructures. Depuis 1993, elle concentre toutefois son action en Afrique principalement subsaharienne, où 93% de la population n’a toujours pas accès à des soins chirurgicaux. Selon son bilan, elle a réalisé plus de 117 000 opérations chirurgicales et formé près de 53 000 professionnels de santé depuis sa création.

Une offre de soin bien identifiée

Au cours de ses deux missions, Angela prend en charge des populations défavorisées, vulnérables, dans le cadre d’interventions chirurgicales, essentiellement ponctuelles. « L’association ne cible pas les patients atteints de maladies chroniques, car la chronicité suppose des traitements à vie. C’est quelque chose de difficile à combler », explique-t-elle. Les patients qui arrivent jusqu’au bateau sont souvent en échec thérapeutique, par manque de plateaux techniques, de compétences ou tout simplement de médecins. Ils sont généralement identifiés et orientés vers Mercy Ships par les professionnels de santé et les établissements du territoire. Une équipe de l’association se charge alors de les sélectionner en fonction « de l’offre de soin qu’on peut leur proposer, des chirurgiens et des plateaux techniques qui sont disponibles sur le bateau. » Là, les soignants prennent en charge des interventions sur des lipomes, des hernies, des neurofibromes, des personnes ayant besoin de chirurgie maxillo-faciale ou orthopédique ou encore des enfants présentant des brûlures, liste la jeune infirmière.

Des urgences aux pathologies locales

« Ce ne sont pas des urgences vitales comme on l’entend en France, lorsqu’on a besoin d’agir dans les 48 heures. Mais il y a des patients qui souffrent de pathologies maxillo-faciales et qui ne peuvent plus s’alimenter ou qui ont les voies respiratoires obstruées », développe-t-elle. « Aux yeux d’un chirurgien, c’est une urgence vitale puisque l’espérance de vie est extrêmement réduite. » Le bateau est équipé avec une vraie technologie de pointe : laboratoire, service de radiologie, plusieurs blocs opératoires et salles de réveil et de soins intensifs, prises d’oxygène au mur…, détaille-t-elle.

Très grande pauvreté et difficulté – voire impossibilité – d’accéder à des soins entraînent en effet une aggravation de maladies et pathologies qui, en Occident, sont souvent traitées dès qu’elles sont diagnostiquées. Ou qui n’existent tout simplement pas, à l’exemple du noma. Définie comme l’un des indicateurs biologiques de pauvreté extrême et de malnutrition chronique, cette maladie gangréneuse altère les tissus, le plus souvent du visage, et finit par former des trous. Dans 90% des cas, elle conduit au décès en l’absence de tout traitement. « Cette maladie m’a beaucoup marquée en Sierra Leone », souligne Angela, qui confie toutefois que la découverte de ces pathologies peu présentes voire inexistantes dans les pays développés et de leur traitement l’ont professionnellement enrichie.

Angela, infirmière sur Mercy Ships, entourée de soignants bénévoles et de patients
Angela, infirmière bénévole sur Mercy Ships, estime avoir pu réellement exercer son métier au cours de ses deux missions.

En amont du soin, une préparation psychologique et émotionnelle

La prise en charge des patients suppose d’abord qu’une équipe leur explique « avec leur propre langage, leurs propres croyances et conceptions de la vie et de la société » en quoi elle consiste et ce à quoi ils doivent s’attendre. Car, parfois, les maladies, malformations ou pathologies qu’ils présentent s’intègrent dans des systèmes de croyances bien ancrés. « Un enfant qui naît avec une malformation faciale, c’est un enfant qui a été puni, à qui on a jeté un sort à la naissance », donne-t-elle en exemple. Avant toute intervention, est donc mise en place une réelle préparation psychologique et émotionnelle, d’autant plus importante que certains publics – comme des mères et des enfants – sont particulièrement vulnérables. « On fait beaucoup de soins relationnels », poursuit-elle.

Ce n’est pas parce qu’on est Afrique qu’on va avoir des soins de moins bonne qualité, bien au contraire.

« Comme nous sommes dans un service à dominante chirurgicale, on intervient en pré et en post-opératoire » : préparation du patient pour partir au bloc, conseils à délivrer (être à jeun, ne pas porter de bagues…), réalisation des prélèvements sanguins si besoin, puis une fois l’intervention finie, prévention des infections et hémorragies. « Exactement comme on ferait dans n’importe quel autre pays. Ce n’est pas parce qu’on est Afrique qu’on va avoir des soins de moins bonne qualité, bien au contraire ». Et la qualité et la sécurité des soins sont d’autant plus assurées que les soignants n’ont jamais plus de 3 à 6 patients à la fois. Voire un seul, si celui-ci est en soins intensifs.

Un univers de travail « exceptionnel »

De quoi permettre une prise en charge individuelle et globale. Et surtout de prendre du temps avec chaque patient. Ce luxe, c’est justement ce qui a donné à Angela l’impression « d’être infirmière de manière globale ». « Quand on veut devenir infirmière, on a souvent cette volonté d’aider l’autre, d’avoir le temps, mais on est très vite rattrapé par la réalité du travail », témoigne-t-elle.

C’est vraiment un chemin qu’on fait ensemble, ils deviennent plus que des patients. 

Or, à Mercy Ships, les soignants disposent du temps nécessaire pour réaliser leurs soins techniques, mais aussi pour dispenser les soins émotionnels et psychologiques auprès de ces populations fragilisées. Pour « lever les barrières et tisser des liens » entre patients et soignants. « L’humain, c’est vraiment la priorité », insiste-t-elle. « C’est un univers de travail qui est exceptionnel, dans lequel on peut vraiment s’épanouir en tant qu’infirmière. » Avec, au bout, l’émotion de voir partir ces patients qui se sont attachés à eux. « Ils sont passés à travers la sélection, ils ont attendu, ils ont marché des jours durant pour venir, ils n’ont pas vu leur famille parce qu’ils sont restés plusieurs semaines ou mois sur le bateau. C’est vraiment un chemin qu’on fait ensemble, ils deviennent plus que des patients. »

La vie sur le bateau-hôpital
« On vit en communauté », résume Angela quand elle évoque la vie sur le bateau. Plus grand navire-hôpital du monde, avec son hôpital de 7 000m² sur deux étages, le Global Mercy dispose également de tous les équipements pour assurer le quotidien de ses bénévoles et de leurs proches : cabines spécifiques pour les familles, les couples et les célibataires, école allant de la maternelle au lycée, parc de jeux pour les enfants… « Il faut que la vie soit faisable sur le bateau pour ceux qui restent plus longtemps », parfois même des années, souligne-t-elle. L’ambiance, elle, est bienveillante. « Nous sommes tous là dans un même but, qu’on soit ingénieur maritime, qu’on fasse partie de l’équipe de cuisine ou du médical ou paramédical. Il y a un sentiment d’unité qui rend la vie très agréable ». Le quotidien est même rythmé par l’organisation d’événements ou de célébrations (cours de salsa, fête nationale du Sierra Leone, Noël…) auxquels tous peuvent participer, et les sorties à terre lors des jours de repos sont autorisées. « Il faut s’ajuster à vivre en communauté, prévient-elle. Il faut avoir envie de rencontrer du monde. »

Source : infirmiers.com