Lutter contre les dérives du recrutement international d’infirmiers : c’est l’une des priorités du Conseil international des infirmières (CII), qui ne cesse depuis des mois d’alerter sur des pratiques qui fragilisent les systèmes de santé des pays les moins développés. Dans un récent rapport finalisé en juillet 2024 et soumis à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il met en évidence « les tendances gravement préoccupantes en matière de recrutement d'infirmières » à l’international. L’organisation pointe ainsi « une augmentation significative de la migration des infirmières » des pays à revenus faibles ou moyens vers des pays aux revenus plus élevés au cours des trois dernières années. Celle-ci s’explique notamment par le recrutement actif que ces derniers ont engagé afin de remédier à leurs problématiques de pénurie d’infirmiers.
Un phénomène qui fragilise systèmes de santé et professionnels
Or, comme le répète le CII, ces phénomènes de migration ont un effet délétère sur les systèmes de santé de pays déjà particulièrement fragiles. Ce phénomène « peut avoir des impacts néfastes pour ces pays dont les systèmes de santé s’appuient sur un nombre d’infirmiers insuffisant par rapport à leur population, et qui font face à des défis importants relatifs à la couverture universelle » du fait, justement, de leurs manques de ressources humaines, indique le rapport. Le document souligne également deux autres problématiques de taille : celle de la fidélisation et de la rétention de ces professionnels au sein des pays les plus développés, et celle des conditions de leur migration. Le CII alerte en effet sur le signalement de « pratiques abusives et d'exploitation de la part de certaines agences de recrutement, les infirmières migrantes étant soumises à des informations trompeuses, à la servitude pour cause de dettes et à de mauvaises conditions de travail et de vie. »
L’autre enjeu du document fourni par l’organisation est d’inciter à renforcer la collecte de données relatives à ce phénomène de migration. Celles-ci ne tiennent en effet pas compte « de la couverture en personnel infirmier par rapport aux besoins réels et prévus des pays en matière de santé, ni de l'impact de la dynamique du recrutement international ». Elles risquent donc de ne pas refléter réellement les inégalités croissantes en matière de soins infirmiers à l’échelle mondiale.
Moratoire sur le recrutement international, fidélisation des infirmiers...
Face à ce constat, le CII formule plusieurs recommandations, à commencer par la mise en place de mesures « claires et contraignantes » de responsabilisation en cas de non respect du code de pratique mondial pour le recrutement des personnels de santé de l’OMS, et par une suspension du recrutement actif d’infirmiers originaires des pays les plus vulnérables figurant sur la liste de soutien et de sauvegarde du personnel de santé de l'OMS. Il faut également améliorer la collecte, la communication et le suivi des données relatives à la migration internationale des infirmiers, et protéger les droits des infirmières migrantes et lutter contre l'exploitation, la discrimination et les conditions de travail et de vie dangereuses. Le CII demande également aux pays les plus développés de s’engager plus fermement dans la constitution d’une main d’œuvre infirmière autosuffisante sur leur territoire et de résoudre leurs problèmes de rétention, à l’origine des dérives de recrutement. Autant de recommandations qui font écho aux demandes déjà formulées par l’organisation en amont du G20
Plus largement, et afin de consolider les données sur ce phénomène de migration, le CII exhorte les associations nationales infirmières de chaque pays à soumettre leurs propres rapports à l’OMS, avant la date butoir du 31 août 2024. Celles-ci « ont un rôle essentiel à jouer pour soutenir les rapports de l'OMS et susciter le changement. Le CII a déjà attiré l'attention sur le problème des faibles taux de notification : lors du dernier cycle de soumission du code mondial, seuls 77 pays ont communiqué des données, et les taux de notification des pays européens ont baissé par rapport aux cycles précédents », plaide ainsi sa présidente, Pamela Cipriano.
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