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Interrogé par le SIDIIEF, Blaise Genton fait le point sur les vaccins anti Covid-19

Publié le 18/03/2021

Un an après le début de la pandémie de Covid-19, nous disposons non pas d’un vaccin mais de plusieurs vaccins : AstraZeneca, Pfizer/BioNTech, Moderna… développés à une vitesse record. Synonymes d’espoir pour certains, ils suscitent aussi beaucoup de suspicions, accrues avec l’arrêt provisoire de l’usage de l’AstraZeneca. Quelles sont les différences entre les vaccins ? Sont-ils tous pertinents dans le combat actuel ? Pour s’y retrouver et démêler le vrai du faux, Hélène Salette, directrice générale du Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l'espace francophone (SIDIIEF), s’est entretenue avec le Pr Blaise Genton, Médecin chef au service des maladies infectieuses du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). Le point sur la vaccination anti Covid-19. 

Pourtant au coeur des politiques de santé publique, la vaccination ne semble pas faire l’unanimité. L’action de vacciner représente-t-elle une riposte efficace et sécuritaire pour contrôler les épidémies ? Pour le Pr Blaise Genton, impliqué dans la recherche vaccinale - notamment contre le paludisme avec plus de douze années passées dans les pays endémiques et également dans la recherche du vaccin contre le virus Ebola - il s'agit de la mesure la plus importante de santé publique pour lutter contre les maladies  transmissibles : la vaccination a un rapport qualité, efficacité, coût qui est très favorable. Pour le vaccin contre le virus Ebola par exemple, en moins d’une année, nous avons eu un vaccin efficace à 100 % développé dans les mêmes conditions d’urgence sanitaire que celles que nous connaissons aujourd’hui.

ARN messager, adénovirus, quelle est la différence ?

Bien qu’en France les infirmiers n'aient pas la capacité de prescription, ils sont en première ligne depuis la début de la pandémie. Pour y voir plus clair et faire face aux interrogations des patients, le Pr Blaise Genton, actuellement responsable médical de la campagne de vaccination au Covid-19 dans sa région (canton de Vaud, Suisse), a détaillé, dans le cadre de la première "grande discussion" 2021 du SIDIIEF, la différence entre les vaccins à ARN messager (ARNm) type Pfizer/BioNTech et Moderna et les vaccins à adénovirus type AstraZeneca : il y a cette approche que l’on dit "nouvelle", celle de l’ARN messager. Or elle ne l’est pas vraiment. Cela fait près d’une vingtaine d’années que ce type de vaccin est testé. D’abord chez les animaux, puis plus récemment dans le domaine oncologique ou encore contre les maladies transmissibles comme le Zika ou le Chikungunya. Ce n’est donc pas tout à fait nouveau, mais aucun vaccin de ce type n'avait jamais encore été commercialisé. La particularité de l’ARN messager est qu’il ne contient pas le virus entier ni une protéine du virus. Il contient des fragments d'ARN qui sont ensuite encapsulés pour éviter d’être détruits au moment où on l’injecte et aller jusque dans les cellules-cibles (le plus souvent, musculaires ou immunitaires). Là, ils sont utilisés comme "mode d’emploi" par les cellules-cibles pour produire la protéine Spike (ou protéine S) présente à la surface du virus, véritable "clé" d'intrusion dans les cellules saines. Sont ensuite induites des réponses immunitaires protectrices, dont des anticorps. En somme, une "mémoire immunitaire" capable d'être activée en cas de contact naturel ultérieur avec le virus. L’autre type de vaccin commercialisé en France est dit "à adénovirus", ou vaccin à vecteur viral. Il s'appuie quant à lui sur un virus (rendu non-pathogène) pour provoquer une réponse immunitaire : c’est un virus du rhume du chimpanzé dont on a modifié l’ARN, neutralisé la capacité de réplication et dans lequel on a introduit le gène de la protéine Spike. Dans les deux cas, c’est notre organisme qui produit la protéine du virus, poursuit le Pr Blaise Genton.

 

                                  Il faut faire attention ; on ne peut pas comparer les efficacités entre les vaccins 

 

 

AstraZeneca, Moderna, Pfizer/BioNTech… Les vaccins ont-ils tous la même efficacité  et la même pertinence aujourd’hui ? Pour le Pr Blaise Genton, les vaccins n’ont pas une efficacité semblable : il faut faire attention ; on ne peut pas comparer les efficacités des vaccins. Certaines études ont porté exclusivement sur les formes sévères du Covid-19, tandis que d’autres ont inclus beaucoup plus de personnes âgées. Malgré les différences d’efficacité, le Pr Genton met l’accent sur la nécessité de la vaccination : même si l’efficacité diffère légèrement, nous avons besoin de tous les vaccins pour pouvoir vacciner tout le monde.

 

 

Le Pr Blaise Genton répond aux questions fréquemment posées

Est-ce que le vaccin joue sur notre ADN ?
Non : en parlant d'ADN, nous parlons de gène. Ce qui est injecté, c’est un code pour que la protéine Spike soit produite directement dans le cytoplasme des cellules de la personne vaccinée, sans passer par le noyau. Je peux comprendre l’amalgame, mais l’ARN messager ne peut pas rentrer dans le noyau cellulaire, où est contenu l'ADN.

Est-ce qu’un vaccin peut provoquer la maladie contre laquelle il est supposé protéger ?
Oui, si le vaccin contient un virus vivant. C'est le cas pour la rougeole ou la varicelle parce qu'on utilise le virus entier (et non en fragments), atténué et vivant. Mais dans le cas du Covid-19, comme dans celui de l’hépatite B, l’ARN messager a pour misson de générer une protéine, donc la réponse est clairement non.

Si je suis vacciné, puis-je encore transmettre la maladie ?
Pendant longtemps, la question était sans réponse. Maintenant les données commencent à s'accumuler, et on sait de manière documentée que la vaccination diminue l’infection. Nous avons pu le voir avec la campagne de vaccination qui a été faite en Israël :  sept jours après la deuxième dose, il y a eu 92 % de réduction de l’infection.
 

 

Effets indésirables et retour à "la normale"

Alors que le vaccin AstraZeneca a été suspendu car suspecté d’augmenter le risque de thrombose, qu’en est-il des effets indésirables des autres vaccins ? Pour l’heure, rares sont les effets indésirables à avoir été recensés. Certes, le recul est faible, mais c’est assez exceptionnel d’observer des effets secondaires à long terme après un vaccin. Le long terme pour un vaccin, c’est deux à trois mois. Pour le H1N1, la narcolepsie avait été identifiée dans quelques pays en Europe,  trois à six mois après les campagnes, mais c’est un cas rare, relève le Pr Genton. Cependant, la deuxième dose du vaccin Moderna et Pfizer/BioNTech se révèle plus réactogène : d'après une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, 10 % des personnes vaccinées présentent une légère fièvre ; au huitième jour après la vaccination, d'autres développent pendant 48h environ une réaction d’hypersensibilité (douleur, rougeur). Grâce au R0, le Pr Genton estime le bassin suffisant de personnes vaccinées pour un retour à la "vie normale" :  si le taux de reproduction du virus est de 2 par exemple, une immunité de groupe de 50 % environ est nécessaire. Si le R0 est de 3 ou 4 (ce qui pourrait être le cas du variant anglais), les besoins d'immunité collective sont bien supérieurs : de l'ordre de 70 % à 80 %. En clair, s'i il y a de nouveaux variants plus transmissibles, il va falloir vacciner encore davantage de monde, a-t-il conclu.

Inès Kheireddine
Journaliste


Source : infirmiers.com