Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

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AU COEUR DU METIER

Infirmiers, une humanité écorchée...

Publié le 01/04/2015
infirmière libéral à domicile toilette patient

infirmière libéral à domicile toilette patient

Sur son blog Une infirmière à la maison. Pensées,réflexions et anecdotes d'une infirmière "libre", Anne, infirmière libérale se pose bien des questions et souvent les bonnes lorsqu'il s'agit de défendre sa pratique… Qu'en pensez-vous ?

Nous avons entre nos mains des fils d'humanité plus ou moins longs, plus ou moins fragiles, avec lesquels nous tissons des liens sociaux et culturels

Vingt heures, je termine les soins et ferme le local. S'achève alors une longue journée qui a débuté à sept heures ce matin et au cours de laquelle se sont enchaînées les prises en charge. Je suis infirmière libérale. Une infirmière qui, comme des milliers d'autres collègues français se demande où en est la profession à l'aube d'une nouvelle loi santé en passe d'être adoptée malgré elle par le gouvernement. Mais ce gouvernement, comme les précédents, connaît-il vraiment notre métier ? Quand je dis vraiment, je veux dire sur le terrain, est-il conscient de la réalité qui l'anime ?

Du fait que nous dépendons du corps médical pour la prescription de soins effectués dans les structures hospitalières comme en ville, nous sommes souvent et injustement réduits à de simples exécutants, techniciens au service des médecins. Pourtant quand je me retourne et regarde mes dix années d'exercice ce n'est pas cela que je vois, cela ne représente d'ailleurs qu'une partie de notre décret de compétences et pas la plus importante. Alors qui sommes-nous finalement, nous infirmiers ?

Trois années d'études, intenses théoriquement mais aussi et surtout humainement, pendant lesquelles nous nous formons, apprenons à connaître les bases du métier. Ce sont les études qui amorcent le début d'une réflexion qui va devenir la trame de notre pratique au quotidien, peu importe le secteur dans lequel nous choisirons d'exercer (services hospitaliers, libéral, santé publique... ). Cette réflexion porte sur le "prendre soin". Notre pratique tend à conserver l' intégrité physique, psychique et sociale d'une personne ou d'un groupe de personne. Nous sommes amenés à collaborer avec le médecin mais aussi toute une équipe pluridisciplinaire dont nous gérons en grande partie les interactions avec le patient.

Mais ce gouvernement, comme les précédents, connaît-il vraiment notre métier ? Quand je dis vraiment, je veux dire sur le terrain, est-il conscient de la réalité qui l'anime ?

Il y a autant de problématiques que de personnes soignées et il nous faut revoir de façon perpétuelle notre manière d'aborder et de gérer le soin. Au cours de pathologies chroniques notamment, nous savons qu'une bonne observance des traitements prescrits est essentielle, ainsi qu'un entourage aidant. Il y a de multiples façon d'étayer une prise en charge pour qu'elle soit bénéfique. Voilà un domaine de compétence qui nous est propre, nous avons entre nos mains des fils d'humanité plus ou moins longs, plus ou moins fragiles, avec lesquels nous tissons des liens sociaux et culturels.

Nous, infirmiers, sommes des techniciens, dotés de connaissances biomédicales non négligeables au service du soin et de l'institution. Mais nous sommes aussi et surtout garants du fonctionnement positif d'une prise en charge sanitaire globale et efficace du patient. Nous sommes un rouage essentiel, indispensable au système de soins actuel, celui qui entretien la part d' humanité de l'institution. Dans une société où la rentabilité est souveraine, n'est prise en compte dans le soin que la technique, ce qui peut être comptabilisé en terme d'actes pratiqués. Ce qui "rapporte". Un pan entier du métier, celui qui comporte tous ses aspects relationnels est alors renié, méprisé.

Une question se pose : Quand l'État, responsable de l'organisation du système de santé va-t-il s'intéresser aux infirmiers, leur donner les moyens d'exercer correctement et dans des conditions satisfaisantes en terme de pratique, de formation, de sécurité, en reconnaissant pleinement leurs qualités et compétences ?

Nous sommes un rouage essentiel, indispensable au système de soins actuel, celui qui entretien la part d' humanité de l'institution.

Nos collègues souffrent, le mal-être de nos étudiants est criant et les suicides passés sous silence.

La profession va mal et s'ancre dans une crise de plus en plus profonde entre quête de reconnaissance et de moyens pour travailler sereinement. Le vent d'interrogations et de colère n'est pour l'instant qu'une brise qui effleure quelques oreilles distraites… Mais il est en passe de se renforcer au risque de devenir une véritable tempête faisant trembler les bases du système. Les soignants doivent s'unir et nous le ferons, si l'on continue ainsi à ignorer et maltraiter notre profession.

Ce texte est paru le 28 mars 2015 sur le blog d'Anne, Une infirmière à la maison Pensées,réflexions et anecdotes d'une infirmière "libre".


Source : infirmiers.com