Florence Nightingale, née le 12 mai 1820 à Florence, morte le 13 août 1910 à Londres, est une infirmière britannique, pionnière des soins infirmiers modernes et de l'utilisation des statistiques dans le domaine de la santé. Alex Attewell en dresse le portrait au travers de différents articles. Celui-ci aborde les débuts d'infirmière de Florence Nightingale.
En 1849, elle fit un voyage culturel en Égypte et en Grèce, pendant lequel elle trouva le temps de prendre des notes détaillées sur la situation sociale et les sites archéologiques. Sur le chemin du retour, le groupe dont elle faisait partie traversa l’Allemagne et s’arrêta à Kaiserswerth, près de Düsseldorf, où, en 1836, le pasteur Theodor Fliedner avait fondé un hôpital, un orphelinat et une école. Le personnel de l’institution se composait de « diaconesses » formées par Fliedner et sa femme Caroline. À l’âge de 30 ans, « celui où le Christ a commencé sa mission », Florence revint à Kaiserswerth pour y suivre une formation d’infirmière, en dépit d’une vigoureuse opposition de sa famille.
Elle se révéla particulièrement douée et, au bout de trois mois, le pasteur Fliedner l’invita à publier un compte rendu de la vie à Kaiserswerth pour les lecteurs anglais (Nightingale, 1851). De son côté, Florence était toute disposée à faire connaître Kaiserswerth en tant que lieu où les femmes pouvaient suivre un enseignement utile. L’ouvrage, publié anonymement, s’ouvre sur une critique de l’éducation donnée alors aux femmes : « ... si, intellectuellement, un pas en avant a été fait, dans la pratique rien de concret n’a suivi. La femme est en porte-à-faux. Elle est formée à l’acquisition de connaissances, elle ne l’est pas à l’action (ibid., p.3) ».
Dès 1846, dans une correspondance avec son père, Florence avait abordé ce thème à propos de l’éducation en général et il est intéressant de constater qu’elle voyait mal comment combler l’écart entre théorie et pratique. Elle pensait que « des essais doivent être faits et des efforts entrepris — des corps doivent tomber dans la brèche pour ouvrir le chemin à d’autres... » (Vicinus et Nergaard, 1989, p.30). Nous nous souviendrons de cette remarque lorsque nous évoquerons la création de l’école Nightingale quatorze ans plus tard.
Florence Nightingale ne parvint pas tout de suite à mettre en application sa toute récente formation et, à son retour de Kaiserswerth, en 1851, elle rédigea ce qu’elle appela sa « religion du travail », un traité philosophique qu’elle fit imprimer en privé, dix ans plus tard et qui compose les trois volumes Suggestions for thought for searchers after religious truth (Nightingale, 1860 b).
Dans un chapitre semi-autobiographique intitulé « Cassandre », qui demeure un texte fondamental de l’histoire de la femme au XIXe siècle, elle défend avec passion un nouveau type d’éducation : « les femmes aspirent à l’éducation pour apprendre à enseigner, pour apprendre les lois de la pensée humaine et la façon de les appliquer... » (Nightingale, 1860 b, p.391). Comme elle avait coutume de le faire, après avoir manifesté son idéalisme, elle poursuivait pragmatiquement : « et sachant combien, dans l’état actuel des choses, cette éducation ne peut être qu’imparfaite, elles aspirent à acquérir de l’expérience, mais de façon suivie et systématisée ».
Entre 1851 et 1854, elle compléta la formation acquise à Kaiserswerth en visitant des hôpitaux à travers le Royaume-Uni et l’Europe et en rassemblant des informations. Pour traduire les indications ainsi obtenues en une vision systématique, elle se consacra à un processus d’analyse des rapports relatifs aux hôpitaux et de réflexion face aux publications officielles concernant la santé publique.
En 1853, lorsqu’elle visita l’hôpital Lariboisière, qui venait d’être construit à Paris, elle fut favorablement impressionnée par les salles, réparties en plusieurs pavillons. Ces salles étaient spécialement conçues pour recevoir la lumière et l’air frais tout en permettant aux « effluves délétères » et aux « miasmes » de se disperser entre les longs blocs étroits dans lesquelles elles se situaient. Ses recherches sur la diminution de la mortalité à Lariboisière contribuèrent à confirmer la théorie des « miasmes », selon laquelle la maladie apparaissait spontanément dans les espaces sales et clos. Depuis les années 1830, cette théorie avait permis d’améliorer la santé publique au Royaume-Uni avec notamment l’installation d’égouts et l’alimentation en eau pure des villes. Les responsables de la santé publique ou les « réformateurs de la santé », comme on les appelait, étaient rarement médecins. Beaucoup étaient ingénieurs des travaux publics et Edwin Chadwick, le chef des services sanitaires de l’époque, était assureur. En 1858, Louis Pasteur isola les microbes et apporta la preuve que les maladies ne survenaient pas simplement de façon spontanée. À partir de cette époque, les spécialistes des sciences médicales contestèrent le programme des réformateurs mais on peut affirmer que même si leur postulat était erroné, leurs conclusions étaient correctes et leurs réformes utiles.
La place accordée par Florence Nightingale à l’hygiène lors de la guerre de Crimée (1854-1856) et l’importance qu’elle attachait au rôle de l’infirmière dans le maintien d’un bon environnement s’expliquent dans une large mesure par ce qu’elle avait compris des causes des maladies. Elle se distingue des tenants de la théorie des miasmes de son époque par le lien particulier qu’elle établissait entre ses conceptions scientifiques et ses convictions religieuses. Pour elle, Dieu avait créé les maladies résultant de miasmes pour que l’homme, après en avoir déterminé les causes par l’observation, puisse ensuite prévenir leur retour en prenant les mesures voulues au milieu de son environnement. Elle pensait donc que les infirmières, chargées de veiller au respect des règles d’hygiène, pouvaient jouer un rôle irremplaçable dans la progression de la spiritualité et découvrir la nature de Dieu en se familiarisant avec ses « lois de la santé » (Nightingale, 1873). Elle estimait qu’on ne lui avait rien enseigné sur la nature de la maladie — pas même à Kaiserswerth — mais qu’elle avait appris par l’expérience, l’observation et la réflexion. Aussi, lorsqu’elle fut invitée à organiser la formation des infirmières, elle s’efforça de reproduire les conditions dans lesquelles elle avait appris les données évidentes de la maladie.
Ce n’est qu’en août 1853 que Florence Nightingale occupa son premier emploi, un poste qui lui donnait enfin la possibilité de mettre en pratique son savoir et sa formation. Elle fut nommée Lady Superintendent d’une clinique de femmes réservée aux dames de la bonne société au 1, Upper Harley Street dans le West End de Londres, où elle demeura jusqu’à ce qu’éclate la guerre de Crimée. Elle s’y révéla une gestionnaire de premier ordre. Dans les salles, elle veillait à ce que son personnel et elle-même soient soumis aux médecins pour tout ce qui concernait le traitement mais devant le comité de direction, il lui arrivait souvent, dans l’intérêt des malades, de remettre en question la politique appliquée, et parfois même d’obtenir qu’elle soit radicalement modifiée.
Notes sur l'auteur : Alex Attewell (Royaume-Uni)
Après avoir occupé le poste de conservateur adjoint du musée d’un hôpital dans l’ouest de l’Angleterre, il est entré au musée Florence Nightingale de Londres en 1989. Membre associé de la Museums Association en 1993, il est nommé conservateur du musée Florence Nightingale en 1994. Il est souvent appelé à donner des conférences, à participer à des émissions de radio et de télévision et à organiser des expositions temporaires sur le thème qui lui est familier.
Ce texte est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXVIII, n° 1, mars 1998, p. 173-189. ©UNESCO : Bureau international d’éducation, 2000
Alex ATTEWELL
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