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GRANDS DOSSIERS

Focus sur les plaies infectées et les centres de cicatrisation

Publié le 28/11/2014
ulcère plaies

ulcère plaies

schéma prélèvement

schéma prélèvement

escarre grade 3

escarre grade 3

tableau classification plaies diabetiques

tableau classification plaies diabetiques

La 4e édition des Journées midi-pyrénéennes cicatrisation lymphologie (JMPCL) a rassemblé cette année plus de 600 participants. Florilège de quelques-unes des interventions lors des sessions plénières consacrées aux plaies infectées, notamment à celles du pied diabétique, et à la prise en charge des plaies en centres de cicatrisation.

Plaies infectées : savoir les reconnaître

Focus sur les plaies infectées et les centres de cicatrisation

La présence de germes dans une plaie n'est pas forcément synonyme d'infection. Pour autant, les infirmiers, particulièrement confrontés à tous les types de plaies dans leur pratique quotidienne, doivent savoir reconnaître celles qui sont infectées ou en passe de le devenir. Ils doivent ainsi « faire la différence entre la colonisation, stade où la vigilance est de mise, et l’infection bactérienne, stade d’évolution ultime de l’interaction micro-organisme/hôte et pour lequel une intervention soignante s'impose » a expliqué Olivier Deniel, Idel à Rodez (12) en préambule de la session 6 "Plaies infectées" de l’édition 2014 des JMPCL1

L’infection n’est pas systématiquement due à une présence de germes qui existe par ailleurs à toutes les phases de la cicatrisation, de l’épidermisation à la détersion. Toutefois, plus une plaie dure dans le temps, plus on a de risques d’être confronté à des infections polymicrobiennes, a poursuivi l'infirmier libéral expert des plaies.

La survenue de l’infection d'une plaie dépend d’une part de micro-organismes (pouvoir pathogène, type de bactérie et leur virulence, quorum sensing2, biofilms), d’autre part du terrain (immunocompétence de l'hôte + facteurs locaux : taille, profondeur, ancienneté de la plaie, présence de corps étrangers, tissu nécrotique, mécanisme lésionnel, ischémie/neuropathie, œdème).

Signes cliniques

Abcès, pus, rougeur, chaleur, lymphangite, adénite, douleur, induration, œdème, écoulement/exsudat important, odeur, fièvre et crépitation neigeuse (présence d’un gaz intra tissulaire) sont autant des signes cliniques classiques d'une plaie infectée. Retard de cicatrisation, plaie atone, plaie décolorée, tissu de granulation friable (bourgeonnement qui se délite), couleur rouge foncé/vert ou apparition d’une nouvelle plaie en périphérie peuvent aussi être parmi les autres signes retrouvés. Les critères d’infection communs mis en évidence par l’étude Delphi3 de 2004 sont la cellulite, une odeur nauséabonde, la douleur, le retard de cicatrisation et la dégradation de la plaie.

Schéma 1 Conduite à tenir pour les prélèvements

Prélèvements et examens complémentaires

Si les prélèvements bactériologiques permettent d'identifier le germe responsable de l'infection puis de réaliser un antibiogramme afin de la traiter efficacement, ils ne doivent pas être systématisés. « Ils ne sont indiqués qu’en cas d’infection établie cliniquement et avant toute antibiothérapie si possible », n'a pas manqué de souligner Olivier Deniel. Ces derniers peuvent être effectués selon plusieurs techniques (cf. encadré), la conduite à tenir étant variable selon que la plaie est superficielle ou profonde (cf. schéma 1). Le diagnostic microbiologique dépendant pour beaucoup de la qualité du prélèvement, il importe au préalable de préparer la plaie par un débridement, afin d’éliminer les nécroses, les tissus dévitalisés et contaminés, puis un nettoyage (gaze imbibée de sérum physiologique stérile ou dans certains cas antiseptique + rinçage abondant au sérum physiologique).

D’autres examens peuvent être pratiqués en fonction des équipes et des équipements locaux comme la biologie (NFS à la recherche de l’hyperleucocytose, élévation de la CRP, VS, hémocultures), l’imagerie osseuse, l’imagerie, ou encore, le bilan vasculaire.

Le traitement de la plaie doit ensuite être orienté par la clinique avec des mesures d’hygiène adéquates (isolement pour les BMR).

Processus d’extension de l’infection sur une plaie neuro-ischémique d’origine traumatique. ©Dr Martini

Les différents moyens de prélèvements bactériologiques

  • L’écouvillonnage simple est la méthode la plus utilisée mais est peu optimale. Elle est à pratiquer sur une plaie superficielle, avec un écouvillon de coton sur une surface de 1 cm2 de la plaie, et avec un mouvement en Z combiné à une rotation. Attention à ne pas prélever sur les bords de la plaie.
  • Le curetage écouvillonnage nécessite un raclage du fond de la plaie avec un scalpel ou une curette stérile. Le produit de curetage est récupéré par un écouvillonnage.
  • L’aspiration à l’aiguille fine pour un liquide purulent collecté dans un abcès profond soit en passant par une zone cutanée saine bien désinfectée, soit au travers de la plaie superficielle après nettoyage.
  • La biopsie tissulaire (tissus ou os) est à privilégier pour les lésions profondes avec ou sans anesthésie dans certains cas de neuropathie du pied diabétique.
  • Ne pas oublier les hémocultures en cas de fièvre.

Les spécificités de l’infection du pied diabétique

Parmi ces plaies infectées, celles du pied diabétique s’avèrent un enjeu permanent. À la fois source d’hospitalisation et source d’amputation, les professionnels de santé doivent donc tout mettre en œuvre pour lutter, prévenir et contrôler ce processus infectieux, a indiqué pour sa part le Dr Jacques Martini, médecin diabétologue au CHU de Toulouse Rangueil lors de cette même session. Et ce, même lorsque l’on n’a pas de plaie mais seulement une simple hyperkératose car on peut quand même être amputé une fois sur deux à cause en grande partie de l’association ischémie/infection.

Diagnostic clinique avant tout

Comme décrit dans toutes les recommandations4, il faut avant tout diagnostiquer le processus infectieux local sur des critères cliniques, a poursuivi le Dr Martini. Les formes cliniques rencontrées classiquement sont la dermo-hypodermite qui peut être traitée précocement, la gangrène humide assez fréquente avec extension des tissus nécrotiques noirâtres puis grisâtres nauséabonds, et la fasciite nécrosante qui pose un problème d'urgence chirurgicale rare dans l'indication du pied diabétique, avec nécrose tissulaire atteignant l'aponévrose superficielle, décollements cutanés et coloration violacée, sans pus ni abcès et altération de l’état général du patient.

La classification des infections des plaies du pied diabétique va conditionner l'orientation des patients dans le système et surtout dans le choix de l'antibiothérapie et l'orientation vers l'hospitalisation, sachant que lorsqu’on arrive au grade 3 on est déjà dans des situations relativement sévères qui nécessitent le plus souvent une réflexion forte sur l’hospitalisation du patient, a précisé le médecin diabétologue (voir tableau).

Arsenal thérapeutique

Le traitement de l'infection n'est pas seulement un problème infectieux ; c'est aussi une urgence dans la prise en charge de la plaie liée au risque de surinfection. Mais le contrôle de l'infection ne se limite pas à l'antibiothérapie. La décharge est probablement le moyen de limitation du processus infectieux, du contrôle de l'infection, voire de la prévention du processus infectieux. C'est la place aussi du chirurgien quand le médecin l'appelle pour essayer de contrôler les foyers locaux lorsque les conditions locales le permettent. Il y a donc tout un cortège de solutions qui doit être mis en place autour du contrôle du processus infectieux et c’est aussi la qualité des soins locaux. Un véritable travail d'équipe.

À noter : l'oxygénothérapie hyperbare (OHB) peut se révéler une modalité thérapeutique intéressante. Celle-ci reste cependant une technique adjuvante complémentaire a précisé le Dr Martini.

Apparition de nouvelles plaies autour d’un ulcère initial avec exsudat verdâtre et douleur chez un patient de 78 ans. ©Réseau Plaies Cicatrisation Aveyron

L'organisation en centres de cicatrisation

La problématique des plaies a aussi été abordée sous l'angle organisationnel avec les centres de cicatrisation qui s’avèrent des structures spécialisées venant faciliter et améliorer la prise en charge en ambulatoire des patients porteurs de plaies chroniques.

En interaction constante avec les soignants libéraux du domicile et autres structures, ces centres permettent en effet d’établir une véritable stratégie de prise en charge des patients porteurs de plaies chroniques et surtout une réflexion sur la gravité et sur la nécessité d'avoir des gestes urgents que ce soit sur l'infectieux par exemple pour le pied diabétique ou la revascularisation, a indiqué le Dr Philippe Léger lors de la session 7 consacrée aux centres de cicatrisation.

Une fois le diagnostic du type de plaie posé, l’évaluation de l’urgence établie et le soin de la plaie réalisé au sein du centre, les patients retournent à leur domicile où ils sont suivis par l'infirmière et l'équipe soignante habituelle avec le protocole de soins du centre… avant de revenir pour des consultations de suivi (3,3 en moyenne) et ce jusqu’à une complète cicatrisation (cf. schéma 2). Aujourd’hui, les centres de cicatrisation ont atteint une maturité de prise en charge avec un côté multidisciplinaire qui n'existait pas auparavant a-t-il ajouté.

L’escarre (ici grade 3) tue le patient diabétique alors même qu’il a été le plus souvent sauvé d’autres complications sévères. ©Dr Martini

Les soignants libéraux, et notamment les Idels, sont impliqués dans toutes les étapes de la prise en charge de ces patients complexes. Tout d’abord, au niveau de la "sélection" de ceux qui nécessitent un avis spécialisé du centre de cicatrisation pour diverses raisons : réalisation d’un bilan étiologique, évolution anormale ou dégradation rapide d’une plaie, détersion difficile... Puis dans le suivi de la plaie mais aussi de l’état général du patient et des traitements associés, de la nutrition contrôle d’une comorbidité (diabète, insuffisance cardiaque…), du port de la décharge, de la compression, de l’éducation du patient, de l’adaptation du protocole de soins… En effet, les Idels sont amenées parfois à reprendre contact avec le centre de cicatrisation entre deux rendez-vous par téléphone ou via la téléconsultation pour adapter la prise en charge – du fait de l’évolution des plaies, du non fonctionnement du protocole ou en raison d’une allergie – tout en évitant le déplacement du patient.

Alors qu'aujourd'hui la prise en charge des plaies chroniques est de longue durée – la cicatrisation est estimée en moyenne à 210 jours pour les ulcères veineux ou mixtes –, coûteuse5 et multidisciplinaire, le Dr Léger a conclu en rappelant combien il était très important de favoriser le développement des centres de cicatrisation au vu de leur prise en charge coût-efficacité.

Notes

  1. Organisées par un comité scientifique régional, l'association DOM-CICA 31 et l'UFRSI.
  2. Mécanisme par lequel les bactéries évaluent leur densité de population, ce qui leur permet d'adopter de nouveaux comportements.
  3. Cutting KF, White RJ, Mahoney P, Harding KG. Clinical identification of wound infection : a Delphi approach. In : Moffatt CJ, K Cutting, B Gilchrist, eds. European Wound Management Association (EWMA). Position Document. Identifying criteria for wound infection. London: MEP Ltd; 2005:6-9.
  4. Recommandations pour la pratique clinique de la SPILF, IWGDF grade, IDSA classification.
  5. Rapport de la Cnamts "Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : propositions de l'Assurance maladie pour 2014", juillet 2013.

Valérie HEDEF Journaliste


Source : infirmiers.com