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MODES D'EXERCICE

Flo & Yo - Louisa, entre Belgique et Togo...

Publié le 10/02/2012
Louisa, entre Belgique et Togo...

Louisa, entre Belgique et Togo...

dans une association d

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Portrait : Louisa, étudiante en soins infirmiers en Belgique et bénévole au Togo

Portrait : Louisa, étudiante en soins infirmiers en Belgique et bénévole au Togo


Ils se sont engagés à partager leur aventure « Care Conception Through the World » avec la communauté d'Infirmiers.com. Fidèles à leur promesse, Flo & Yo nous proposent aujourd'hui de faire la connaissance de Louisa, une jeune étudiante en soins infirmiers belgo-tunisienne engagée bénévolement dans une association d'aide humanitaire au Togo.

Suite à un article précédent mettant en évidence l’impossibilité de donner les médicaments inutilisés à des ONG ou à des associations humanitaires qui œuvrent dans des pays du tiers-monde, nous avons été contactés par Louisa, bénévole pour l’association UJPOD basée au Togo. C’est donc tout naturellement qu’elle a accepté de répondre à nos questions.

Flo & Yo - Bonjour, est ce que tu peux te présenter ?
Louisa - Bonjour ! Je m’appelle Louisa , j’ai 22 ans et je suis belgo-tunisienne. Je suis représentante pour UJPOD TOGO depuis 2010 et également étudiante en 2ème année en soins infirmiers à Bruxelles.

Flo & Yo - Comment as-tu atterri au Togo ?
Louisa - C’est un peu compliqué... Grâce  au travail de mes parents, j’ai pas mal bougé dans mon enfance et ça m’a donné le goût du voyage. En grandissant j’ai voulu continuer à bouger. Côté scolaire, j’ai commencé par des études de cinéma mais après un an, je me suis rendu compte que ce n’était pas fait pour moi et j’ai donc décidé de prendre une année sabbatique, histoire de me remettre de toutes ces émotions et de trouver ma nouvelle voie. J’ai trouvé une petite association qui cherchait quelqu’un capable de créer une base de données pour une bibliothèque : c’était dans mes cordes ! Aussitôt j’ai proposé mes services et voilà 3 semaines après j’étais au Togo… Sur place ça a été très compliqué : je suis partie pour 3 mois dans une association qui n’avait jamais accueilli de volontaires aussi longtemps… et je découvre qu’en fait le projet de bibliothèque ne les intéresse pas vraiment (aucun suivi du projet ni motivation de l’équipe pour faire de la sensibilisation à la lecture…). Ils n’avaient d’intérêt que pour l’argent que ramenait les volontaires... Bref ce fut trois mois très difficiles avec l’impression de ne servir à rien et d’être un peu un « pigeon ». Il n’empêche que c’est lors de ce voyage que j’ai eu envie de devenir infirmière. Bien sur ça me trottait déjà dans la tête, mais là-bas ce fut une véritable évidence. Après ce voyage, j’ai mis quatre mois avant de me décider de revenir au Togo, mais j’y suis revenue !

Flo & Yo - Comment se passent tes études en IFSI (institut de formation en soins infirmiers) ?
Louisa - En Belgique on ne dit pas IFSI mais le principe est le même, sauf qu’il n’y a pas d’examen d’entrée : la sélection se fait naturellement après la 1ère année d'études. Honnêtement, cela se passe très bien et j’aime beaucoup mon école. Les promos sont petites et les profs s’intéressent au projet des élèves et les encouragent dans ce sens (c’est chouette d’être soutenue). Tout le monde connaît mes actions au Togo et demande régulièrement des nouvelles ! On est même en train de mettre en place un partenariat avec UJPOD Togo pour permettre aux étudiants d’y faire un stage ; des stages pas toujours faciles surtout avec ma vision des soins infirmiers au Togo. J'ai en effet l’impression qu’ici, non seulement il y a un gaspillage ahurissant de matériels (set à pansements par exemple…) mais qu'en plus on se plaint tout le temps. C’est fou, rien ne va jamais assez bien ! Moi, je suis déjà bien contente d’avoir du matériel pour bosser dans de bonnes conditions mais bon j’essaie de ne pas trop comparer parce que sinon on devient dingue et on est tentés d'emprunter du matériel de l’hôpital pour l’amener là-bas… Les patients sont également très différents. Bien sur, parfois, j’ai l’impression de nager en plein délire : certains patients pensent qu’ils sont au « Club Med » et qu’on doit les servir... alors que notre rôle est de les conduire vers l’autonomie… Bref, c’est un peu dûr, mais j’aime mon métier, je l’aime vraiment donc j’y met du coeur !!!

Flo & Yo - Quel est ton regard sur ton métier d’infirmière en Belgique ?
Louisa - C’est un chouette métier je pense. J’ai eu l’occasion de bosser en banque, dans une boîte d’intérim puis sur des plateaux de cinéma et je trouve qu’on a un métier très enrichissant ; d'autant si on le fait bien et si on prend le temps de réfléchir à notre pratique professionnelle et notamment à notre rôle propre.
Après c’est sûr, ce n’est pas facile tous les jours et je pense qu’il y a une partie de sacrifices personnels qu’on n’imagine pas toujours en choisissant ce métier. Je parle des horaires lamentables, du salaire ridicule, de la reconnaissance inexistante, du manque d’effectifs, de la désorganisation de beaucoup de structures…
Mais n’oublions pas les avantages, même si beaucoup ne partagent pas mon avis... Je trouve qu’on a une super formation, très complète. On est quand même des professionnels très polyvalents même si, je suis d’accord, rajouter une année ne serait pas du luxe. Et puis à l’hôpital on a du bon matériel, des équipes, des paramédicaux sur lesquels on peut compter (kinésithérapeutes, ergothérapeutes, diététiciens…) et en plus j’ai l’impression que la nouvelle génération de médecins à réellement conscience de l’importance des infirmières et ça, mine de rien, ça fait du bien au moral !

Flo & Yo - Comment est venu le cheminement de ton expatriation ? Pourquoi cette ville ?
Louisa - Mon compagnon est Togolais. Lui aussi est engagé dans le développement mais au niveau de l’éducation, c’est donc tout naturellement que nous avons choisi cette voie de l'engagement humanitaire au Togo.

Flo & Yo - Comment s’y est passé ton intégration ? Quelles ont été les difficultés ?
Louisa - Je ne suis toujours pas sûre d’être bien intégrée au Togo. Je pense qu’il y a certaines barrières qui ne tomberont jamais. Je peux faire ce que je veux, je ne serais jamais togolaise et ce n’est d’ailleurs pas mon but. Pour moi ce qui est important c’est que mon interlocuteur ne soit pas vexé ou embarrassé par ma présence ou mes façons de faire. Et cela autant dans ma pratique des soins infirmiers que dans ma vie quotidienne. Ma technique est donc d’observer les personnes de mon âge : je regarde ce qu’elles se permettent de faire, ce qu’elles ne font pas et j’applique (comme la façon de s’habiller ou la façon de s’asseoir). Ensuite, au niveau de ma pratique professionnelle, j’en parle beaucoup avec les infirmières togolaises et je fais des recherches. Maintenant mon nouvel objectif c’est d’apprendre la langue éwe (majoritaire dans le sud Togo) : là c’est vraiment un autre challenge !
La plus grande difficulté que j’ai rencontrée réside dans le fait que les Togolais ne vous disent pas ce qui est admis ou non (sûrement par politesse), ils vous laissent faire et c’est parfois à vos dépends. Autre difficulté : les nombreux préjugés de certains sur les Blancs (les « yovo ») qui sont très difficiles à vivre (en tout cas pour moi), surtout que je subis déjà en Europe des préjugées sur les Noirs et les Arabes...

"Je ne suis toujours pas sûre d’être bien intégrée au Togo. Je pense qu’il y a certaines barrières qui ne tomberont jamais. Je peux faire ce que je veux, je ne serais jamais togolaise et ce n’est d’ailleurs pas mon but".

Flo & Yo - Qu’est ce qui t’as surprise dans la manière de soigner au Togo ?
Louisa - Sans hésiter la prise en charge de la douleur qui est juste inexistante ! J’ai vu un homme se faire recoudre à vif : la douleur était tellement insoutenable qu’il a convulsé de douleur, le pauvre homme. Mais je pense qu’il y a deux facteurs importants : le premier qui est un manque de matériel et l’autre qui est culturel. N’empêche il y a encore du boulot…

Flo & Yo -Tu réalises des collectes pour quel genre d’association ? leurs buts ? Leurs missions ?
Louisa - Je collecte surtout du matériel médical (ça m’arrive aussi de ramener du matériel scolaire) que je redistribue en direct aux dispensaires que je rencontre au fur et à mesure de mes activités sur place. En ce moment, j’aide un dispensaire qui a pour particularité de ne pas faire de bénéfices sur les soins prodigués. Il est dirigé par une infirmière, un infirmier, un médecin et deux sages-femmes. Ils essayent (parce que pour l’instant ils n’ont pas du tout de matériel) de prodiguer des soins à prix coûtant pour que ce soit le plus accessible possible. J’aime beaucoup la démarche parce qu’aujourd’hui, malheureusement, les frais de santé sont, pour beaucoup de Togolais, trop élevés et cela les oblige à y renoncer ou à reporter la consultation.

Flo & Yo - Comment se passent tes collectes, que ramènes-tu là-bas ?
Louisa - Pour la collecte de matériel, je démarche le plus de partenaires possibles (hôpital, pharmacie, parapharmacie). C’est très difficile et l’aide que je reçois est souvent anecdotique, mais c’est mieux que rien ! Tout ce que je trouve, je prends. Je ne fais pas la difficile. Souvent c’est un service qui se débarrasse d’un type de matériel. Par exemple, récemment, j’ai récupéré un grand sac d’aiguilles neuves qui était une erreur de commande. Lorsque j’ai des demandes particulières vraiment urgentes et que je ne trouve rien en dons, je fais alors une collecte dans mon entourage et auprès des volontaires que je connais pour acheter ce dont j'ai besoin. Pour ce qui est du transport, comme c’est beaucoup de petit matériel, il voyage avec moi en avion : c’est le plus sûr pour éviter les vols et la dégradation.
Souvent, je recherche du petit matériel de soin réutilisable : il y de gros besoins en antiseptiques et en compresses, en gants, en aiguilles, en seringues, en tubulures, en poche de chlorure de sodium… En ce moment j’ai une demande très urgente en matériel de contrôle de la glycémie (donc bandelettes et lecteurs) et en languettes pour contrôler la présence de protéines dans les urines (détecter les pré-eclampsies chez la femme enceinte). A bon entendeur salut !

Flo & Yo - Et pour la distribution, comment cela se passe-t- il ?
Louisa - En fonction du matériel récolté, je le partage entre les différents partenaires pour que les besoins les plus urgents soit couverts. Une fois distribué, j’assure le suivi : je vérifie que les professionnels savent se servir du matériel puis, à chaque fois que je reviens, je regarde s'il est utilisé correctement. Si j’ai un doute, je n’hésite pas à apporter des précisions et je me réserve le droit d’arrêter de travailler avec une structure dans le cas où les consignes ne sont pas suivies.

Flo & Yo - Concrètement, comment peut-on t’aider ?
Louisa - Soit en récupérant du matériel et en me faisant confiance pour le redistribuer (je prends également les contributions financières), soit en vous rendant également sur place pour donner un peu de votre temps en tant que bénévoles. Mais d’abord, et avant tout, en ayant conscience de cette réalité et en la gardant à l’esprit quand vous pratiquez votre profession pour avoir conscience de la chance que l’on a….

Flo & Yo - Je suppose que la religion occupe une grande place dans la manière de soigner, peux-tu nous en dire plus ?
Louisa - Effectivement le Togo a une population très croyante. Les traditions animistes (polythéiste du type vodoo) sont présentes à côté d’une foi monothéiste (catholique protestant et musulman).  Cela suppose donc beaucoup de tact quand on aborde cette question avec les patients. C’est lors des accouchements que la religion prend une grande place. On traite le placenta de façon très respectueuse et il reçoit un traitement particulier. Pas question de le jeter à la poubelle, il convient de bien se renseigner à qui le donner ! Cependant, pour des questions de religion, les hommes soignants sont encore exclus pour certains soins.

Flo & Yo - As-tu ressenti des freins envers la population africaine dans le soin ? Envers les femmes africaines ?
Louisa - Cela m’est parfois arrivé. Certains ont l’impression que je connais moins bien mon métier et ne veulent pas que je leur fasse des injections mais cela reste anecdotique. Il faut donc le prendre avec philosophie… Par contre, j’ai un collègue masculin qui, lui, a rencontré plus de difficultés. Les femmes ne voulaient pas qu’il assiste aux consultations prénatales, qu’il effectue un toucher vaginal…. J’en ai parlé avec des infirmiers là-bas. Ils m’ont dit que s’il avait été noir cela aurait posé moins de problèmes. Ces questions sont complexes mais, avec du recul, j’ai déjà eu ce type de réactions en Europe aussi.

Flo & Yo – Concernant les normes d’hygiènes, y a t-il de grosses différences par rapport à la Belgique ?
Louisa - Oui. Mille fois oui. Sans eau courante dans les trois quarts des structures, ça rend nettement plus complexe le lavage des mains ! Mais aussi par rapport au matériel. Au Togo, une paire de gants ça se nettoie et ça se réutilise. Pas question de jeter. Pareil pour les aiguilles : celle qui sert à faire la préparation médicamenteuse est aussi celle qui injecte. Nous avons un gros flacon de sérum physiologique et tout le monde prélève dedans pour toutes les injections. On stérilise en flambant à l’alcool et ainsi de suite….

Flo & Yo - Quelles sont les différences qui t’ont surprise au niveau du soin ?
Louisa – Là-bas, les infirmières c’est un peu comme des médecins généralistes. Elles consultent, font les prescriptions et le suivi des patients, donc c’est déjà une approche différente. Côté matériel et antiseptiques, les soignants utilisent le bleu de méthylène, donc bonjour le suivi des plaies mais on fait avec les moyens du bord et c’est déjà ça. Ensuite, comme je l’ai dit plus haut, la gestion de la douleur, même au niveau d’un simple soin, n’est tout simplement pas prise en charge.

Flo & Yo - Un infirmier Français peut-il facilement travailler en Afrique, au Togo ?
Louisa - C'est une question difficile parce que tout dépend de son CV, de son expérience et du type de contrat qu’il recherche. Pour obtenir un vrai poste rémunéré, je pense que ce n’est pas évident. Mais honnêtement je n’ai encore jamais envoyé mon CV à un hôpital Togolais pour y être salarié donc je ne suis pas la mieux placée pour répondre.

Flo & Yo - Quels conseils donnerais-tu à un ESI ou à un infirmier qui souhaiterait travailler, faire un stage, ou du bénévolat au Togo ? Comment éviter les associations frauduleuses ?
Louisa - Il faut un peu de bon sens et avoir la notion des réalités : un mois de vie là-bas c’est 300 ou 350 euros pas plus, donc une association qui demande 1.000 euros doit éveiller les soupçons ! Ensuite, il est important de faire une enquête auprès des anciens volontaires pour voir comment cela se passe réellement : les locaux, la mission, les membres locaux... Vous pouvez aussi contacter l’Ambassade de France pour savoir s’il y a eu des plaintes, s’ils les connaissent, s’ils enregistrent bien leur volontaires. Il est utile aussi de contacter France Volontaires pour voir si l’association a suivi leur formation, si les missions sont fondées. Et surtout toujours garder son bon sens : ne pas envoyer l’argent à l’avance, avoir les coordonnées des autorités et d’une autre association sur place au cas où il y aurait un souci.

Flo & Yo - Et après, quels sont tes projets ? Tu souhaites aller où ?
Louisa - Dans un premier temps, j'ai envie de continuer mon action parce que je veux que ce soit du développement durable. Pour le moment, je visite un peu la sous-région. C'est ainsi que l’an passé je suis allée au Bénin, cette année ce sera le Burkina et peut être le Ghana et ainsi de suite. On verra bien où le vent me portera !

Nous remercions Louisa pour le temps qu’elle nous a accordé. Nous la félicitons aussi pour ses magnifiques photos ramenées du Togo. Nous lui souhaitons une bonne poursuite d’études et espérons que, dans un avenir proche, l’association Care Conception Through the World pourra faire une étape au Togo et rendre visite à UJPOD TOGO. Nous sommes très fiers de pouvoir faire connaître des personnes aidantes comme Louisa, des petites mains qui donnent de leur temps sans compter. Nous sommes aussi très fiers de leur donner un peu de visibilité grâce à notre association. Si vous avez des questions ou des demandes, il suffit tout simplement de répondre à cet article par le biais des commentaires ou directement sur le site de Flo&Yo et nous transmettrons vos doléances à Louisa.

Les photos qui illustrent cet article sont toutes de Louisa.

Flo & Yo - Deux soignants à la conquête du monde !

En novembre 2011, Yohan, 31 ans, aide-soignant et Florence, 28 ans, étudiante manip radio en 2éme année, férus de voyages et d'expériences insolites ont créé « Care Conception Through the World », une association loi 1901 dont le nom peut être traduit en français par « La conception du soin autour du monde ». Son but ? Réaliser des reportages photos et vidéos, à travers le monde, sur les différentes façons de concevoir le soin. En résumé : voyager, découvrir, et surtout partager avec la communauté soignante et même au-delà ! Ils nous ont présenté leur projet récemment sur Infirmiers.com, partenaire de leur aventure à venir.

Retrouvez l'intégralité de leur projet sur www.floetyo.com

Florence et Yohan MAUVE
Rédacteurs Infirmiers.com
contact@floetyo.com

Merci à Flo & Yo pour le partage de leur article.


Source : infirmiers.com