Crise sanitaire, vaccination, e-santé (notamment l’intégration au RPSS , effective depuis le 8 octobre), perspectives d’évolution de carrière… Après plus de 18 mois marqués par l’épidémie de covid-19, l’Ordre National des Infirmiers (ONI) tenait ce 12 octobre une conférence de presse pour faire le point sur l’actualité de la profession. Pas d’annonce, ni de calendrier précis, mais quelques perspectives et une volonté affichée de poursuivre le travail accompli.
On est à la croisée des chemins
. Patrick Chamboredon, président de l’Ordre National des infirmiers, a dressé un rapide bilan post-crise du Covid avant de se projeter vers l'avenir. Les infirmiers ont prouvé leur capacité de transformation
sur le terrain pendant la crise sanitaire, et la profession entend voir enfin les fruits des multiples négociations engagées sur les chantiers en cours.
Vaccination par les infirmiers, franchissement de la barre des 5 000 IPA, objectif fixé mais non atteint encore, à la fin du mandat d'Emmanuel Macron, renforcement urgent de l'attractivité du métier qui passera par une réponse aux attentes salariales (auxquels le Ségur a en partie accédé), mais aussi par la création de véritables perspectives d'évolution de carrière, dans le cadre d'une loi, ou encore la possibilité d'une prescription infirmière, qui ne pourra se faire que dans le cadre d'un décret de compétences, a listé, entre autres, le président de l'Ordre. Quant au Répertoire Partagé des Professionnels de Santé (RPPS), fichier de référence, nous sommes vraiment à l'aube de la bascule
, a commenté Patrick Chamboredon, se réjouissant d'une avancée très satisfaisante
pour l'Ordre infirmier qui rejoint à présent le même plan que les autres ordres
, en tant que guichet unique d'entrée des professionnels pour toutes leurs démarches
.
Ascenseur social : les infirmiers en mal de perspectives
Lorsque l'on devient infirmier, il existe des spécialités (IBODE, IADE, puériculteur), il existe maintenant la pratique avancée (IPA), mais pas d’évolution clinique générale
, a noté Patrick Chamboredon faisant par là référence à l'universitarisation de la profession
et rappelant au passage que 4 infirmiers sur 10 risquent de raccrocher la blouse
tant l'attractivité du métier fait défaut. Cette évolution clinique de la profession
, qui a tout son sens
, selon le président de l'ONI, aurait l'avantage de donner un horizon
aux infirmiers en faisant évoluer leur contexte de travail
, alors qu'1 infirmier sur 2 considère que la profession ne permet pas un vrai parcours ni une évolution de carrière satisfaisants
. S'appuyant sur les dernières consultations lancées par l'ONI auprès des infirmiers (70 000 d'entre eux ont répondu) depuis ces 18 derniers mois, il s'est attaché à égrener l'ordre des priorités pour les professionnels :
- Ils sont 98 % à prôner le renforcement du rôle des infirmiers dans la coordination ville / hôpital (c'est à dire, concrètement, la gestion du parcours du patient : ce qu'ils font déjà, estiment-ils),
- Ils sont 97 % à vouloir renforcer l'autonomie des infirmiers dans la prévention et l'éducation thérapeutique,
- 90 % (plus de 95 % parmi les libéraux) à désirer voir évoluer le décret d'actes vers un décret de compétences,
- 92 % à appeler de leurs voeux la reconnaissance de la consultation infirmière et de la voir formaliser,
- 91 % à souhaiter la reconnaissance universitaire,
- 86 % des sondés sont également favorables à ce que les infirmiers puissent pratiquer tout acte qui ne nécessite pas de diagnostic,
- 85 % à être favorables à positionner les infirmiers comme premier recours.
Par ailleurs, une majorité des infirmiers interrogés souhaiterait voir instituer officiellement des ratio infirmiers/patients spécifiques pour chaque service, aussi bien à l'hôpital qu'en Ehpad.
La présidentielle, incontournable marqueur de temps
Deux scénarii sont possibles, dont un que nous privilégions, a-t-il détaillé :
Soit nous obtiendrons quelque chose à minima qui se fera rapidement avant la présidentielle : avec l'ajout d'actes (on ne sait pas encore lesquels) au décret infirmier. Ce n’est pas notre attente. Soit un scénario plus ambitieux (notre choix) qui comprendra notamment une avancée sur le décret de compétence.
Il y a ces deux options sur la table et il doit y avoir un arbitrage par la DGOS
, a-t-il annoncé, sans entrer plus avant dans le détail. L'échéance de la Présidentielle ne doit pas, en tout cas, faire oublier les dossiers, a martelé Patrick Chamboredon qui entend résolument voir privilégié le second scénario, de plus grande ampleur
.
Passer d'un décret d'actes à un décret de compétences
La soutenabilité du système passera par ses acteurs
. Pour l'Ordre, les infirmiers étant des acteurs primordiaux du système de santé, ils doivent voir leurs compétences élargies. Un pari gagnant gagnant selon l'ONI (car il permettrait une prise en charge plus efficace du patient, car il résoudrait aussi, du moins en partie, le problème de l'accessibilité aux soins), qui prendrait cette forme : une prise en main, par les infirmiers, de tout ce qui n'exige pas de diagnostic, comme la vaccination, les soins relationnels (Covid long) et même, en allant plus loin, la possibilité pour ces professionnels de poser un diagnostic infirmier
, notamment dans le cadre de consultations thérapeutiques avec par exemple, l'éventualité de pouvoir proposer un plan de soins
au patient et de mener ce chemin de vie avec lui
. En clair, donner plus de lattitude aux infirmiers
soulagerait en partie le système de santé.
Il y a un véritable sujet autour de la question de la prescription
, a également noté Patrick Chamboredon. Quand, sur un territoire, il n’y a pas de médecin, comment l’infirmier peut-il prendre en charge des patients ? Nous n'avons pas le nombre d’IPA suffisant (un millier à ce jour) pour mailler le territoire. Les patients, au premier chef, ont besoin de cette prise en charge-là
. L'Ordre milite donc pour passer d’un décret d’acte (sous la forme d'une liste) à un décret de compétences (c'est à dire une zone d'exercice dans laquelle on peut réaliser plusieurs choses)
. Rappelant là encore les chiffres de la consultation ordinale : 3/4 des infirmiers constatent que la prescription médicale complique souvent l'accès aux soins
. Défendre ce point crucial
n'a donc rien d'une lubie
de la part de l'Ordre selon son président. C’est pourquoi il ne faut pas lâcher sur le scénario à minima envisagé par la DGOS. L’Ordre n’en veut pas. Il faut que l’on maintienne la pression sur ce point là. On est prêt du but
, a conclu Patrick Chamboredon.
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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