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EDITO – Dans le tourbillon de la folie au théâtre...

Publié le 16/09/2011

Le propos de la pièce « Autour de la folie » jouée actuellement au Lucernaire, à Paris, place le spectateur, non pas autour mais au cœur même de la folie. Une performance qui repose sur le travail de l'acteur unique Arnaud Denis. Pour cet édito de fin de semaine, alors que j'ai eu la chance d'assister à ce spectacle, je me réjouis de partager mon ressenti avec la communauté d'infirmiers.com Parisiens, courez-y, provinciaux de passage à Paris ne le ratez pas...

« La folie est souvent la logique d'un esprit juste qu'on opprime » nous dit Oliver Wendell Holmes, médecin et écrivain américain. Dans une pièce intitulé « Autour de la folie », partant de ce principe, le comédien Arnaud Denis, seul sur la scène du Lucernaire, à Paris, dans sa tenue blanche, entraîne le spectateur dans un tourbillon halluciné. Habité du début à la fin de ce que l'on pourrait considérer comme un long monologue, tour à tour possédé, distancié, halluciné, dérangé, dérangeant, effrayant, pathétique... il incarne un fou, des fous, ou plutôt « Le Fou », tant la densité de son travail rend le propos universel.

L'entrée en scène, bien qu'en langue anglaise, est parfaitement explicite pour embrasser le sujet. Arnaud Denis se glisse dans la peau d'un schizophrène, et explique ses symptômes : voix, angoisses, délire... Le comédien emprunte ensuite son texte, ardu, aux oeuvres de philosophes, humanistes, dramaturges, romanciers. La « Lettre d'un fou » de Maupassant, les « Mémoires d'un fou » de Flaubert, les « Chants de Maldoror » de Lautréamont, quelques poèmes de Michaux, un extrait du « Richard III » de Shakespeare, ou encore deux textes de Karl Valentin et même une chanson de Francis Blanche « ça tourne pas rond ». revisitée façon morbide...

La scénographie, minimaliste mais efficace, nous renvoie au plus près de cette sélection rigoureuse. Etude philosophique de la démence, réflexion nihiliste sur la destruction de l'humanité, bassesse des hommes, folie poétique... Arnaud Denis s'approprie les concepts, les réflexions désespérées des uns, les affirmations désabusées et les prédications démoniaques des autres, les visions à court terme ou définitives sur l'état du monde et, en son sein, l'Homme, souffrant. Qui détruit qui pourrait-on se demander ? « Une clarté est entrée en moi et cette clarté y a fait la nuit »...

Paranoïa, mythomanie, psychopathie, l'acteur devient « fou » sous les yeux du spectateur, médusé devant tant de talent. Tremblements, rictus, sussurements, rire de gorge, sanglots étouffés, cris rauques, regards épouvantés ou hypnotiques... rien n'est excessif et le dosage en effets particulièrement réussi. Entre deux textes, ponctués de jeux de lumière alternant lumière crue, lampes rouges, obscurité totale, le spectateur s'inquiète, s'étonne, mal à l'aise tout à coup de tant de proximité avec la folie ordinaire... « Tout monologue est un dialogue avec soi-même », même si le personnage s'adresse à plusieurs interlocuteurs au long de la représentation : à lui même, à des personnages invisibles (médecin, psychiatre...), au public lorsque le texte se veut diatribe exaspérée. Parce que le théâtre ne se fait pas par écrit, qu'il se donne à voir, courez voir ce spectacle exigeant, que vous vivrez comme un étonnant voyage dans les affres de l'âme humaine. Vos sens, en éveil, seront mis à rude épreuve... C'est sens dessus dessous que vous retrouverez l'air libre après une petite heure passée en compagnie d'Arnaud Denis qui déplie son incessant monologue comme un thriller psychologique.

Jusqu'au 16 octobre 2011 du mardi au samedi à 20h, les dimanches à 17h, Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris ; www.lucernaire.fr

Bande annonce à visionner sur : http://www.visioscene.com


Bernadette FABREGAS
rédactrice en chef izeos
bernadette.fabregas@izeos.com


Source : infirmiers.com