La formation continue est une obligation pour tous les professionnels de santé. Depuis 2012 l’obligation annuelle du Développement Professionnel Continu (DPC) concerne les paramédicaux, et notamment les infirmiers. Que doivent-ils en attendre ? Beaucoup au regard de cette revue de la littérature internationale publiée par la Haute Autorité de Santé dans le cadre d’un dossier de rentrée très complet sur la question.
En 2009, un département universitaire en soins infirmiers australien a publié une revue1 des études de l’effet du Développement Professionnel Continu (DPC) sur la pratique du personnel soignant. Dix-neuf études (portant souvent sur de petits effectifs) avaient été sélectionnées. Quatre d’entre elles seulement comportaient un groupe témoin, mais aucune n’avait organisé de randomisation, et 15 ont fait une comparaison « avant-après » : l’absence d’étude scientifique rigoureuse, certes difficile à mettre en place, reste aujourd’hui le gros défaut de la littérature sur le sujet.
La durée des programmes s’est avérée très variable, allant d’une session de 3h à une organisation sur 4 semaines (les auteurs insistent cependant sur le fait que les plus récents se stabilisaient à au moins 16 heures, ce qui leur semblait un minimum consensuel). Tous en revanche (quelle que soit leur origine : américaine, australienne, canadienne, mais aussi italienne et guatémaltèque) comportaient à la fois des conférences magistrales et des études de cas interactives.
En ce qui concerne l’objectif de l’apprentissage, ces programmes pouvaient être répartis en trois groupes :
- six visaient une mise à niveau des connaissances et ont objectivé une amélioration significative sur ce point ;
- cinq cherchaient davantage une amélioration de la compétence pratique (connaissances et leur application) : 3 ont mis en évidence une amélioration des pratiques, tous une meilleure confiance en soi et une amélioration de la perception des objectifs de pratique ;
- d’autres ont évalué (et ont constaté) l’amélioration du comportement dans la pratique.
Parmi les tâches qui incombent souvent, en première ligne, au personnel soignant, il y a la prise en charge des malades en soin palliatif, notamment en fin de vie. Une étude2 a cherché à faire le point des programmes de DPC sur cette activité dans une population particulière, celle des infirmières des contrées rurales, chez qui on pouvait craindre plus de difficultés pour le maintien d’une « mise à niveau ».
Cette étude a fait le point de la littérature anglo-saxonne dans ce domaine et n’a pu sélectionner que 10 articles (encore, sans aucune étude comparative permettant d’extraire des avis définitifs). Cependant, certaines remarques intéressantes, qualitatives notamment, ont pu en être tirées. Globalement, la participation et l’intérêt des professionnels pour participer à des programmes de DPC sur ce thème sont plutôt bons, mais à condition que les objectifs d’apprentissage soient bien ciblés et cohérents avec leur pratique et leur attente, et qu’ils se sentent soutenus par leur hiérarchie. S’il n’y a pas de modalité particulièrement plébiscitée, les programmes reposant sur des technologies modernes (utilisant notamment les vidéoconférences et internet) sont plutôt bien appréciés, mais posent parfois des problèmes d’accessibilité dans certaines régions rurales. Parmi les facteurs limitant mis en exergue par les professionnels participant, on peut relever les coûts financiers et le manque de temps.
Ces programmes améliorent-ils la condition des malades ? Une seule étude a montré des améliorations de certains items (contrôle des symptômes, usage des médicaments, attitudes auprès des mourants par exemple), mais dans une comparaison « avant-après » sans groupe témoin.
A propos des nouvelles technologies, un intéressant article a rapporté3 les impressions très positives d’infirmier(e)s américain(e)s utilisant un réseau social (« listserv ») dans l’esprit du DPC, faisant ressortir que la notion d’entraide incite à l’échange, à la réciprocité, mais aussi à chercher à se maintenir au niveau pour pouvoir épauler les confrères qui ont précédemment apporté leur aide, à l’altruisme et au respect de l’opinion des autres. A l’heure où ces réseaux sont devenus des partenaires quotidiens des relations sociales, une réflexion est peut-être nécessaire pour les utiliser à bon escient…
Dans l’univers chirurgical (ou péri-opératoire), une étude qualitative anglaise4 s’est intéressée aux conséquences du DPC des infirmières sur la relation interprofessionnelle, souvent marquée par une forte dimension hiérarchique dans les blocs opératoires. L’étude, qui se voulait comparative avec un groupe non encore entré dans le DPC (mais il n’y en eût aucun volontaire), a concerné 23 sujets d’un même gros centre hospitalier régional. Sans trop analyser les éventuels progrès obtenus par les professionnels en termes de compétence, elle a permis de mettre en évidence un important gain en confiance en soi, qui a amélioré les relations avec le monde médical, les infirmières osant poser des questions pour soulever des anomalies dans les comportements. Les auteurs en concluent intuitivement (sans avoir le moyen de le prouver) à un probable effet positif sur la prise en charge des opérés.
Et que pensent finalement les infirmières du DPC, tel en tout cas que les britanniques en ont vu les premières applications ? Une étude londonienne5 a recueilli les réponses à 5 questions précises : elle est très intéressante du fait de la richesse des réponses personnelles à des questions « ouvertes » et du nombre de l’effectif (451).
Voyons quelques réponses illustrant les avis les plus fréquents…
Le DPC, à quoi sert-il ? « Il aide les infirmières à se tenir à jour et évite des erreurs dangereuses pour les malades » ; « il est vital pour moi, personnellement et professionnellement, et apporte des bénéfices sur les deux plans ».
L’accès au DPC ? Il n’est pas encore assez aisé pour tous : il y a une grande inégalité, parfois par manque de ressources, parfois aussi parce que la hiérarchie met des freins, ou ne s’investit qu’en apparence...
Quelles méthodes ? Il n’y en a pas qu’une seule ! Les méthodes très scolaires (séances de cours universitaires) sont d’une manière générale peu appréciées, apparaissent comme faisant perdre du temps, pas toujours pertinentes par rapport aux besoins. Beaucoup privilégient « l’apprentissage sur le tas », au travail. Les besoins, du reste, sont différents entre une novice et une infirmière « senior ».
L’équilibre de vie ? C’est une réclamation essentielle : le DPC ne doit pas empiéter sur la vie personnelle : un déplacement pour un séminaire en dehors du temps de travail semble mal accepté par beaucoup.
Le rôle de la hiérarchie ? Il est fondamental. Les responsables qui s’investissent en encourageant leur personnel à se perfectionner sont particulièrement appréciés.
Voici de quoi s’inspirer, n’est-il pas ?...
- Remerciements à Emmanuelle Blondet (service documentation - HAS) pour sa précieuse aide bibliographique.
- Cet article est issu du dossier DPC & PRATIQUES – n° 67, publié par la Haute Autorité de Santé en septembre 2012. Dossier en ligne.
Notes
- Liu W-I et al. Review of continuing professional education in case management for nurses. Nurse education today 2009 ; 29: 488-492.
- Phillips JL et al. Continuing professional development programmes for rural nurses involved in palliative care delivery : an integrative review. Nurse education today 2012; 32: 385-392.
- Khe Foon Hew, Hara N. An online listserv for nurse practitioners : a viable venue for continuous nursing professional development ? Nurse education today 2008; 28: 450-457.
- Tame SL. The effect of continuing professional education on periopertive nurses’ relationsips with medical staff : findings from a qualitative study. Journal of advanced nursing 2012 doi: 10.1111/j.1365-2648.2012.06065.x.
- Gould D. et al. Nurses’experiences of continuing professional development. Nurse education today 2007; 27: 602-609
Pr Philippe CASASSUS
Service évaluation et amélioration des pratiques – Haute Autorité de Santé
p.casassus@has-sante.fr
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