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Diabète gestationnel : 300 futures mères télésuivies à domicile

Publié le 06/10/2011
diabete gestationnel femme enceinte

diabete gestationnel femme enceinte

Dossier thématique diabète

Dossier thématique diabète

Confrontées à un afflux de femmes enceintes, les équipes des hôpitaux Européen Georges Pompidou et Necker (AP-HP) ont imaginé, sous l’impulsion du Pr. Jean-Jacques Altman1, un programme de télésuivi à domicile pour les futures mères présentant un diabète gestationnel. Un article publié le 16 septembre dernier dans le webzine de l'AP-HP - que nous remercions pour cette autorisation de reproduction - nous éclaire sur le sujet.



Le Pr. Jean-Jacques Altman a mis en place un programme de télé-suivi à domicile de femmes enceintes présentant un diabète gestationnel. En renforçant le contact et la fréquence du suivi, il permet de prévenir les complications potentiellement graves de cette pathologie1. Le Pr. Altman, responsable de l’unité fonctionnelle « Diabétologie, nutrition et endocrinologie » à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP), s'en explique.

Le diabète gestationnel est-il plus fréquent ?

Si, en matière diagnostic, les recommandations évoluent régulièrement, il y a un consensus scientifique international sur la nécessité de mieux le rechercher, donc sa fréquence apparente va augmenter. Elle augmente aussi en valeur absolue parce que les femmes enceintes sont en moyenne plus âgées et davantage en surpoids, deux facteurs de risque majeurs avec les antécédents familiaux de diabète de type 2. Totalement asymptomatique, Il faut donc le rechercher pour le trouver, y compris en médecine de ville.

Quels sont les risques ?

A court terme, l’enfant a un risque d’être macrosome, de poids supérieur à 4 kg à terme, ce qui peut entraîner des difficultés obstétricales en cascade, et une morbidité importante (blessures) mais heureusement pas de mortalité. Pour la mère à court terme, outre le risque de césarienne, il y a un risque majoré d’hypertension gravidique voire d’éclampsie, des complications graves. A moyen/long terme, message très important, 30 % à 50 % de ces femmes vont développer un diabète de type 2. Le diabète gestationnel en est le facteur prédictif le plus important.

C’est pourquoi il faut continuer à suivre la maman fréquemment au cours des premières années après la grossesse pour les aider à lutter contre le surpoids. Quant au bébé, il cumule 3 facteurs de risque : le risque héréditaire, celui des mauvaises habitudes alimentaires familiales et le rôle délétère de l’environnement fœtal hyperglycémique qui prédispose à l’obésité et ses complications métaboliques. Sans culpabiliser les mères, il est très important d’attirer leur attention sur ce dernier point pour les motiver.

Comment est né le projet de télé-suivi ?

Le projet est né en 2006, notamment parce que nous étions débordé par l’afflux de patientes : nous collaborons avec la maternité de l'hôpital Necker et cette organisation permet de suivre beaucoup de patientes. D’ailleurs le service fonctionne en été alors même que l’hospitalisation classique est fermée. Nous organisons une séance initiale avec au maximum 10 patientes, avant de mettre en place un système de télésurveillance et de courriel pour le suivi.

Les patientes bénéficient d’informations sur le diabète gestationnel, causes, conséquences, prise en charge, formation à l’auto-surveillance glycémique et diététique. Nous suivons déjà 160 patientes cette année, 300 d’ici la fin de l’année. Ceci correspond au taux de 10 % de diabète gestationnel observé dans la population puisque Necker voit 3000 à 3500 grossesses par an.

Que permet de faire le système ?

Le critère initial est l’optimisation du temps médical et paramédical. J’ai eu l’idée de leur envoyer un tableau Excel ou elles inscrivent leurs résultats, puisque la prise en charge repose sur l’auto-surveillance glycémique qui reflète l’efficacité ou non du régime alimentaire. Mais le système a beaucoup d’autres vertus : il évite les déplacements de femmes enceintes, et renforce le lien puisqu’elles peuvent échanger avec nous trois fois par semaine, alors que les consultations classiques étaient au mieux bimensuelles. Malgré la « froideur » de l’outil, le contact interactif est plus fréquent et augmente finalement la chaleur du lien.

Le système permet ainsi de mieux soigner, décider plus vite, mieux organiser, rassurer, éduquer et aussi maitriser les coûts. L’avantage est majeur car les prises en charges classiques sont de un à deux jours en hôpital de jour. L’autre économie porte sur les coûts de transport. En moyenne nous avons 10 courriels par patiente, jusqu’à 25. Cela évite autant de consultations. La dimension éducation thérapeutique est majeure et renforcée à travers des lettres ou des flashs d’information et le lien permanent au site du service : www.hegp.fr/diabeto

Sait-on ce que coûte cette activité ?

Le décret de télémédecine est paru il y a quelques mois et le cadre reste à préciser par d’autres décrets. L’activité doit être reconnue et recensée pour permettre une approche médico-économique précise. Pour l’instant le coût est virtuellement de « zéro », puisqu’il s’agit d’échanges de courriels soutenus par notre énergie. Même valorisé, cela restera considérablement moins cher que la prise en charge classique.

Quelles améliorations sont souhaitables ?

La télétransmission des données sera entièrement sécurisée à terme ; la loi va en préciser les dispositions techniques. Une application « clé en mains » pourrait être utilisée par toutes les équipes obstétrico-diabétologiques. Cela génèrera un surcoût minime par rapport aux économies que le système permet de réaliser, avec une sécurité qui est conservée, voire renforcée.

La population atteinte de diabète gestationnel a des caractéristiques similaires, des critères diagnostics semblables, une prise en charge homogène, des objectifs thérapeutiques identiques, c’est donc un modèle idéal pour une approche télé-médicale, contrairement au diabète patent de type 1 ou 2 ou les considérations médicales et psycho-socio-culturelles imposent des thérapeutiques hautement personnalisées.

• D’après un article de Jocelyn Morrisson publié le 16 septembre 2011 dans le webzine de l’AP - HP

Notes

1. Source : Altman J.J., Prise en charge de la femme dont le diabète est découvert pendant la grossesse : le diabète gestationnel,

Jocelyn MORRISSON
Webzine AP-HP


Source : infirmiers.com