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Des soignants flashés à plus de 200 km/h en plein boulot !

Publié le 09/07/2012

Nous n’avons plus le temps pour rien ! Les journées de travail passent trop vite et le temps imparti aux soins se trouve de plus en plus compressé. Le temps passe trop vite ! Enfin, le temps lui n’a pas vraiment changé de vitesse…, par contre nous, nous avons tenté d’optimiser ce temps en accélérant notre rythme et en développant des techniques censées nous en faire gagner. Le paradoxe faisant qu’à chaque minute gagnée par une nouvelle technique, il faille optimiser la dite minute…

Il se passe un truc ! Essayons de poser les choses trois secondes (oui, je sais, on a pas le temps ! Tant pis, on essaye quand même…). Qu’est ce qui fait que nous sommes tous d’accord pour trouver que tout va trop vite et qu’en même temps nous acceptions d’accélérer encore un peu ?
Plutôt que « vite et à peu près » il nous appartient désormais de penser le « moins vite et beaucoup mieux ».

Convoquons quelques autorités pour argumenter l’affaire… La technique est censée nous faire gagner du temps, mais cette technique est piégeuse et Martin Heidegger nous dit que la technique est le moyen pour l’homme non seulement de dévoiler la nature mais encore de l’arraisonner. L’essence de cette technique nous pousse dans un « Gestell », c'est-à-dire un système utilitariste qui provoque la nature et la somme de comparaître. En bref, nous développons des techniques pour utiliser la nature et atteindre nos propres fins, mais nos désirs ne cessent de croître. Aujourd’hui, quand nous gagnons du temps grâce à la technique, nous mettons ce temps à profit pour diminuer le retard que nous avons pris… Plutôt que de prendre notre temps, nous le subissons de plus en plus. L’« urgent » et l’« important » se confondent, tout devient prioritaire.

Plutôt que « vite et à peu près » il nous appartient désormais de penser le « moins vite et beaucoup mieux »

La visée de l’excellence, la visée d’une vie bonne avec et pour autrui dans des institutions justes résonne encore comme un idéal philosophique mais qu’il faut opposer aux contraintes de la vraie vie. Les soignants ne sont pas exclus de cette spirale et le sentiment de « bien faire son job « s’érode. Il est devenu primordial de retrouver du sens ensemble. La pire des choses qui pourrait nous arriver serait de nous cloisonner dans des logiques individuelles. Les contraintes institutionnelles impactent les pratiques professionnelles et tendent à catégoriser les tâches et à éloigner les acteurs de soins les uns des autres et pire, les éloigner des patients eux-mêmes. Les médecins se retrouvent de plus en plus souvent seuls à faire les visites, les binômes de soins IDE/AS sont très difficiles à maintenir et tous ces éloignements participent à défaire des liens nécessaires. La tentation serait alors de se satisfaire de la médiocrité mais c’est justement ici que les dernières ruines du sens s’effondre. N’oublions jamais qu’un soin c’est ce que l’homme peut offrir de meilleur ! Alors un soin qui serait de l’ordre du moindre mal pourrait faire figure de bien MAIS ne sera jamais un bien en soi !

Aristote dit qu’un moindre mal fait figure de bien eu égard à un mal plus grand, néanmoins il reste un mal en soi ! Par conséquent une démarche éthique doit rassembler les acteurs de soins autour d’une visée du meilleur possible contre la médiocrité d’une visée du moindre mal qui serait imposée par le manque de temps. Un soin médiocre est un oxymore car un soin se doit d’être excellent et rien de moins.

Un soin médiocre est un oxymore car un soin se doit d’être excellent et rien de moins.

La triade du temps dans l’Antiquité déclinait le temps entre Chronos, Kaïros et l’Aïon, trois termes qui distinguaient le temps qui passe, le temps opportun et le temps infini. L’art du Kaïros (moment opportun) était enseigné dans la médecine hippocratique et galénique, peut-être aurions-nous besoin de renouer avec le sens d’un temps professionnel ? Avant de devenir totalement asynchrone une re-liance avec la nature des choses peut nous sauver sans pour autant perdre de vue la visée d’excellence, bien au contraire ! « Sans doute, le temps est ainsi venu d’y penser, non pas le temps d’un instant fugitif, mais d’y réfléchir pendant une durée suffisamment déployée jusqu’à ce que se profile, à l’horizon, la consistance d’un futur. » Comme pour le théâtre classique il faut appliquer la règle des trois unités : un temps précis pour se retrouver - un lieu dédié - une action ciblée. La vertu de cette démarche s’inscrit dans l’habitude, la rigueur et la nécessité.
En attendant, merci d’avoir pris le temps de lire cette chronique (étymologiquement : qui s’inscrit dans le temps). C’est déjà une forme de résistance !

Christophe PACIFIC
Directeur des Soins, Docteur en philosophie
Toulouse
christophe.pacific@orange.fr


Source : infirmiers.com