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De la suppression de l'AFDEF à la fin d'un rêve

Publié le 13/01/2011

Demandeur d’emploi, Clément voulait devenir infirmier. Mais la suppression de l’AFDEF (allocation financière) signe la fin de son espoir.

Ce texte a été discuté et validé par les membres du groupe Facebook « Étudiants infirmiers poleurs : fin du financement des études! »

La crise, le chômeur et la phrase choc

Ce n'est un secret pour personne, la crise, si elle ne fait plus la une des journaux, est toujours omniprésente dans notre vie quotidienne. Pour nombre d'entre nous elle est telle un spectre qui paralyse les envies et la confiance en le lendemain. Comme moi, beaucoup ont subi un licenciement et peinent à retrouver le moral.

Qu'à cela ne tienne ! Il y a quelques temps, Monsieur X (homme politique de premier plan) a estimé que « le licenciement est trop souvent vu comme un échec alors qu'il peut s'agir d'une formidable opportunité ». Une sortie pour le moins osée en pleine période d'explosion des chiffres du chômage et de la précarité qui en résulte...

A ce moment là, Monsieur X, l'opinion vous exècre, vous, votre insolence et votre mépris. Mais moi, finalement, je vous ai compris... Plutôt que de continuer à pointer au Pôle Emploi en attendant naïvement un CDI qui n'arrivera jamais, je vais prendre mon courage à deux mains et commencer à travailler sur un nouveau projet professionnel.

Une opportunité favorisée par les dispositifs d'aide

Rapidement une idée m'apparait comme une évidence. J'étais dans le travail social et j'allais devenir infirmier ! L'humain au cœur du métier, mes valeurs et mes envies seraient sauvegardées. A la réflexion, et pour avoir longtemps côtoyé des IDE, je vais même jusqu'à me dire que je m'épanouirais plus dans cette nouvelle voie. Et puis, cette fois-ci, pas de risque de chômage !

Reste une question en suspens, et pas des moindres : celle de la manière dont je vais vivre pendant les trois ans de formation sans revenus... Mais là encore - nos politiques sont décidément très forts - il existe une solution miraculeuse à mon problème : l'AFDEF (Allocation en Faveur des Demandeurs d'Emploi en Formation).

Le principe est simple et efficace. Si vous êtes demandeur d'emploi en cours d'indemnisation et que vous entamez une réorientation vers un métier déclaré « en tension » sur votre département (ce qui est bien sûr le cas de la profession d'infirmier), vous verrez vos allocations maintenues durant toute la formation et ce, même si vous aviez écoulé la quasi-totalité de vos droits.

Le plaisir de retrouver une raison d'être

Je peux donc consacrer sereinement les mois à venir à la préparation de mes concours et à la réalisation de stages d'observation pour crédibiliser un peu plus mon choix. Je retrouve un sourire et un enthousiasme que je n'avais plus eus depuis bien longtemps. Merci Monsieur X, vous aviez bel et bien raison ! Il aurait été navrant de rater cette opportunité...

Les choses avancent et je suis tellement motivé que l'idée de retrouver un travail dans le « social » ne m'intéresse même plus. Je me rend toutefois à un entretien d'embauche pour la « bonne conscience », mais finis par me désister avant même d'avoir eu les résultats. C'est sûr, cette nouvelle voie est faite pour moi...Je suis serein et je dors bien.

Grandeur et décadence

Seulement voilà ! 2010 a été un millésime cataclysmique pour les finances publiques et les caisses sont plus vides que vides...

1er Janvier 2011 : Bonne année ! La nouvelle loi de finance, elle, n'a pas la gueule de bois et taille avec une virulence déconcertante tous les budgets, en particulier celui du travail et de l'emploi. Parmi les mesures visées : l'AFDEF.

Le verdict est sans appel : cette allocation est purement et simplement supprimée. Toute entrée en formation après le 31 décembre 2010 ne se verra plus attribuer cette aide.

Et maintenant Monsieur X ? J'en fais quoi de mon opportunisme ? C'est vous qui me verserez une bourse ? Et tout le temps que je viens de perdre ? Et le préjudice moral lié à ma profonde désillusion ? Est-ce à vous, pour votre manque de transparence sur vos intentions, ou à mon conseiller Pôle Emploi, pour avoir validé mon projet, que je dois réclamer des dommages et intérêts ?

Pour Aurélie, la catastrophe

Je ne suis pas un cas isolé, des tas d'autres personnes m'ont apporté leurs témoignages. Pour certains cette décision est seulement grave, pour d'autres, elle relève de la catastrophe.

C'est, entre autres, le cas d'Aurélie, 30 ans. En 2007, mal dans son travail, elle choisit de faire un bilan de compétences, lequel l'amène vers le métier d'infirmière. Elle passe par une « prépa » et gagne son billet pour une rentrée en février 2009. Étant enceinte, l'école refuse finalement son inscription et lui propose un report de scolarité à 2010.

Elle accepte mais, entre temps, son conseiller Pôle Emploi lui indique, à tort (elle ne le saura qu'après), qu'elle ne dispose pas de droits suffisants pour prétendre à l'AFDEF. Courageuse, elle demande un nouveau report de scolarité jusqu'en 2011 pour refaire le « plein » de droits en travaillant là où elle peut. Le projet voit enfin le bout du tunnel et est validé par Pôle Emploi... Jusqu'au vote de la loi de finance 2011.

Résultat ? Deux enfants à charge, trois ans de perdus, une dynamique positive brisée et un avenir qui bascule sans préavis.

Des questions qui appellent des réponses

Sincèrement Monsieur X, comment vous et vos collègues législateurs osez dire que ces aides n'ont plus lieu d'être sous prétexte que le marché de l'emploi est en cours de normalisation ? Je ne suis pas certain que les Français partagent votre optimisme/cécité.

Vous qui êtes convaincu que la consommation est la clé de la croissance, pensez-vous réellement que grever les budgets des formations vers les métiers en manque de main d'œuvre soit une solution opportune et efficace ?

Par ailleurs, cette décision n'est-elle pas totalement décorrélée de la réalité de l'offre de soins sur le territoire ?

Après avoir songer à supprimer l'AFDEF en 2010, vous aviez eu la lucidité de revenir sur votre décision... Espérons qu'il en sera de même pour 2011. Faute de quoi, Monsieur X, vous casserez dans leur élan des demandeurs d'emploi remplis de bonne volonté et priverez le corps infirmier de toutes ses forces vives.

Clément RAPILLIARD
c.rapilliard@gmail.com


Source : infirmiers.com