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Covid et santé mentale : les troubles neurologiques et psychiques qu’il faut surveiller

Publié le 25/05/2021

Quels sont les impacts neurologiques du Covid-19 ? Quels troubles psychiques et psychologiques la crise sanitaire a-t-elle provoqués et comment peut-on les prendre en charge ? C’est à ces questions qu’a tenté de répondre France Assos Santé au travers de son récent webinaire sur la santé mentale en temps de Covid.

Le Covid provoque dans son sillage une multitude de troubles neurologiques et psychiques.

Le 20 mai dernier, France Assos Santé, l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, organisait un webinaire abordant la santé mentale en temps de Covid. Intitulé « Covid-19 et santé mentale : De décrochage social à la dépression, comprendre, s’adapter et prévenir les effets inconscients de l’épidémie sur notre santé mentale », ce point d’information a tenté de répondre à un certain nombre de questionnements soulevés par cette période de crise sanitaire. Troubles neurologiques provoqués par la maladie elle-même, conséquences au long terme, mais aussi apparitions de maladies psychiques dues au contexte épidémique et à ses contraintes associées… sont tout autant de questions de santé qu’il est nécessaire de prendre en compte dans le cadre de la prise en charge de la santé mentale.

Des symptômes neurologiques encore à l’étude

Le Covid-19 peut-il entraîner directement des troubles neurologiques ? En l’état, répondent les quatre intervenants, difficile de répondre précisément à la question en raison du manque de recul sur le virus. Les troubles mentaux liés à la maladie sont encore à l’étude, indique en préambule Constance Flamand-Roze, docteure en neurosciences et hypnothérapeute. On sait que le virus a toutefois un tropisme cérébral, précise de son côté le pédopsychiatre et biostatisticien Bruno Falissard, puisque, parmi ses symptômes, on retrouve la perte du goût et de l’odorat, directement liés au système neurologique. Néanmoins, si les données sur le sujet manquent encore, les patients ayant souffert d’une forme sévère du Covid-19 tendent à développer des symptômes de dégradation mentale plusieurs mois après leur contagion : troubles de l’attention ou de l’humeur, voire de la mémoire, fatigue chronique. Il existe des conséquences à long terme, qi provoquent ce que l’on pourrait traduire par les termes de "brouillard cérébral", avec de nombreux patients qui se plaignent de troubles de l’attention, notamment, alerte en effet Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé. « Le nombre de personnes déprimées ou anxieuses est par ailleurs plus important chez ceux qui ont été atteints par le Covid que dans le reste de la population générale ». Un constat que partage Pierre-Michel Llorca, professeur en psychiatrie à l’université Clermont-Auvergne et par ailleurs membre de la Fondation FondaMental. Nombreux sont les patients post-Covid qui présentent des tableaux dépressifs réels, qui ressemblent à des manifestations de stress post-traumatique. Des symptômes qui sont majoritairement dus aux conditions d’hospitalisation de ces malades, en particulier à leur passage en service de réanimation, et pour lesquels il est nécessaire de faire preuve de vigilance.

Des conséquences indirectes à ne pas négliger

Il y a effectivement des troubles psychiques liés au Covid-19. Et puis il y a ceux qui découlent de ses conséquences et de la période que nous vivons, prévient-il par ailleurs. La crise sanitaire a en effet eu un impact négatif non négligeable sur la santé mentale des Français. Santé Publique France, via son enquête CoviPrev, a noté une augmentation des troubles anxiodépressifs et du sommeil (problèmes d’endormissement, réveils nocturnes…), et des pensées suicidaires. Ces manifestations surgissent d’une part en raison des mesures de confinement et de distanciation imposées et de l’isolement qu’elles entraînent. Toutefois, elles sont également dues à un sentiment persistent de peur, généré et entretenu par le climat anxiogène provoqué par l’épidémie. La peur est certes une émotion normale, elle nous permet de nous adapter à notre environnement, explique Pierre-Michel Llorca. Mais elle engendre aussi beaucoup de stress. Eprouvée sur un temps long, elle augmente le risque de développer des pathologies psychiques, et d’autant plus chez les patients qui souffrent déjà de troubles psychologiques. Mais cette peur prend surtout sa source dans la possibilité de voir ses proches tomber malades. Chez les enfants, explique ainsi Bruno Falissard, elle apparaît comme le principal facteur de risque de décompensation anxiodépressif. Les enfants craignent pour leurs parents, beaucoup moins, voire pas du tout, pour eux.

De vraies maladies sont apparues dans le sillage du Covid-19

Autre facteur aggravant : la préexistence, avant le déclenchement de la crise sanitaire, de troubles psychiques. Plusieurs études réalisées dans le monde ont démontré qu’avoir consulté un professionnel en santé mentale six mois avant le début de l’épidémie constituait notamment un facteur de risques, explique Pierre-Michel Llorca, les personnes souffrant de troubles psychiques étant plus vulnérables aux impacts de la crise sanitaire. De même, l’isolement et le manque de stimulation ont causé chez les personnes âgées, et notamment celles atteintes de la maladie d’Alzheimer, un déclin cognitif ainsi qu’une recrudescence des symptômes de démence, comme le remarque Constance Flamand-Roze. Conduites addictives, troubles des conduites alimentaires, augmentation de la consommation d’alcool… l’épidémie a par ailleurs entraîné de manière généralisée le développement de troubles du comportement, chez les adultes comme chez les enfants. De vraies maladies sont apparues dans le sillage de l’épidémie de Covid-19, et il faut apprendre à les repérer, ajoute-t-il. « Nous manquons encore de données formelles, mais les retours du terrain indiquent une augmentation, notamment depuis le mois d’octobre et le deuxième confinement, des troubles dépressifs et alimentaires, surtout chez les enfants », souligne ainsi Bruno Falissard. En revanche, soulève-t-il, les jeunes patients atteints d’autisme semblent avoir mieux vécu la crise sanitaire : Lorsqu’un enfant souffre d’autisme ou d’hyperactivité, les problèmes surviennent généralement à l’école. Beaucoup de mes patients, par exemple, m’expliquent qu’ils ont pu mieux travailler car ils sont restés chez eux.

La persistance des pensées suicidaires doit alerter

Quelles solutions à envisager ?

L’entourage des personnes souffrant de troubles psychiques, spécifient les intervenants, est encore le mieux placé pour détecter l’apparition des symptômes de dégradation de la santé mentale. La persistance des pensées suicidaires, la propension à en parler, notamment, doit alerter les proches, insiste Pierre-Michel Llorca. Dans ce type de cas, il ne faut pas hésiter à encourager les gens à consulter un professionnel en santé mentale, conseille-t-il, ajoutant que déjà, en période hors Covid-19, le nombre de suicide s’élève à 10 000 en France chaque année. Mais encore faut-il que la filière en santé mentale puisse répondre aux demandes, ce qui, actuellement, n’est pas le cas, celle-ci étant complètement saturée. Et chez les enfants, cette saturation s’avère pire. Les consultations ont augmenté de 50 % alors que le nombre de pédopsychiatres a, lui, été divisé par deux sur les dix dernières années, déplore Bruno Falissard. La prise en charge est d’autant plus compliquée que la palette d’intervenants autour de l’enfant est vaste : infirmiers scolaires, pédiatres, médecins généralistes…. Les généralistes, par ailleurs, vers lesquels il peut être utile de se tourner en cas de souffrance psychique si l’accès à un professionnel en santé mentale se révèle difficile, voire impossible. Tout dépend toutefois de la relation que le patient entretient avec son médecin traitant, nuance Pierre-Michel Llorca. Certains sont très à l’écoute, d’autres sont peu sensibilisés au sujet.

En réalité, le principal facteur de protection, c’est le support social, la manière dont on prend soin des uns des autres, indiquent Bruno Falissard et Pierre-Michel Llorca, chez les enfants comme chez les adultes. Et d’insister sur le rôle primordial de l’accompagnement, aussi bien dans le cadre d’une démarche de soin que dans celle d’un retour progressif à la vie normale qui, pour certains publics fragilisés, peut s’avérer complexe. Certains adultes éprouvent des difficultés à sortir ou à retourner au travail. Quand l’état anxieux n’est pas directement provoqué par la pathologie de Covid, il vaut mieux s’exposer petit à petit au monde extérieur, conseille Bruno Falissard. Il s’agit de trouver un point d’équilibre entre les signaux d’incertitude qui demeurent et une démarche d’exposition progressive, abonde Pierre-Michel Llorca. Subsiste un point d’alerte majeur pour Jean-Pierre Thierry : Il existe d’énormes disparités – économiques, sociales – entre les populations. Les plus défavorisées, parce qu’elles sont plus exposées aux impacts négatifs de la crise, devraient être privilégiées et ciblées d’emblée, et ce d’autant plus qu’elles sont souvent éloignées des systèmes de soin.

Journaliste audrey.parvais@gpsante.fr

 


Source : infirmiers.com