Globalement, les Français se sentent bien informés sur les cancers, note le dernier baromètre de l’Institut national du cancer (INCa) portant sur 2021. Ils sont ainsi 67,7% à le déclarer. La vulnérabilité face à la maladie est également prégnante puisque 2/3 d’entre eux pensent courir le risque d’en développer un dans le cours de sa vie. Le tabac, premier facteur, est bien identifié puisque « plus de 8 personnes sur 10 déclarent que fumer du tabac provoque certainement l’apparition d’un cancer, en augmentation, par rapport à 2015 », note l’INCa. À noter que la prévalence du tabac a diminué depuis 2015, un quart de la population déclarant fumer quotidiennement. Mais cette réduction tend désormais à stagner.
Selon les données de 2015,
- 3,8 millions de personnes vivent avec ou après un cancer ;
- 383 000 nouveaux cas apparaissent chaque année ;
- 157 000 décès sont provoqués tous les ans par ces maladies ;
- 154 000 de ces cancers sont évitables, soit près de la moitié, en modifiant de « manière modeste nos modes de vie » : consommation de tabac, d’alcool, alimentation, lutte contre l’obésité, danger des UV…
- Le tabac est le premier facteur de risques et provoque 70 000 nouveaux cas et 46 000 décès par an, intervenant dans 17 localisations de cancer.
Des comportements individuels qui influent sur la perception
Mais la perception de ces facteurs de risques dépend de deux paramètres. Le premier tient aux comportements individuels. Les fumeurs, notamment, ont tendance à minimiser la dangerosité de leur consommation. Si les seuils de dangerosité sont de 9,2 cigarettes par jour (contre 12,6 en 2015) pour une durée de tabagisme de 13,4 ans en moyenne, « plus d’un fumeur sur 2 estime qu’au moins un de ces deux seuils est au-dessus de sa pratique », prévient ainsi François Beck. « Cette mise à distance des risques s’explique par les difficultés à sortir du tabagisme. » Quant à la consommation d’alcool, les repères de consommation à moindres risques sont fixés à « deux verres par jour tous les jours et pas plus de dix par semaine », selon Thierry Breton, le Directeur général de l’INCa. Mais « un quart de la population française les dépasse », déplore François Beck.
Les inégalités sociales rejoignent celles des comportements tabagiques, les personnes aux revenus les plus faibles étant celles qui déclarent les seuils de dangerosité perçus les plus élevés[
Vigilance accrue sur les inégalités sociales
Les inégalités sociales représentent le deuxième paramètre mis en avant, qui, là comme ailleurs, pénalise les personnes moins diplômées et aux plus faibles revenus, souligne Jérôme Foucaud, chef du département Recherche en Sciences Humaines et Sociales, Epidémiologie, Santé Publique de l’INCa. Et ce sur l’ensemble des facteurs de risques. « Les inégalités sociales rejoignent celles des comportements tabagiques, les personnes aux revenus les plus faibles étant celles qui déclarent les seuils de dangerosité perçus les plus élevés », observe François Beck. Un constat qui se vérifie aussi sur la perception des aliments protecteurs, avec une différence de 23 points entre les personnes ayant leur baccalauréat et ceux qui ne l’ont pas. Quant aux idées reçues, la notion que les cancers sont héréditaires est plus répandue chez ces groupes de population. Or, « si on pense que le cancer est héréditaire pourquoi développer des comportements protecteurs ? », relève Jérôme Foucaud. De manière générale, s’inquiète-t-il, « les personnes aux revenus les plus faibles, soit inférieurs à 1 100 euros, ont l’impression d’être moins informées ». De quoi, donc, faire de la lutte contre les inégalités un défi prioritaire des stratégies de prévention et à en pousser les acteurs à « être plus innovants ».
Quand elle est délivrée par des professionnels de santé, l’information est considérée comme fiable.
Mieux mobiliser les professionnels de santé
Une fois ces constats posés, quid du rôle des professionnels de santé ? « Ils ne sont cités comme source d’information sur les cancers que par 20,2% des Français. Ils sont peu nombreux à aborder le sujet des facteurs de risques de cancers en consultation avec leurs patients », regrette le baromètre. Ainsi, seuls 22,5% des fumeurs ont déclaré avoir abordé le sujet du tabac avec un professionnel de santé, dont 14,5% de leur propre initiative. Un taux qui plonge à 5,4% pour l’alcool, pour plus de la moitié initié également par les patients. Pourtant, quand elle est délivrée par des professionnels de santé, l’information est considérée comme fiable (avec un capital de confiance de 83,3%). Donnés par un professionnel, « les conseils pour arrêter la consommation de tabac permet d’augmenter les taux d’arrêt de l’ordre de 70% à 6 mois », François Beck donne-t-il en exemple.
« Nous avons une marge de progression pour impliquer les professionnels de santé » dans les stratégies de prévention, ajoute-t-il. L’enjeu est de mettre en œuvre des interventions qui prennent en compte les patients « tels qu’ils sont », avec leurs spécificités mais aussi leur mode de vie et les changements qu’ils sont prêts à introduire dans leur quotidien. Il s’agira, notamment, d’imaginer de nouvelles voies pour « aller vers les publics qui sont plus ou moins éloignés du soin : le développement des actions de proximité, l’aller-vers », liste Thierry Breton. « Un travail sur le dépistage, avec le plan "Priorité dépistage" » doit également permettre d’améliorer les taux de dépistage, notamment du cancer colorectal, toujours largement sous-réalisé, « en le rendant plus facile, en mobilisant les acteurs de santé régionaux, les Agences régionales de santé (ARS) ». « A chaque fois qu’on peut entrer en contact avec les patients, il faut mobiliser les bons acteurs, même ceux qui peuvent être éloignés de la santé comme les entreprises et les collectivités qui reçoivent beaucoup de public. Il faut donner corps à l’idée "la santé dans toutes les politiques" », conclut-il.
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