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SOINS ET CONFORT DES BÉBÉS

Néonatologie : homogénéiser les pratiques de soins, bonne ou mauvaise idée ?

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Publié le 10/03/2023

Souplesse dans le cadre, tels sont les maîtres-mots s'agissant de l'homogénéisation des pratiques de soins en néonatologie. Lors d'une table ronde consacrée à cette question, au cours de la première Journée d'Étude Paramédicale en Néonatologie, les professionnels se sont accordés pour dire qu'un cadre standardisé ne devait pas empêcher les initiatives pour améliorer le confort des bébés.

bébé

«Homogénéiser les pratiques de soins, une fausse bonne idée ?» La question s'est trouvée au cœur des débats lors de la première Journée d'Étude Paramédicale en Néonatologie qui s'est tenue au CHI de Créteil le 31 janvier 2023. Quatre infirmières et une psychomotricienne ont échangé sur l'intérêt de poser un cadre «standardisé» aux soins à prodiguer au nouveau-né prématuré.

«L'observation oui, mais concrètement, nous sommes tous différents avec des formations différentes et même au sein d'une même formation, nous n'avons pas tous le même canevas d'observation. Comment décider, autour du même bébé, alors qu'on ne voit pas tous les mêmes choses ?», interroge la maîtresse de cérémonie, soulignant également que «le bon sens des uns n'est pas forcément celui des autres». 

S'il est intéressant de s'appuyer sur un socle de pratiques communes, les professionnelles mettent en avant la nécessité de la souplesse et de l'adaptabilité. L'observation fine des enfants pousse parfois les équipes à adapter leurs protocoles de soins, tout en respectant toujours les piliers que sont la sécurité et l'hygiène. «Par exemple, lors d'une hospitalisation longue, les bébés porteurs de cathéters centraux ne sont normalement pas habillés mais, sur l'observation d'un bébé, si l'on se rend compte qu'il est un peu désorganisé, qu'il a besoin d'enveloppement, parfois, on prend la décision de l'habiller, même si le protocole du service est plutôt en faveur de la nudité. On pourrait parler d'individualisation dans cette pratique», souligne ainsi une infirmière.  

Des vidéos à disposition des professionnels 

Dans certains établissements, des supports ou des personnes référentes peuvent aider à diffuser les protocoles de soins et à les homogénéiser. A Strasbourg par exemple, des vidéos sont disponibles dans les services de néonatologie pour sensibiliser les professionnels aux soins de développement, souligne Stéphanie Poirot, infirmière au CHU, qui préfère d'ailleurs parler de «bonnes pratiques» que de protocoles. Dans chaque unité de soins, un ordinateur propose ainsi des vidéos sur différents thèmes : comment les parents peuvent prendre leurs bébés de la couveuse en peau-à-peau et le recoucher (pour limiter les manipulations notamment), comment effectuer une toilette etc. A Caen, le CHU propose cette fois des vidéos directement à destination des parents pour leur diffuser conseils et bonnes pratiques. 

Attention à ne pas stigmatiser les soignants qui ne seraient pas conformes aux bonnes pratiques, mais aussi les parents

Savoir s'éloigner des recommandations standardisées 

«Il faut en tout cas faire attention de ne pas stigmatiser les soignants -qui ne seraient pas conformes aux bonnes pratiques - mais aussi les parents», souligne une infirmière. «ça m'est arrivé d'essayer de donner un bain enveloppé à un bébé avec une maman d'origine africaine qui, en fait, n'était pas du tout à l'aise culturellement parlant avec cette approche. Dans sa représentation du bain à son bébé, il fallait que ça mousse, il fallait qu'il y ait de l'eau partout, il fallait qu'il soit propre, et finalement, est-ce que les soins adaptés à cet enfant-là, c'était de coller aux recommandations de bonnes pratiques ?» interroge-t-elle. «A Strasbourg, on privilégie les enfants les plus prématurés, qui ont un parcours long, les plus vulnérables, pour justement individualiser les soins dès le départ, et surtout inclure les parents», explique Stéphanie Poirot. 

Le principal reste quand même la relation du parent avec son enfant, parfois en s'éloignant des recommandations standardisées. «A partir du moment où les grandes règles d'hygiène sont respectées, que le bébé n'est pas mis en insécurité, ou en danger évidemment, on suit les parents, tout en suivant des règles toutes simples. Par exemple lorsqu'on fait un bain, on sèche la tête en premier pour éviter les risques d'hypothermie, ensuite on le met en peau-à-peau, mais le reste du soin, peu importe le déroulé des gestes, si la relation avec l'enfant est améliorée». 

«C'est vrai qu'il faut observer le bébé, mais ce n'est pas si facile. On a besoin de supports standardisés, notamment pour les jeunes professionnels qui nous rejoignent»

Travailler dans la continuité entre les services, dans l'intérêt de l'enfant 

Il faut aussi interroger les parents pour connaître les habitudes du bébé et les leurs, commente une infirmière. «Les parents peuvent nous aider d'ailleurs, en nous donnant des informations par exemple : mon bébé aime bien être enveloppé ou au contraire, mon bébé n'aime pas être enveloppé dans le bain... ça nous permet, quand l'enfant arrive en néonatologie, de connaître déjà le bébé et ses habitudes», explique-t-elle, insistant sur le travail en partenariat, y compris avec la famille.

Pourtant les parents ne sont pas toujours là pour répondre aux questions, ou ne savent pas toujours y répondre. Pour Karine Martin, Infirmière au CHI de Créteil, qui travaille main dans la main avec une collègue infirmière, Stéphanie Petit, également en poste au CHI Créteil, le but est bien «d'harmoniser les pratiques entre les services et d'avoir un peu les mêmes façons de travailler», pour ne déstabiliser personne. «C'est important pour les professionnels et c'est important surtout pour les bébés dont on s'occupe et pour les parents. Les bébés qu'on a en réanimation sont ceux qui iront en néonatologie, parfois les différences de pratiques perturbent ces enfants, donc c'est important, tout de même, de travailler dans la continuité - même si les bébés n'ont pas les mêmes besoins». 

L'importance de l'individualisation des soins

«C'est vrai qu'il faut observer le bébé, mais ce n'est pas si facile. On a besoin de supports standardisés, notamment pour les jeunes professionnels qui nous rejoignent», rappelle par ailleurs Karine Martin. «Autant c'est compliqué - et pas forcément pertinent - de standardiser le soin en lui-même, ou en tout cas le déroulé du soin importe moins, mais par contre, standardiser les critères d'évaluation est important à mon sens, c'est à dire : qu'est-ce que c'est un soin qui fonctionne, ou quels sont les signes pour repérer un bébé confortable ? Comme il y a des échelles d'évaluation pour la douleur, il doit y en avoir pour l'évaluation du comportement. Il est crucial de pouvoir transmettre des supports didactiques pour les jeunes professionnels et aussi pour les parentsFinalement c'est sans doute ça que sous-tend cette question d'individualisation des soins : lorsqu'on parle d'harmoniser les pratiques, on ne parle pas tant des pratiques de déroulé du soin que des pratiques d'observation et de lecture du comportement de l'enfant», résume la professionnelle. 

Comme il y a des échelles d'évaluation pour la douleur, il doit y en avoir pour l'évaluation du comportement.

«En ce moment, on a un groupe de travail sur l'hygiène et la toilette», explique Aurore Allen, Infirmière Puéricultrice DE, Hôpital Port Royal AP-HP, «qui ne vise pas à donner une règle définie mais effectivement de grandes lignes sur l'observation des temps de sommeil, sur le terme de la première toilette, sur la question de la position préférable pour le change de la couche, ou encore sur les gestes et les pratiques à connaître lorsqu'on ouvre pour la première fois l'incubateur». De grandes lignes qui n'empêchent pas, encore une fois, une grande adaptabilité à l'enfant : «oui on doit faire une toilette, mais si ce jour-là l'enfant est fatigué, on peut décider de la remettre au lendemain, et on ne la fera pas à 10h mais à 16h parce que la maman est disponible à ce moment-là». 

La certification Nidcap, pour prendre soin des grands prématurés et de leurs parents

NIDCAP (Neonatal Individualized Developmental Care and Assessment Program) est un programme médical international innovant qui vise à assurer le développement optimal du nouveau-né grand prématuré et à optimiser son pronostic en développant des stratégies de soin innovantes centrées sur l’enfant et sa famille.

Le label NIDCAP est extrêmement exigeant et nécessite des formations du personnel soignant et la mise en place d’un environnement médical spécifique. Les centres hospitaliers peuvent ainsi être certifiés NIDCAP s'ils répondent à ces critères. 


Source : infirmiers.com