Record de températures en Grèce, vague de chaleur dans l'Est canadien, l'étuve aux Etats-Unis : l'hémisphère nord suffoque sous les vagues de chaleur. Et de fait, il va falloir se préparer à ce nouveau scénario, a prévenu l'ONU, qui évoque des températures plus intenses, plus fréquentes, invitant chaque individu à élaborer ses propres «plans de lutte». Certains publics, encore plus à risques, parce que malades, âgés, alités, doivent faire l'objet d'une surveillance accrue. Nous avons fait le point avec Ophélie Maillet, infirmière depuis 2012, en charge de la campagne hydratation au sein d'Homeperf*, qui prend en charge des personnes sous perfusion, nutrition artificielle, insulinothérapie ou assistance respiratoire à domicile.
L'isolement et la précarité, l'invalidité, les troubles du comportement ou de la mémoire, la démence, la consommation d'alcool, des tenues vestimentaires inappropriées ou encore des habitats difficiles à rafraîchir majorent le risque.
Pourquoi les seniors constituent-ils un public plus fragile ?
L'exposition à de fortes chaleurs constitue une agression pour l'organisme, quel qu'il soit. Le réchauffement climatique implique des épisodes caniculaires récurrents, alors que la population vieillit et que de plus en plus d’individus se retrouvent en situation de fragilité. Les seniors ont en effet une capacité réduite d'adaptation à la chaleur, avec une moindre perception de celle-ci, due à une réduction de la sensation de soif et de la composition en eau du corps (-15% d'eau environ entre une personne de 35 ans et une personne de 75 ans). Difficultés de transpiration, de régulation de la température, et souvent, en plus, à cause de l'âge, une fonction rénale altérée font qu’il est plus difficile pour cette partie de la population de s’adapter à la chaleur.
Certaines personnes présentent d'autres facteurs de risques, qui nous permettent d'identifier les publics les plus vulnérables : elles souffrent généralement de pathologies chroniques, de maladies neurologiques (Alzheimer, Parkinson), de maladies cardio-vasculaires (avec des prises de diurétiques, des traitements qui favorisent la production d'urine), de maladies endocriniennes, d’insuffisance rénale, ou encore, sont sous dialyse, ou en parcours d'oncologie…
L’environnement des patients entre également en jeu : l'isolement et la précarité, l'invalidité, les troubles du comportement ou de la mémoire, la démence, la consommation d'alcool, les tenues vestimentaires inappropriées, les habitats difficiles à rafraîchir (habitats au dernier étage, mansardés ou encore l'absence de volet) ou encore la mobilité réduite entraînant une inaccessibilité à des lieux où ils pourraient se rafraîchir au cours de la journée, peuvent encore majorer le risque.
Comment identifier qu'une personne est déshydratée ?
Lorsqu’une personne est déshydratée, on constate une agitation, une bouche sèche, une langue cartonnée, de l'hyperthermie (de la fièvre), un regard terne, des yeux cernés, des céphalées, peu d'urines, un état d'apathie ou de fatigue générale, une désorientation ou encore un pli cutané, (facile à détecter : lorsqu’on pince la peau sur le dessus de la main, elle a du mal à se remettre en place). Si ces symptômes apparaissent, il faut agir et mettre en place une hydratation. S'offrent à nous deux cas de figure : le préventif, avec une hydratation sous-cutanée, ou le contexte d’urgence de déshydratation sévère et dans ce cas, le patient doit être hydraté par voie intraveineuse.
Une hydratation fractionnée, des réveils ou des alarmes pour penser à boire : les personnes âgées et leur entourage doivent mettre en place des stratégies.
Y a t-il des choses à mettre en place pour éviter d'en arriver à ces extrémités ?
Il faut être stratégique face à la canicule. Nous recommandons aux seniors d'avoir une hydratation fractionnée, en buvant par exemple un verre d'eau toutes les deux heures. Il est également conseillé aux personnes fragiles ou à leur entourage, quand c'est possible, de créer des alarmes, de mettre en place des réveils, des post-it pour aider la personne concernée à se rappeler tout au long de la journée qu'il faut boire (y compris lorsqu’ils n'en ressenttent pas le besoin). Bien sûr, sortir aux heures les plus fraîches, passer du temps dans les endroits frais, s'exposer le moins possible au soleil, avoir de la visite régulière quand c'est possible… rejoignent les conseils classiques de prévention.
Pour les personnes qui sont confinées au lit ou chez elles, des visites à domicile par un soignant au moins deux fois par jour permettront une surveillance adaptée.
Quels sont les bons réflexes pour une bonne réhydratation ?
Il existe un risque, chez un patient déshydraté, de le réhydrater trop vite ou de manière trop volumineuse : dans ce cas on pourrait créer un oedème aigu pulmonaire (OAP), ce qui reviendrait à noyer le patient. Il faut donc toujours passer par l'expertise médicale avec une prescription adaptée, basée sur son état général (sa fonction rénale, sa capacité à gérer l'hydratation qu'on lui apporte...). Il est aussi possible sur certaines hydratations d'ajouter des électrolytes (des minéraux), mais la décision revient au médecin rédigeant la prescription.
La prise en charge en ville est-elle optimale aujourd'hui en cas de canicule ?
L'objectif, c'est justement de démocratiser les prises en charge à domicile et de s'adapter au virage domiciliaire pour éviter une hospitalisation. L'intérêt est double : pour le patient et son entourage bien sûr, mais aussi pour les services d'urgence dont on limite l'engorgement. Nous sommes parfaitement capables, aujourd'hui, de mettre en place de manière optimale une prise en charge à domicile directement en ville en cas d'épisode caniculaire. Il existe de multiples structures comme la nôtre (Homeperf*) qui assurent la coordination avec l'infirmière libérale du patient, avec son médecin généraliste du secteur, avec le pharmacien, et en mettant à disposition le matériel le plus adapté.
Lorsque l’on parle perfusion à la maison, la plupart des gens ont en tête le pied à sérum, une grosse pompe et tout un matériel un peu lourd. Or, le personnel de soin libéral s'est largement adapté aux besoins du domicile aujourd’hui, et le matériel a évolué avec. Par exemple, lorsqu’est mise en place une hydratation, nous mettons à disposition un diffuseur, une sorte de biberon en plastique que nous plaçons autour de la taille du patient dans un sac banane. Un phénomène de pression va permettre la diffusion de l'hydratation en continu 12h/24h. L'intérêt de ces dispositifs est de maintenir la mobilité des patients. L’objectif de ces prises en charge concerne en réalité l'écosystème entier du système de soin en France. En faisant un comparatif, une journée d'hospitalisation dans un service de médecine coûte 1300 euros à la Sécurité sociale ; un tarif représente environ un mois de forfait perfusion à domicile.
*Avec plus de 25 ans d’expertise, 35 agences en France, et 450 collaborateurs dont plus de la moitié sont des soignants (infirmiers et diététiciens) d’astreinte 24h/24 et 7j/7 sur tout le territoire, Homeperf est l’un des leader en France de la prise en charge à domicile. Au cours du mois de juin, les équipes Homeperf ont pris en charge plus de 960 patients pour une hydratation à domicile sur le territoire national, des patients pour lesquels le prestataire de santé a été sollicité par les cabinets infirmiers libéraux, par les services d’urgence ou les services de gériatrie.
« Nous sommes partis du besoin constaté ces dernières années : déserts médicaux, besoins accrus, épisodes caniculaires. Concrètement, nous nous rapprochons des soignants référents du patient pour coordonner et assurer la prise en charge, complètement remboursée par la sécurité sociale. Nous sommes donc à la fois présents pour soulager et accompagner les professionnels libéraux, mais aussi là pour que nos seniors s'adaptent au mieux à ces contextes », souligne Ophélie Maillet.
La clé est-elle dans le maillage territorial ?
Sans aucun doute ! A l’image d’un bracelet avec des mailles, ce sont vraiment les compétences et la complémentarité de chacun qui vont permettre de proposer une prise en charge de qualité. La communication entre l’infirmière libérale qui surveille son patient chaque jour, et le médecin généraliste qui connaît son patient et qui va prescrire un bilan sanguin pour suivre l’évolution de son état est essentielle. Optimiser d’avantage le réseau des professionnels de santé situés dans les villes avec tous les acteurs qui interviennent dans la prise en charge du patient est l’un de nos plus grands objectifs.
Vigilance Canicule : la FNI fournit une fiche pratique aux professionnels
Les IDEL ont un rôle majeur dans le maintien à domicile des personnes âgées fragiles au cours de ces épisodes, rappelle la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI), qui fait le point avec l'avis de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament. Les principales populations vulnérables en situation de forte chaleur sont les personnes âgées, les nourrissons et les enfants, les personnes atteintes d’une pathologie chronique nécessitant un traitement médicamenteux, en particulier lorsqu’elle est sévère, et les personnes dépendantes. L’isolement social accroît encore leur fragilité. Au-delà des conseils habituels, le bon usage des médicaments en cas de vagues de chaleur est essentiel.
En cas de vague de chaleur, les médicaments à prendre en considération sont ceux susceptibles :
– d’aggraver un syndrome d’épuisement-déshydratation ou un coup de chaleur par : troubles de l’hydratation et/ou troubles électrolytiques, altération de la fonction rénale, profil cinétique susceptible d’être affecté par la déshydratation, perturbation de la thermorégulation centrale ou périphérique ;
– d’induire une hyperthermie ;
– d’aggraver indirectement les effets de la chaleur (voir tableaux annexes 1 et 2).
L’adaptation d’un traitement médicamenteux en cours doit être considérée au cas par cas. En aucun cas il n’est justifié d’envisager systématiquement une diminution ou un arrêt des médicaments pouvant interagir avec l’adaptation de l’organisme à la chaleur.
Il est recommandé aux professionnels de santé de :
1. procéder à une évaluation complète de l’état d’hydratation (clinique, apports hydriques, poids, fréquence cardiaque, tension artérielle, bilan ionogramme complet avec créatininémie et clairance de la créatinine) avant de prendre toute décision thérapeutique ;
2. contrôler régulièrement l’état d’hydratation et les facteurs de risque ;
3. dresser la liste des médicaments pris par le patient et identifier ceux qui pourraient altérer l’adaptation de l’organisme à la chaleur (voir tableaux) ;
4. réévaluer l’intérêt de chacun des médicaments et, supprimer tout médicament qui apparaît soit inadapté, soit non indispensable ; en particulier ceux susceptibles d’altérer la fonction rénale ;
5. éviter la prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens en lien avec le médecin traitant (aspirine, AINS classiques, inhibiteurs de la COX 2), particulièrement néphrotoxiques en cas de déshydratation ;
6. en cas de fièvre, éviter l’administration de paracétamol (inefficacité pour traiter le coup de chaleur et possible aggravation de l’atteinte hépatique souvent présente) ;
7. en cas de prescription de diurétique, vérifier que les apports hydriques et sodés sont adaptés ;
8. recommander au patient de ne prendre aucun médicament sans avis médical, y compris les médicaments délivrés sans ordonnance.
La fiche complète de l’ANSM en cliquant ici :
https://www.fni.fr/wp-content/uploads/2023/06/map-canicule-bon-usage-med-2017-1-1.pdf
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