Secteur 3 du GHU Paris Psychiatrie Neurosciences, pavillon Lévy-Valensi, Hôpital Sainte-Anne. Cette unité d'hospitalisation ouverte compte 26 lits et accueille des patients en phase aiguë ou en voie de stabilisation, pour des soins à temps plein puis à temps partiel dès que leur état clinique le permet. Pour la moitié d'entre eux sous contrainte.
Tout type de pathologies, dans leur forme sévère
Ici, une équipe pluridisciplinaire «prend en charge les patients des 5e et 6e arrondissements de Paris, des patients majeurs, pour tout type de pathologies», explique Alice Maubert, médecin-psychiatre responsable de l'unité d'hospitalisation. « Les patients qui sont hospitalisés à temps complet le sont plutôt pour les pathologies les plus sévères, des dépressions sévères mélancoliques, des décompensations de schizophrénies, ou des décompensations de troubles bipolaires, avec notamment des épisodes maniaques». L'unité accueille aussi les patients en hospitalisation libre nécessitant un séjour assez long (plusieurs semaines), ou des soins spécifiques (Electroconvulsivothérapie (ECT), soins somatiques importants…). Enfin, l’hospitalisation à temps partiel propose des soins pendant la journée (14 places) et s’adresse aux patients dont l’état de santé ne nécessite plus une hospitalisation à temps plein mais pour lesquels un cadre soignant rapproché et un suivi très régulier sont préconisés. Sur un bassin de population de 105 000 personnes, environ 500 patients sont hospitalisés dans cette unité chaque année, dont la moitié sous contrainte.
Pour un patient, le temps de l'accueil, le temps de la rencontre sont très importants.
On est loin, très loin des représentations négatives qui collent à la peau de la psychiatrie. Certes, il y a bien des couloirs, des clés pour fermer chaque porte, des fenêtres sécurisées, mais le lieu est clair, neuf, ouvert. Chacun ici est libre de déambuler dans les couloirs, de se rendre dans le petit jardin extérieur (pour fumer la plupart du temps, ou prendre l'air), de rester dans sa chambre ou de ne rien faire. Régulièrement, certains patients viennent toquer à la porte du bureau infirmier, qui se trouve stratégiquement au centre du service, ou se plantent simplement devant les larges baies vitrées pour regarder à l'intérieur les soignants qui échangent.
Journée type
Pour un patient, le temps de l'accueil, le temps de la rencontre sont très importants. Il s'agit aussi de comprendre où chacun en est, par rapport à cet épisode aigu, par rapport à sa maladie, avant de se demander comment l'aider. «Est-ce que les hallucinations sont plutôt rassurantes et l'idée est de vivre avec mais de faire en sorte qu'il n'y ait pas trop de conséquences sur la vie sociale, ou est-ce qu'elles sont insupportables et il faut les supprimer avec un traitement ? C'est vraiment avec le patient qu'on essaye de faire les soins», souligne la psychiatre.
Dans le service, on croise des profils très différents : il y a ce jeune homme, la trentaine, un casque de musique vissé sur les oreilles, qui marche, à grandes et lentes enjambées, regardant droit devant lui, des heures durant. Il y a cette grande femme aux cheveux mi-long et gris, qui se lie très facilement et qui entame souvent de grandes conversations enjouées avec d'autres patients, ou bien encore cette autre femme, déjà passée par l'unité, pour qui chaque décision (aussi insignifiante soit-elle) est un calvaire qui la plonge dans l'angoisse.
«La journée type comprend des temps de transmission avec l'équipe, qui sont importants, il y a l'arrivée des médecins avec ce staff où on reprend un petit peu le déroulé de la journée et puis, il y a les temps forts pour les patients : le réveil, le petit déjeuner, les temps de traitement, le matin, le midi et le soir», explique Vincent Chielens, infirmier et art-thérapeute. «Ensuite, les journées sont un petit peu plus flottantes pour un patient, c'est à dire qu'il peut y avoir des entretiens médicaux, des rencontres avec la psychologue, et à partir de là vont s'ajouter tous les temps d'activités, et des rencontres avec les infirmiers, ou les aides-soignantes».
Retourner dans la cité, le mieux possible
Tourner dans une unité psychiatrique implique une contrainte importante : montrer le travail de l'équipe auprès des patients, sans filmer les patients. Ou du moins en les anonymisant. Ce sont donc d'une bonne partie des échanges dont on se prive, or, ce sont eux qui disent de la façon la plus fidèle le véritable travail des infirmiers et de l'ensemble de l'équipe dans ces murs : Vincent Chielens et Maud Amiaud, tous deux infirmiers chargés, avec quelques autres soignants du service, des activités thérapeutiques, ouvrent chaque jour «la salle d'activité». Là, un piano, des livres, des coloriages, invitent les patients à venir passer un peu de temps ensemble. Soignants et patients se mêlent, discutent, s'affairent, feuillettent des revues ou jouent quelques notes. Les deux infirmiers ont aussi réussi à aménager un petit jardin au sein de l'hôpital Sainte-Anne, où ils se rendent avec leurs patients, pour jardiner. «Nous ce qu'on préfère avec Vincent, c'est traverser l'hôpital Sainte-Anne avec nos râteaux», sourit Maud Amiaud, «parce que ça ne fait pas très infirmiers et on adore ça !» L'objectif du service rejoint celui de la psychiatrie, résume-t-elle : «C'est d'aider nos patients à retourner dans la cité le plus rapidement possible, mais aussi le mieux possible. La vie à l'heure actuelle est compliquée, avec une souffrance psychique, c'est pire».
Une petite femme aux cheveux gris, voûtée, marche à petits pas vers le baby-foot. Maud, l'infirmière, lui lance : «il paraît que vous êtes forte au baby-foot ? C'est votre amie qui m'a dit ça». Oui c'est vrai je suis rapide», lui répond la patiente avant d'esquisser quelques moulinets de la main et de repartir à petits pas, perdue dans un monologue connue d'elle seule. Quelques moulinets et un bref souvenir, comme un éclat de sa vie d'avant, qui la raccroche un instant à l'autre, à la curiosité de l'autre, à l'échange, à la vie.
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