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AU COEUR DU METIER

Ce Noël "n’aura pas la même saveur" pour les soignants confrontés au Covid-19

Publié le 18/12/2020
Myriam Lahitte

Myriam Lahitte

Noël

Noël

hôpital de La Rochelle

hôpital de La Rochelle

"Il ne s'agira pas à coup sûr de vacances de Noël comme les autres", rappelait Emmanuel Macron lors de son allocution du 24 novembre, annonçant le déconfinement par étapes. A l’hôpital, en libéral, les soignants qui travaillent s’apprêtent eux-aussi à vivre leur premier Noël avec le Covid-19. Une situation qui oblige à quelques bouleversements dans l’organisation et qui ternit un peu les réjouissances. Une infirmière libérale et une aide-soignante à l’hôpital, toutes deux mobilisées sur le front de l’épidémie, évoquent cette période qui tranche avec les années précédentes.

Dans les services hospitaliers comme en libéral, les soignants se préparent pour des Fêtes très différentes des autres années.

Le Covid-19 s’est invité à la table de Noël cette année. Le climat est très différent du quotidien à l’approche des Fêtes de fin d’année, reconnaît Marine Lys, aide-soignante dans un service de chirurgie digestive et endocrinienne à l’hôpital de La Rochelle (en Charente Maritimes). Pendant la première vague, son service a fermé et l’intégralité de l’équipe a été répartie dans d’autres services pour le plan blanc. De son côté, la jeune femme, formée à cette pratique depuis plusieurs années, est allée renforcer la réanimation pendant 4 mois. Pour cette seconde vague, dès le mois d’octobre, elle a été appelée une nouvelle fois en réanimation ainsi qu'aux urgences Covid tandis que son service, cette fois, restait ouvert, mais comptait quelques fermetures de lits et le redéploiement de certains de ses collègues. Cette deuxième vague a en effet davantage mobilisé la médecine générale (avec une multiplication des lits destinés à accueillir des patients atteints par le Covid). Une organisation complexe donc, chamboulée depuis plusieurs mois maintenant, qui a eu des répercussions importantes sur le moral des soignants d’après Marine Lys.

D’abord on a connu l’incertitude : il était question que le service passe en médecine Covid avant Noël, au début du mois de décembre, ce qui n’a finalement pas été le cas car la situation s’est stabilisée, mais cette éventualité a créé de l’inquiétude parmi les soignants. L’équipe, fatiguée, éprouvée, a eu des difficultés à trouver ses repères. D’habitude très soudée, dynamique, positive, celle-ci a aussi été traversée par des tensions autour du choix de ceux qui devaient partir en renfort dans d’autres services, des choix opérés dans l’urgence.La tension était palpable. Les décisions prises : pas toujours comprises. Certains collègues sont partis brutalement, et n’en avaient pas forcément envie…, se souvient l’aide-soignante. La cohésion, d’ordinaire si évidente, a donc été mise à mal par la pandémie, malgré le soutien sans faille de notre cadre de santé tout au long de cette période difficile.

Une charge de travail soutenue pendant les Fêtes

La jeune femme, appelée en renfort dans l’Est, reviendra tout juste à temps de sa mission pour reprendre son poste à l’hôpital de La Rochelle le 24 décembre. Et pas question de souffler : la charge de travail sera conséquente car le service compte quelques semaines de retard sur les chirurgies programmées. D’habitude, la programmation opératoire est toujours un peu plus calme en  période de Fêtes que le reste de l’année, mais nous avons actuellement, et aurons encore à Noël, des patients avec des besoins de chirurgies lourdes. Certains d'entre eux, dont les opérations ont dû être déprogrammées, ont vu leur pathologie évoluer avec les semaines de confinement. Nous n’aurons donc pas de répit en cette période de Fêtes, assure l’aide-soignante.

Côté ambiance générale, ce premier Noël en période de Covid à l’hôpital sera aussi certainement très différent des autres années, confie Marine Lys. Normalement, nous trouvons toujours le temps pour des repas de service, pour être ensemble… cette fois, ça n’aura pas lieu, regrette-t-elle. Pour tenter d’égayer un peu le climat morose de cette fin d’année, et d’essayer de retrouver un peu de chaleur et de cohésion, l’équipe a tout de même mis en place un système anonyme pour piocher les prénoms de chacun. Tout le monde devrait donc trouver un petit cadeau au pied du sapin installé dans le service. La 3ee vague ? Marine Lys n'y pense pas, peut-être pour se protéger mais de l’avis de tous ses collègues interrogés : elle aura lieu, c’est presque une certitude, une inquiétude qui pèse un peu plus sur le moral. Les soignants arriveront-ils malgré tout à se détendre un peu, en privé, à Noël ? Notre métier nous colle à la peau. Le virus est aussi en dehors de l’hôpital… Les fêtes risquent décidément de ne pas avoir la même saveur cette année.

La charge de travail sera conséquente (pendant les Fêtes) car le service compte quelques semaines de retard sur les chirurgies programmées - Marine Lys.

"Envie que l’année se termine !"

Myriam Lahitte, infirmière libérale, exerce entre le Cher et l’Allier, dans une zone surnommée la diagonale du vide, un peu oubliée de tous, où les gens se sentent parfois isolés. Cette année comme chaque année, elle va travailler pendant les fêtes, en général, comme on est quatre au cabinet sur deux tournées différentes, on se partage la tâche : une année on travaille à Noël, l’autre au Jour de l’An. Cette fois, le Covid est venu bouleverser l’organisation. D’abord parce que contrairement à d’autres années à la même période, on a beaucoup de travail, précise l’infirmière. Dans la région, ça se calme enfin un peu sur le plan de la pandémie, mais on a eu beaucoup de tests et de cas positifs lors de cette seconde vague. On a donc été beaucoup plus impactés que lors de la première aux mois de mars-avril, et arrivé à Noël, le rythme reste soutenu. Un élément qui compte comme on est en équipe réduite pour les fêtes. D’autant que l’infirmière et ses collègues font très attention à ne contaminer personne lors des tournées, ce qui oblige à une intense gymnastique : il faut désinfecter la voiture après chaque tournée, porter le masque FFP2 en permanence, travailler en blouse… On garde aussi en tête qu’on se rend chez des gens qui reçoivent pas mal d’intervenants extérieurs, donc il faut redoubler de prudence.

Le 24 décembre, Myriam Lahitte devra aussi effectuer plusieurs tests PCR programmés par des gens qui ne veulent pas faire prendre de risque à leurs proches pendant les fêtes. L’infirmière intervient enfin dans un foyer logement et si chaque année, nombreux sont les résidents qui rejoignent leur famille, ce ne sera pas le cas cette fois. Ils seront tous là à Noël. Une présence inhabituelle qui augmente les prises en charge de l’infirmière libérale en cette période de fêtes.

Je pense que cette année, on va essayer de marquer un peu plus le coup. Il y a beaucoup de morosité, les gens n’ont pas le moral… Surtout les personnes âgées qui n’ont pas vu leurs proches depuis longtemps - Myriam Lahitte.

Le bonnet de Père-Noël contre la morosité

Myriam Lahitte portera son bonnet de
Noël pour la tournée du 25 décembre

Avec ma collègue, pour Noël, c’est la tradition, on fait un petit cadeau aux patients pendant la tournée (une petite plante, une tasse…) Je pense que cette année, on va essayer de marquer un peu plus le coup. Il y a beaucoup de morosité, je trouve que les gens n’ont pas le moral… Surtout les personnes âgées qui n’ont pas vu leurs proches depuis longtemps, note Myriam Lahitte. La plupart de ses patients vont se retrouver seuls à Noël. Je me suis donc acheté un bonnet de Père-Noël, raconte-t-elle. L’infirmière a prévu d’effectuer sa tournée du 25 décembre avec son bonnet vissé sur la tête pour décrocher quelques sourires à ses patients.  Je vais distribuer mes petits cadeaux et puis surtout, faire en sorte de prendre un peu plus de temps avec chacun. On le fait chaque année, mais on va insister encore plus cette fois, comme on sent les gens fragilisés par la situation sanitaire.

Au niveau de la fatigue aussi, c’est un peu plus dur qu’à l’ordinaire : Pendant les mois d’octobre-novembre où on se sentait complètement à bout. C’était surtout moral, parce qu’on a l’habitude de la charge de travail. Mais la crise sanitaire amène des situations stressantes, on a beaucoup d’appels, les gens sont très angoissés – et lassés ou même résignés pour certains (ce qui me fait mal au cœur).

Sur cette période de fête, Myriam Lahitte, qui a prévu de passer Noël en petit comité avec sa famille proche, se sent un peu partagée : j’ai quand même envie que l’année se termine, comme beaucoup de gens je pense, rit-elle et à la fois j’espère que ça ne se reproduira pas un Noël comme celui-ci, parce que de voir autant de gens seuls pour les Fêtes, c’est assez démoralisant, et cette année c’est très marqué, se désole-t-elle. Tout est donc un peu augmenté avec la pandémie : le stress, la fatigue, l’angoisse des patients…

Il est décidément plus que temps de tourner la page de 2020.

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com