Ils sont infirmiers, aides-soignants, médecins, techniciens de laboratoire, manipulateurs radio... à être allés renforcer les équipes soignantes dépassées par la crise du Covid-19 depuis le début de l’ épidémie, il y a désormais un an. Animée par Santé publique France, la Réserve sanitaire* désigne cette communauté de professionnels de santé volontaires, mobilisables par l’Etat et capables d’intervenir dans un délai très court. C’est le cas de Marine, aide-soignante, qui a choisi d’effectuer une mission loin de chez elle, au mois de décembre. Elle nous livre ici le récit de son arrivée dans un nouvel hôpital de l’Est de la France, débordé par la seconde vague.
Je m’appelle Marine, je suis aide-soignante au Centre Hospitalier de La Rochelle (Nouvelle Aquitaine). Mon dossier à peine finalisé, je suis immédiatement contactée pour effectuer une rotation en tant que réserviste d’une dizaine de jours dans l’Est, dès le mois de décembre. Lorsqu’on est appelé, il faut réfléchir rapidement et se rendre disponible au plus tôt. Après validation de ma demande de disponibilité par le Centre Hospitalier où j’exerce, je décide donc de me lancer.
Départ vers l’inconnu
Dans mon hôpital habituel, à La Rochelle, la situation du Covid, à ce moment-là, est relativement stable. Nous sommes plutôt dans la queue de la seconde vague et très peu de patients atteints du virus hospitalisés. Ça a donc du sens pour moi de pouvoir venir en aide à des collègues à quelques centaines de kilomètres de chez moi, qui n’ont pas notre chance.
Je pars dans l’Est de la France, vers une région et un hôpital que je ne connais pas. Je reçois ma fiche de route la veille du départ. Avec peu de détails et mobilisée pour la première fois pour une telle mission, c’est en moi un mélange d’adrénaline et d’inquiétude. Je ne connais pas vraiment la situation sanitaire de cette région et me rends vers l’inconnu, avec pour seule certitude d’essayer de donner le meilleur de moi-même.
En transit à Paris, je suis contactée par l’hôpital qui va me recevoir. La mission se concrétise. En fonction de mes compétences et de mon poste habituel, on me propose d’intégrer soit un service de réanimation, soit un service de chirurgie Covid. J’ai seulement quelques secondes pour prendre une décision au téléphone. Je choisis finalement la deuxième option. Je me dis que je suis habituée à ces deux spécialités, mais que je n’ai jamais été confrontée à des patients relevant d’une chirurgie et atteints en même temps du coronavirus. Je pousse l’inconnu à son paroxysme !
Je regarde autour de moi, j’ai du mal à distinguer ce qui est
Covidde ce qui estpropre. Pour autant, je ne perds pas de vue mon objectif, qui est d’être opérationnelle et autonome le plus rapidement possible.
"Deux pour quatorze patients opérés ou non et atteints du Covid"
Le lendemain matin, je prends mes fonctions, un peu stressée mais avec la même détermination. Je suis accueillie par une personne de la direction. Très bienveillante, elle tente de m’expliquer en quelques minutes le fonctionnement de l’hôpital, la façon dont il est organisé et me donne tous les détails d’accès, badge, vestiaire, tenues, code informatique… La logistique ! Mon arrivée était attendue, ce qui me rassure un peu.
A l’exception un contrôle d’accès à l’accueil de l’hôpital, en parcourant les couloirs, rien ne laisse transparaître une situation sanitaire critique. Ce qui me vient au contraire, c’est que les lieux sont beaux : c’est un hôpital neuf, propre et surtout calme.
La personne chargée de mon accueil m’amène ensuite dans le service où je vais exercer pendant quelques jours. La cadre de santé, bienveillante envers moi, ne peut m’apporter que peu de précisions. Elle a pris ses fonctions dans cette unité depuis 24 heures, son prédécesseur ne se sentant plus d’y exercer…
En plus
est une notion dérisoire
C’est alors, en poussant ces portes fermées, que je découvre le cœur de la situation sanitaire exceptionnelle de l’hôpital. Je rencontre un binôme de soignants avec qui elle me propose de rester. Le binôme infirmier/aide-soignant étant déjà constitué, je me retrouve en plus
cette journée-là, mais je me rends vite compte que cette notion de plus
est complètement dérisoire. Ce matin-là, elles sont deux pour quatorze patients, opérés ou non, atteints du Covid. Comment expliquer ce que je suis en train de découvrir ? Je regarde autour de moi, j’ai du mal à distinguer ce qui est Covid
de ce qui est propre
. Pour autant, je ne perds pas de vue mon objectif : être opérationnelle et autonome le plus rapidement possible. Les deux soignantes n’ont pas le temps de me faire visiter et ont du mal à m’expliquer l’organisation, dans la mesure où c’est aussi leur premier jour. L’une d’elle est auxiliaire de puériculture et l’autre infirmière de consultations de dermatologie, deux personnes formidables. Je me suis d’ailleurs vite rendue compte que ce service était constitué chaque jour de nouveaux soignants courageux venus d’autres services. La contamination des soignants fait presque partie du quotidien, depuis des semaines. Quasiment chaque jour c’est donc une nouvelle équipe qui ne se connaît pas qui doit collaborer. Des puéricultrices en 12 heures, qui s’occupent de bébés en néonat’ le matin, se retrouvent aides-soignantes en unités Covid l’après-midi… Tous ces soignants courageux propulsés dans des conditions de travail extrêmes et difficiles.
Quelques minutes après mon arrivée il ne s’agit déjà plus de suivre ces soignantes dans leurs soins, mais de moi aussi prendre en soins de façon autonome rapidement. La charge de travail me paraît irréelle. Je me demande d’ailleurs à ce stade de la matinée comment chacun de ces patients peut recevoir par exemple un soin de nursing digne de ce nom. C’est là, que la notion de priorisation ou de reprogrammation les soins prend tout son sens. Même si nous l’utilisons à bon escient déjà au quotidien, on comprends dans ce type de situation extrême à quel point elle est permanente et nécessaire.
*La Réserve sanitaire intervient en renfort dans des établissements de santé, quel que soit le service (urgences, médecine, pédiatrie, gériatrie…), dès lors que la situation exceptionnelle le justifie, quand les moyens habituels ne permettent plus de faire face à l’événement.
Marine L.
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