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Cancer : les innovations attendues pour une meilleure prise en charge

Publié le 03/06/2021

Meilleure prise en compte du patient, personnalisation des traitements, pluriprofessionnalité… Avec son colloque « Cancer, continuons à transformer la donne ! Innover dans les parcours et les traitements » organisé le 1er juin, Coopération Santé entendait mettre en lumière les évolutions jugées nécessaires pour renforcer la lutte contre tout type de cancer.

Personnalisation des traitements, innovations digitales, pluriprofessionnalité..., autant de pistes à creuser dans la prise en charge du cancer.

Amélioration des chimiothérapies et radiothérapies, développement des traitements par cellules CAR-T et de l’immuno--oncologie, désescalade dans l’agressivité des protocoles chirurgicaux et réduction des complications pour les patients…, la prise en charge des cancers a connu un certain nombre d’avancées au cours des vingt dernières années. N’en demeure pas moins que les moyens de lutte contre ces pathologies sévères doivent encore évoluer. C’est pour balayer les progrès nécessaires à réaliser, tant du point de vue de l’organisation des soins que de la perception des patients, que Coopération Santé organisait, le 1er juin, le colloque "Cancer, continuons à transformer la donne ! Innover dans les parcours et les traitements" au sein de l’Institut Curie. Une réflexion qui fait naturellement écho à la stratégie décennale annoncée par Emmanuel Macron, en lien avec l’Institut National du Cancer (INCa).

Personnalisation des traitements

Parmi les évolutions attendues, la plus importante repose sur la mise en place d’une vraie personnalisation des traitements. Il y a 20 ans, nous appliquions le même geste pour tout le monde, note le Dr Fabrice Lecuru, onco-gynécologue à l’Institut Curie. Désormais, nous essayons de proposer de plus en plus des traitements adaptés. Il s’agit en effet de considérer le patient dans toute sa complexité, « de prendre en compte son histoire, ses comorbidités », ajoute le Pr Pascal Piedbois, directeur médical de Bristol-Myers Squibb France. Les modalités de prises en charge accessibles en France se sont multipliées, mais elles ne sont pas nécessairement toutes pertinentes en fonction du patient. Nous faisons tout pour que permettre aux malades d’accéder à la majorité des innovations, mais l’enjeu de demain, c’est d’arriver à déterminer précisément quel est le meilleur traitement pour chacun, insiste ainsi Muriel Dahan, pharmacienne et inspectrice de l’IGAS.

La prise en charge du cancer en France en quelques chiffres

  • La prise en charge des cancers coûte chaque année 16 milliards d’euros
  • 40% des cancers sont évitables
  • Seul 28% de la population se fait dépister chaque année pour le cancer colorectal, encore méconnu
  • Le taux de guérison, tout cancers confondus, est de 50 à 60 % pour les adultes et de 80 % pour les enfants
  • 2/3 des personnes touchées par un cancer font état de séquelles après traitement[

La question est d’autant plus critique que la population générale vieillit. Or l’âge constitue un facteur de risque supplémentaire dans le développement des cancers, alors même qu’il s’accompagne de fragilités multiples. Et qui requièrent donc un suivi beaucoup plus individualisé, comme le souligne le Pr. Pierre Soubeyran, oncologue et directeur de la recherche au sein de l'Institut Bergonié : Plus le patient est âgé, plus il devient complexe. Les seniors développent souvent deux pathologies. La prise en charge doit donc être centrée sur le patient, et non plus simplement sur la maladie. Côté patient, on défend également l’approche d’une thérapeutique ciblée, condition essentielle à la guérison des patients mais aussi à l’élaboration d’un accompagnement individualisé permettant de construire de vrais parcours de vie et non plus des parcours de soins, plaide Catherine Cerisey, ancienne patiente cancéreuse.

Tous les patients n’ont pas la même capacité à gérer leur maladie

Un patient qui doit devenir acteur

Cette personnalisation représente la pierre angulaire sur laquelle s’appuie l’implication des malades dans leur démarche de soin. Car rendre le patient acteur de son traitement, c’est aussi l’un des enjeux de la transformation de la prise en charge des cancers. Encore faut-il qu’il dispose d’informations complètes et précises. Choix et adaptation du traitement, manière dont il est toléré… pour que les malades soient acteurs de leurs soins, il faut qu’ils comprennent mieux toutes ces dimensions, relève Pascal Piedbois. Il est nécessaire de travailler sur l’éducation thérapeutique du patient afin qu’il ait la compétence de participer aux discussions, complète Pierre Soubeyran, qui défend également la professionnalisation des patients experts, à même de soutenir les nouveaux diagnostiqués. Un discours qu’approuve Laure Gueroult-Accolas, fondatrice de l’association Patients en réseaux, pour qui les partages d’expériences patients ont aussi un autre avantage : encourager au dépistage et renforcer la prévention.

Et cette compréhension est d’autant plus essentielle que la prise en charge en ambulatoire est désormais majoritaire. Or, être en ambulatoire nous force à être acteur, note Catherine Cerisey, qui précise que, trop souvent, le patient est exclu de la concertation pluriprofessionnelle, alors même que son environnement psycho-social doit être pris en compte pour assurer la réussite du parcours de soin. Il s’agit de donner des informations claires, de lister les avantages et les inconvénients de la prise en charge en ambulatoire, afin que la personne malade puisse ensuite prendre sa décision. Et Laure Gueroult-Accolas de souligner que le virage ambulatoire opéré ces dernières années bouleverse les interactions entre l’hôpital et la médecine de ville, parfois au détriment des malades. Tous les patients n’ont pas la même capacité à gérer leur maladie, surtout s’ils sont âgés ou isolés. Ils peuvent toutefois être autonomes si on leur donne les bonnes informations.

Nous devons développer les métiers de la coordination

Coopération et pluriprofessionnalité

Ces évolutions ne sont possibles que s’il y a coopération entre tous les acteurs de santé. Généralistes, infirmiers mais aussi kinésithérapeutes, pharmaciens et spécialistes en soins support sont appelés à se coordonner, notamment en médecine de ville. Le pharmacien de proximité peut préparer la sortie d’hospitalisation d’un patient avec ses proches et l’infirmier qui va le suivre afin qu’elle soit sécurisée, explique à titre d’exemple Gilles Bonnefond, pharmacien et président de l’Union syndicale des pharmaciens d'officine (USPO), en rappelant que ce professionnel, parce qu’il est accessible directement et sans rendez-vous, représente un interlocuteur privilégié du patient. Mais il s’agit aussi de développer les métiers de la coordination. À commencer par celui d’infirmier en pratique avancée qui, au contact du malade, est le plus à même de coordonner l’ensemble des professionnels de santé qui l’entoure. C’est pourquoi l’Institut Curie a créé en 2015 une cellule de coordination des parcours patients. Sa mission : améliorer le suivi des patients complexes et renforcer l’interface entre la ville et l’hôpital, en favorisant notamment les échanges entre personnels médicaux et paramédicaux.

L’oncologue Ivan Krakowski déplore de son côté que les différents acteurs de la santé travaillent encore en silo. Alors même que la pluriprofessionnalité est, entre autres, l’une des garanties de la bonne mise en place des soins de supports, indispensables à l’implication du patient dans son traitement. Il n’existe pas de médecins de soins de support. Les oncologues en font dès qu’ils prescrivent des traitements anti-cancéreux mais ils peuvent se trouver rapidement dépassés. D’où l’importance de structurer cette approche pluridisciplinaire, qui embrasserait toutes les problématiques des personnes malades, y compris celles relatives à la santé mentale.

Les innovations se multiplient. L’enjeu, c’est de réfléchir à leur articulation

Des innovations encore attendues

Pour cela, les professionnels de santé doivent disposer d’outils pour échanger, se concerter, partager les données de leurs patientèles. Les outils numériques sont nécessaires et vont permettre de structurer les données et de faciliter leur circulation, affirme Pierre Soubeyran. Ivan Krakowski et Gilles Bonnefond, eux, plaident pour une utilisation plus systématique du Dossier Médical Partagé, qui permet à la communauté de professionnels choisis par le patient de communiquer entre eux et qui peut aussi être un atout dans le décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital. Le pharmacien juge aussi indispensable d’équiper les officines de matériel de consultation à distance, notamment dans les territoires marqués par la désertification médicale. À cet égard, note Catherine Deroche, présidente de la Commission des Affaires sociales et sénatrice du Maine-et-Loire, la crise Covid a joué un rôle de catalyseur de changement en poussant les professionnels de santé à développer la télémédecine et l’Assurance maladie à la rembourser. Avec deux limitations toutefois : la fracture numérique réelle qui persiste sur le territoire français, et l’obligation de préserver la sécurité et la qualité des soins. Il nous faut le même niveau de qualité et de sécurité des soins à distance qu’en présentiel, tient à prévenir Catherine Cerisey.

D’un point de vue médical enfin, Fabrice Lecuru espère une meilleure intégration de l’information dans les blocs opératoires. Afin de réaliser une médecine de précision, qui soit moins invasive et agressive, nous allons avoir besoin à l’avenir de traiter beaucoup de données, d’imagerie et de développer de plus en plus des techniques d’intervention mini-invasives et de robotique. Il nous faudra aussi repenser certaines interventions chirurgicales et réenvisager certains gestes, ajoute-t-il. Les rôles de chacun ont évolué, constate Muriel Dahan. Les innovations se multiplient, s’ajoutent les unes aux autres. L’enjeu, c’est de réfléchir à leur articulation, afin que les patients puissent en bénéficier le plus possible.

Journaliste audrey.parvais@gpsante.fr


Source : infirmiers.com