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CADRE

Cadre de santé, cadre de métier

Publié le 06/04/2012
Formation des cadres de santé

Formation des cadres de santé

Les cadres de santé aux cœur des enjeux des grandes réformes de santé

Les cadres de santé aux cœur des enjeux des grandes réformes de santé

L’hôpital public est actuellement au cœur des grandes réformes du système de santé qui auront un impact majeur sur les organisations et les modes de prise en charge. Les cadres de santé, cadre de métier1 sont au cœur de ces nouveaux enjeux. Cet article a été publié par la Coordination nationale Infirmière (CNI) le 8 mars 2012 que nous remercions pour cet échange productif.

Au-delà de ces réformes qui se succèdent, les établissements de santé sont aussi confrontés à des évolutions constantes : accélération de l’innovation technologique, évolution des besoins de soins, évolution sociétale des attentes (place de l’usager de plus en plus prégnante et légitime, condition d’hébergement), renforcement du principe de précaution….  L’hôpital doit s’adapter de manière continue. Au sein de l’organisation hospitalière, les professions et métiers sont impactés par les mutations.

Les rapports ministériels

De nombreux rapports ministériels se sont intéressés aux professions de santé tant au niveau de la formation initiale, continue que supérieure. Les prises de positions, les réflexions sont diverses et parfois paradoxales, allant d’un souci réel de reconnaissance à une vision très étriquée des champs ou domaines d’interventions, de décisions et de responsabilités concernant les différentes filières soignantes et en particulier infirmière. La mise en œuvre en France du système LMD (Accords de Bologne) concernant les professions de santé est souvent l’occasion de figer les professions soignantes dans des représentations archaïques. Le rapport IGAS sur la formation des cadres de santé confirme cette vision. Quand nous prenons lecture de ce rapport, nous constatons que l’on nous propose un niveau M1, sous le prétexte que les cadres supérieurs devraient obtenir un M2 pour accéder au grade de cadre de pôle. La poursuite du M et D reste toujours critique.  Pourtant le rapport de Madame de Singly avait eu le mérite, pour ce qui concerne la fonction d’encadrement dans les établissements de santé, de poser un constat le plus fidèle possible sur la réalité des fonctions cadres, la non reconnaissance d'une grande partie de leurs activités (travail invisible) et de faire l’éloge de leur implication, participation, réalisation dans les mutations organisationnelles préconisées par tout un éventail de réformes se télescopant parfois et sans qu’un temps de bilan, d’évaluation ne soit permis.

Faire avancer les périmètres métiers, changer l’approche en santé, redéfinir les complémentarités comme les modes de travail sont aujourd’hui une nécessité pour les organisations hospitalières, et nous en sommes tous d’accord.

Or, le rapport IGAS sur la formation des cadres nous demande de former des « chefs d’équipe », et propose une approche de la fonction de cadre pédagogique digne de la fonction de « répétiteur » connue au début de la professionnalisation de l’infirmière. Cette mission semble ignorer qu’il a été acté en novembre 1989 la notion de « passerelle » entre fonction cadre en unité de soins et cadre formateur. Que dire de l’argument sur les IFCS formant mal des managers comme des cadres formateurs, sinon méconnaître les compétences communes des cadres de santé pour des activités diversifiées. Encadrer un groupe d’étudiants ou de professionnels, conduire une réunion ou organiser une séquence pédagogique et la réaliser, évaluer des professionnels infirmiers ou évaluer des étudiants en soins infirmiers, faire le relais de la politique institutionnelle au sein de l’hôpital ou de la structure de formation, sélectionner ou recruter, voilà décrites quelques-unes.

Nous constatons qu’un manager, issu d’une école de commerce peut sans problème bien travailler dans une entreprise, une banque, une administration sans que l’on remette en cause ses connaissances, ses savoirs, ses compétences. Un directeur d’établissement, manager hospitalier peut aussi bien occuper des fonctions de DRH, financières, travaux, juridique en ayant suivi sa formation généraliste à l’EHESP.

Nous admettons que pour être un formateur compétent, il est nécessaire de renouveler régulièrement ses connaissances. Le métier implique une remise en question continue des savoirs théoriques et pratiques.

La notion de passerelle courte ou longue illustre bien la volonté d’accessibilité et de transférabilité des métiers dans le contexte d’ajustement aux évolutions sans qu’il n’y ait besoin de reconversion. Le métier de formateur en soins infirmiers comporte, depuis que les professionnels infirmiers forment leurs pairs, deux spécificités :

  • « L’héritage du formateur avec comme indicateurs l’évolution des mots qui l’ont désigné,
  • le parcours liés avant tout au diplôme de cadre de santé et non pas à un diplôme de formateur d’adultes ou d’ingénierie de formation.2 »

Les formateurs voient évoluer leurs activités et leurs postures conjointement aux évolutions du système de formation. Leur rôle se centre davantage sur le suivi et la guidance des étudiants ainsi que l’accompagnement des professionnels de terrain dans les démarches pédagogiques qui se transforment.

Le métier même du formateur est ainsi défini : « il conçoit des dispositifs ou des actions de formations en analysant et en créant « des situations d’apprentissage diversifiées qui conduisent les novices sur le chemin de l’expertise.3 »

Les orientations évoquées dans le rapport De Syngly sont à entendre : « Les cadres formateurs en instituts de formation paramédicale qui vont désormais préparer des professionnels obtenant un grade licence, devraient eux-mêmes être recrutés avec le niveau universitaire master. À terme, cela pourra conduire certains d’entre-eux à se mettre en perspective de préparer la thèse de doctorat en vue d’occuper des postes universitaires futurs. Cette évolution est étroitement liée au développement à l’université des sciences paramédicales. Elle se fera de manière progressive et devra être accompagnée.4 »

Après, il est question plutôt de modalités managériales de l’organisation pédagogique, de choix stratégiques, de vision et d’idéologie professionnelles. Mais aussi de complément de formation en sciences de l’éducation et la formation tout au long de la vie (FPTLV) comme le développement professionnel continu (DPC) sont des dispositifs à utiliser et optimiser.

Fonction du cadre infirmier

Le cadre infirmier a pour fonction de coordonner des logiques, des actions, des moyens ; de mobiliser, dynamiser l'intelligence des hommes au service d'un projet de soins, d'organisation, de formation ; de s'inscrire dans une démarche de recherche dans le domaine du soin comme de la pédagogie. Il participe aussi à des coordinations avec la hiérarchie infirmière (les cadres supérieurs, avant tout aujourd'hui des gestionnaires) et par eux il est en lien avec la gestion hospitalière (dans des projets par exemple de qualité). Mais il coordonne aussi avec le corps médical, avec les associations de patients, avec la formation initiale (par les stagiaires accompagnés dans le service devenu le terrain des stages), avec les familles. Enfin, il est en lien avec le corps des intervenants (auditeurs, visiteurs certificateurs, chercheurs, qualiticiens etc.) qu'il reçoit dans  le service ou l’unité. La qualité de la prise en compte du soigné est étroitement liée à la qualité de la satisfaction des personnes au travail. Charge au cadre de donner un sens, un but à la mission que chacun doit rendre dans l’exercice de sa fonction, il doit donner du sens aux actions.

Le cadre de proximité constitue le « premier niveau d’encadrement qui anime hiérarchiquement (ou fonctionnellement) des équipes ou des groupes de travail ayant acquis, à des degrés différents, une certaine autonomie dans la réalisation du travail… ».
De par sa situation l’encadrement est de proximité dans la mesure où il est proche du lieu de production, il est auprès des équipes, « là où les problèmes quotidiens se posent, là où les tensions se vivent et, enfin là où il faut trouver des compromis tout en étant capable de prendre de la distance pour traduire, consolider, anticiper et faire évoluer. » Il est l’interface entre les équipes et sa hiérarchie dont il doit adopter les objectifs stratégiques et avec qui il doit négocier les moyens nécessaires à l’atteinte de ceux-ci. Il fait partie d’un système de fonctionnement qui contribue à définir en particulier son positionnement et son niveau de responsabilité (directe ou déléguée).

L’équipe, le groupe en formation attendent du cadre qu’il mette en adéquation son discours et son comportement, qu’il sache décider, qu’il sache reconnaître chacun en tant qu’être à part entière. Le cadre doit s’engager, s’impliquer, être capable d’affirmer ses convictions, ses principes, ses exigences, ses valeurs. C’est à travers l’élaboration  de projets collectifs que le cadre va s’engager. Le projet devra être mobilisateur au sein du service, il sera conçu en équipe, vécu et mis en œuvre par l’équipe avec des objectifs précis, réalisables et évaluables dans un cadre référentiel commun.

Pour mener à bien un projet, le cadre doit valoriser les ressources humaines :

  • veiller à faire coexister  la notion d’individualité et celle de collectif ;
  • veiller aux bonnes circulations des informations (protocoles, procédures, transmissions..) et favorise la communication afin d’éviter les conflits ;
  • observer en permanence et être à l’écoute de son équipe, afin de repérer les problématiques (il est attentif au bien-faire et bien-être) ;
  • veiller à reconnaître les compétences et à laisser une certaine autonomie, capacité de décision, de responsabilité aux professionnels (tout en gardant la décision finale) ;
  • veiller à évaluer les compétences de chacun, ses motivations et doit permettre à chaque individu d’accéder à des formations continues ;
  • veiller à faciliter le dialogue entre les membres du corps médical et les membres du corps soignant en mettant en place des temps de rencontres de ces équipes pluridisciplinaires.

Le cadre de santé doit également aujourd’hui se préparer à des impératifs qui dépassent son équipe. Il doit faire face et s’adapter à de nouvelles responsabilités transversales et tenir compte de nouvelles obligations :

  • veiller à répondre aux exigences économiques et financières de l’établissement (projets d’établissement, contrats d’objectifs et de moyens..) ;
  • veiller à répondre aux demandes venant de la direction du service des soins infirmiers ;
  • veiller à répondre aux demandes de diverses directions : travaux, services économiques, clientèle, qualité... ;
  • anticiper l’avenir (évolution du système de santé et évolution de son équipe).

Pour cela, le cadre doit animer une culture de soins et mettre en place une organisation adaptée à son service, tout en tenant compte des facteurs économiques :

  • gérer le personnel, veille à l’adaptation et formation des nouveaux ;
  • mesurer la charge de travail et veille à sa bonne répartition ;
  • gérer le matériel, les stocks et veille à sa bonne utilisation ;
  • organiser les soins avec les outils adaptés (dossier patient, diagramme de soins ; transmissions ciblées…).

À ce niveau, le cadre participe à l’optimisation et à la mise en œuvre des ressources humaines et logistiques allouées au regard des variations de l'activité et des priorités. Il aide les différents acteurs de l'équipe soignante à déterminer les besoins de santé des patients et à y répondre de manière adaptée. Les cadres ont donc un grand rôle à jouer en tant qu’acteurs et agents de changement, rôle stratégique et tactique autant qu’opérationnel, bien sûr. Mais rôle humain surtout, si l’on se rappelle que l’hôpital, même s’il est contraint par la réalité économique, c'est aussi un milieu d'hommes au service des hommes.

La loi de modernisation sociale de 2002 introduit dans le secteur sanitaire et social la validation des acquis de l’expérience et la même année paraît le rapport du professeur Yvon Berland sur
« La démographie des professions de santé », et en 2003 un rapport sur « Coopération des professionnels de santé : transfert de tâches et de compétences . »

L’application de la VAE a débuté dans le secteur sanitaire par la formation des aides-soignants (début 2005), puis les auxiliaires de puériculture (fin 2005) pour s’étendre aux spécialisations infirmières IBODE et Puériculture. La VAE reconnaît les savoirs et compétences issus de la pratique et de l’expérience, pourquoi ne pas reconnaître l’expérience infirmière, les formations réalisées et accorder 60 ECTS aux candidats à la formation de cadre de santé. Ces mêmes agents, (cf. rapport De Singly), sont presque systématiquement sur un poste de faisant-fonction de cadre de santé. Ils sont amenés à piloter des projets sans méthodologie, à assumer des responsabilités de personnel d’encadrement sans les connaissances nécessaires et font donc un apprentissage sur le tas, parfois douloureux.

« Cadres de substitution, exerçant les fonctions d’encadrement sans en avoir la formation ni la reconnaissance »,… « Isolés et prisonniers des statuts nous perdons progressivement confiance en nous, car on se dit que notre compétence, certes reconnue, reste fragile car liée à certaines personnes (directeurs, collègues) qui nous connaissent, nous apprécient mais qui une fois parties nous laissent démunis face à la rigueur d’une institution qui traite mal celui qui ne rentre pas dans la bonne case, en dépit des efforts consentis.5 »

Dans la réflexion sur la formation cadre de santé nous devons intégrer le fait que la formation infirmière depuis 2009 est entrée dans le système LMD. Manager et encadrer des personnels hautement qualifiés nécessite une formation supérieure professionnelle efficiente et diplômant (grade supérieur universitaire) pour l’encadrement de proximité comme supérieur. De plus, le secteur de la santé subit une mutation profonde : il génère de nouvelles contraintes ainsi que des enjeux spécifiques. Ce contexte nécessite une adaptation des professionnels de la santé :
« La formation visera à former des managers capables d’appréhender les problématiques actuelles des établissements hospitaliers et leurs objectifs de performance, tout en déployant une gestion humaniste des personnels. Il a pour objectif d’apporter des connaissances et des techniques managériales en complément des compétences et des savoir-faire déjà acquis dans le secteur de la santé.6 »

L’évolution de la formation des cadres de santé

Cadre de santé de proximité : depuis la création du corps d’encadrement soignant, ce dernier a suivi les évolutions techniques (ouverture à d’autres domaines : - management, - économie de la santé : ses concepts et outils : budget global, PMSI, T2A, tableaux de gestion économique et financière, - organisationnelles : centres d’activité, unité fonctionnelle, organisation polaire, - législatives et réglementaires (de la profession, des hôpitaux, droits des personnes soignées), - et politiques : politiques de santé publique : Plans et programmes, Gouvernances et loi HPST, - politiques de formation des personnels de santé).

Nous sommes passés d’une fonction de surveillant(e), à une fonction d’encadrement et depuis 1995 à la fonction de manager. Il s'agit de manager l'unité fonctionnelle : soins infirmiers, rééducation et médico-technique, ou de former les pairs avec un haut niveau de compétences.

Compétences du Cadre de santé de proximité : les aspects économiques et techniques côtoient l’aspect humain et relationnel. Le métier de cadre de santé nécessite donc une double compétence à la fois en gestion des ressources humaines (animation d’équipe, formation, gestion des conflits...) et en organisation d’une unité de soins (gestion et suivi de projets, organisation du travail).

Master 2 Professionnel d’encadrement : les candidats y accèdent après validation d’une VAP : reconnaissance d’un niveau M1 : expériences professionnelles et compétences acquises, actions de formation continue, exercice (faisant fonction de cadre : cf. rapport IGAS) et validation institutionnelle de la prise en charge de la formation donc du projet de cadre. « La mission De Singly préconise de mettre fin à la position bancale de « faisant fonction de cadre » et de rendre systématiques dans toutes les démarches de promotion interne professionnelle conduisant à l’encadrement, des mises en situation permettant de vérifier les réelles dispositions à manager.7 »

La formation des cadres supérieurs de santé de pôle

Les compétences

Le profil compétences de cadre de santé de pôle intègre des savoir-faire plus politiques ou stratégiques qu’auparavant :

  • participer à la gestion d’un sous-système organisationnel de type PME ;
  • accompagner les changements ;
  • réaliser, suivre et commenter des tableaux de bord médico-économiques ;
  • négocier avec les autres acteurs      de l'établissement (Ingénieurs, Techniciens, autres cadres, fonctions  supports…) ;
  • agir sur le processus de décision global et du pôle, notamment en collaboration avec le responsable médical de pôle.

Il a une mission de management et d'animation correspondant au dimensionnement polaire : coopération, représentation, expertise. Leur rôle est de coordonner globalement les acteurs des soins ou les activités au  niveau des pôles :

  • organisation globale des activités dans les pôles ;
  • encadrement et animation de l'équipe de cadres de santé ;
  • optimisation du séjour des patients ou des activités, dans le respect des contraintes de sécurité, de qualité... ;
  • optimisation de l'utilisation des moyens et équipements (ex. mutualisation du plateau technique) ;
  • traduction des projets d'établissement et de pôle au niveau des équipes et définition des plans d'actions.

De même que la formation initiale doit préparer les futurs cadres à des responsabilités et des organisations en forte transformation, la formation continue (FTLV, DPC) doit permettre cette adaptation aux cadres en fonction. C’est l’enjeu général et majeur pour tous les cadres hospitaliers. Ce faisant, cette formation tout au long de la vie accompagnera aussi les évolutions de carrière proposées aux cadres. On peut donc envisager une formation Master de recherche (M2) avec un mémoire portant sur des thèmes des politiques publiques, des stratégies managériales, d’approches sociologiques des organisations, d’approches économiques et marketing hospitalier ainsi que des problématiques de santé publique : études ciblées.

Des masters recherche

Les institutions pourront exiger systématiquement un master recherche pour l’accès au grade de cadre supérieur. Cette disposition peut en effet participer du développement stratégique des établissements hospitaliers. Dans le cadre des pôles, l’inscription dans un champ de recherche sera un enrichissement et un objectif de performance.

Quelques axes de recherche

  • Transfert et utilisation des résultats de recherche dans la pratique professionnelle.
  • Évaluation de la qualité des soins et services en milieux hospitaliers.
  • Évaluation des pratiques professionnelles et des technologies de l’information et des communications en santé.
  • Introduction d’innovations dans les pratiques et les organisations.
  • Promotion de la santé. Études des comportements dans le domaine de la santé.
  • Comportements des individus et des professionnels (ex : adoption des pratiques de prévention).
  • Développement et évaluation des interventions préventives.
  • Aspects sociopolitiques et environnementaux de la promotion de la santé.
  • Santé communautaire.

Notes

  1. Titre ouvrage collectif, Edit. Masson, sous la direction de C. Sliwka.
  2. Noel-Hureaux, Quelles perspectives pour les formateurs en soins infirmiers, p.190, in mémoire ENSP de Catherine Bitker, p.13, 2010.
  3. Jobert G., de la qualification à la compétence, p37, in mémoire ENSP de Catherine Bitker, p.16, 2010.
  4. Op Cit., p.54.
  5. Rapport De Singly, p. 48.
  6. Ibid., p.54.
  7. Rapport De Singly, Op. Cit., p.48.

Josseline JACQUES    Directeur des Soins  Directeur IFCS


Source : infirmiers.com