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REVALORISATIONS

Après Ségur, où en est-on vraiment ?

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Publié le 20/09/2022

Deux ans après sa mise en œuvre, où en est-on du Ségur de la santé et de son versant relatif aux salaires ? Entre revalorisations des grilles et octroi d’un complément de traitement indiciaire, le bilan qu’en tirent les représentants de la profession infirmière reste contrasté.

9 milliards d’euros : c’est la somme promise par le gouvernement pour reconnaître et revaloriser les métiers du soin dans le cadre du Ségur, dans le sillage d’une pandémie qui a mis en lumière l’épuisement des soignants et le déficit d’attractivité de l’hôpital. Sur les salaires, deux mesures phares sont mises en place : d’une part l’attribution d’un complément de traitement indiciaire (CTI), identifié comme Ségur 1 ; et d’autre part, la revalorisation des grilles des paramédicaux de la fonction publique, accompagnée d’une refonte des déroulements de carrière, nommée Ségur 2.  En tout, ce sont 1,5 million de professionnels qui doivent bénéficier de ces engagements, aussi bien dans le public que dans le privé, pour un investissement annuel estimé à 740 millions d’euros. Selon les chiffres publiés par l’Insee et la DREES mi-septembre, le Ségur, associé aux primes Covid, a permis d’augmenter les salaires de 6% en moyenne dans la fonction publique hospitalière. Pour autant, dans les faits, un an après l’apparition des nouvelles grilles, ces mesures s’illustrent de manière très contrastée.

Des mesures qui divisent

Retour en juillet 2020 : parmi la trentaine d’engagements pris par le gouvernement, le versement du CTI de 183 euros et les revalorisations des grilles des paramédicaux font partie des priorités. Le premier est mis en place dès le mois d’octobre 2020 lors du Ségur 1, d’abord à destination des agents publics, hors personnels médicaux, exerçant en établissements publics de santé, dans les EHPAD et dans les groupements de coopération sanitaires. Il a été ensuite étendu à ceux exerçant dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux rattachés à un établissement public de santé, à partir du mois de juin 2021 puis, à compter d’octobre 2021, aux agents remplissant les fonctions de soignants, d’aides médico-psychologiques, d’auxiliaire de vie sociale ou d’accompagnant éducatif et social au sein des établissements ou services sociaux ou médico-sociaux (ESMS) non rattachés à un établissement public.

 Octobre 2021, c’est aussi le moment où se mettent en place les revalorisations des grilles des personnels soignants et paramédicaux, le fameux Ségur 2. Dès avril 2021, toutefois, le gouvernement communique sur les augmentations de traitement des infirmiers , cadres de santé et aides-soignants1. Un an plus tard, ces revalorisations, auxquelles il faut ajouter le CTI, sont-elles jugées suffisantes ?

Force est de constater que, sur la question, les syndicats restent divisés. C’est un cautère sur une jambe de bois, tranche Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers, qui milite pour un alignement des salaires français sur la moyenne européenne. Ce n’est évidemment pas suffisant, abonde de son côté Sylvie Pons, infirmière et membre du bureau fédéral de la CGT Santé et Action Sociale, qui ne voit pas dans ces revalorisations l’un des leviers d’attractivité vantés par le gouvernement. Chez la CFDT, membre avec l’UNSA et FO de l’intersyndicale impliquée dans les négociations du Ségur, le discours est en revanche plus nuancé. Les délais relatifs à la mise en œuvre du CTI et aux revalorisations tels que prévus par l’accord ont été respectés, juge Nathalie Pain, secrétaire nationale chargée du suivi du Ségur. Et, globalement, les revalorisations correspondent à ce qui était prévu sur les grilles de rémunération. Pourtant, sur le terrain, apparaissent d’énormes disparités. Sylvie Pons, par exemple, n’a gagné avec cette nouvelle grille qu’un point d’indice, donc environ 4,90 euros, après dégel de ce dernier . J’ai donc gagné, avec le CTI, 186 euros au total. Quelques infirmières ont gagné 40 ou 45 euros sur leur revalorisation de grille mais ce n’est pas une généralité », relève-t-elle.

Le CTI, une prime qui n’en est pas une

Autre élément de confusion : le CTI. Inscrit sur une ligne distincte du traitement sur la fiche de paie, ce complément de revenu, à la différence d’une prime, compte pour le calcul de la retraite et n’est pas fixe. Il correspond en réalité à 49 points d’indice supplémentaires et est donc soumis aux variations du point d’indice. De 183 euros nets, il est ainsi passé à 186 euros depuis juillet 2022 à la suite du dégel de 3,5%. Et lui aussi ne fait pas l’unanimité. D’une part, il est susceptible d’être suspendu, notamment dans le cadre de la promotion professionnelle. Une aide-soignante qui veut devenir infirmière le perdra le temps de sa formation, par exemple, avant de le récupérer une fois revenue en poste, indique Thierry Amouroux, qui redoute que d’autres exemptions ne viennent un jour à être décidées. Sylvie Pons, elle, évoque même une possible suppression au gré des Projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Nous avions d’emblée demandé une augmentation de salaire de plusieurs dizaines de points d’indice, qui aurait été directement intégrée aux traitements de l’ensemble des agents de la fonction publique hospitalière (FPH). Les grilles auraient été refaites en fonction de ces indices majorés. Le CTI demeure, toutefois, la seule réelle avancée du Ségur car il est versé sans condition, juge-t-elle.

On imagine mal un gouvernement diminuer le traitement d’un fonctionnaire

Nathalie Pain, elle, estime inenvisageable sa suppression. On imagine mal un gouvernement diminuer le traitement d’un fonctionnaire, surtout considéré l’état dans lequel se trouve l’hôpital public aujourd’hui. Quant à l’inscription de ce CTI sur une ligne distincte, elle serait tout simplement due à la volonté de bien différencier les agents de la FPH du reste des fonctionnaires. Autant les grilles des paramédicaux sont presque spécifiques à la FPH, la grande majorité de ces professionnels y travaillant, autant ce n’est pas vrai pour les autres corps de métier, tels que les ouvriers, par exemple, très nombreux au sein de la fonction publique territoriale notamment, explique-t-elle, et pour lesquels les salaires se négocient au ministère de la Fonction publique et non pas à celui de la Santé. Présidait enfin à l’instauration de ce complément la volonté d’accorder une augmentation de salaire à tous les agents du secteur du soin, sans distinction de corps ou de service. Nous n’y sommes pas encore tout à fait, il nous reste quelques professionnels dans les établissements sociaux et médico-sociaux qui ne l’ont pas. Mais depuis deux ans, on n’a de cesse de rajouter des professionnels qui y ont droit, note-t-elle. Derniers en date, les professionnels en charge de l’intervention socio-éducative et les personnels soignants des structures jusque-là exclues, tels que les aides à domiciles des Services d’aide et d’accompagnement à domicile (SADD) territoriaux.

Les infirmiers du privé toujours moins bien payés
L’hospitalisation privée, si elle a aussi bénéficié d’une transposition du Ségur, pointe toutefois un écart croissant entre ses salaires et ceux du public. A ce jour, l’écart de rémunération nette entre le public et le privé pour un infirmière ou un infirmier est de 12,6% après 10 ans de carrière et atteindra 22,5% en fin de carrière, à la suite du Ségur et du dégel du point d’indice, déplore Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP). En mars 2022, la FHP, dont les tarifs sont encadrés, a obtenu de l’État une augmentation de 0,7%, notamment afin d’accompagner la mise en place du CTI au sein des structures privées (qui équivaut, pour le secteur, à 160 euros, contre les 183 euros initiaux accordés à la FPH). Mais pour faire face à l’augmentation du point d’indice de 3,5% dans la fonction publique, à l’inflation et à l’augmentation du SMIC, ce n’est pas suffisant, s’agace Lamine Gharbi, qui réclame une symétrie des mesures salariales. Il nous faudrait une augmentation de 5% en 2023 pour combler l’écart. Une urgence car, avec 10% de postes d’infirmiers vacants (environ 5 000 postes), l’hôpital privé souffre également d’un problème d’attractivité.
 
  1. Les chiffres donnés par le gouvernement sont ceux précédant le dégel du point d’indice, effectué en juillet 2022.

Source : infirmiers.com