Dépression, burn-out, pensées suicidaires... Malgré une hausse de la satisfaction au travail, près d’un professionnel de santé sur trois déclare souffrir ou avoir souffert d’un problème de santé mentale au cours de l’année écoulée. C’est près de 16 points de plus que la moyenne de la population générale, avance le dernier Baromètre ODOXA-MNH sur la santé des soignants. 29% des hospitaliers déclarent ainsi que leur santé mentale est médiocre ou mauvaise. C’est près du double de la moyenne de la population générale (14%) et seuls 18% des professionnels de santé pensent être en très bonne santé mentale. C’est 25 points de moins que la moyenne de la population générale (43%). « Il y a urgence à agir », s'alarment les auteurs de l'étude. D'autant que ces chiffres font écho à ceux avancés par l’association Soins aux professionnels de la santé (SPS), qui alerte depuis plusieurs années sur l’état de santé, et notamment sur la santé mentale des soignants. Ces derniers sont habitués à se montrer solides face à leurs patients vulnérables, et donc moins enclins à appeler à l’aide, explique régulièrement l’association lors de campagnes de prévention.
Les professionnels de santé sont aussi plus souvent malades que leurs concitoyens, relève l’enquête. Pratiquement 1 sur 2 (46%) dit avoir été malade au cours des trois derniers mois, soit 18 points de plus que la moyenne nationale.
Plus satisfaits mais toujours très stressés au travail
Malgré tout, la satisfaction au travail s’élève à 64% chez les professionnels de la santé (contre 77% dans la population générale), et l’étude montre également que ce taux de satisfaction, en chute libre lors du Covid, est revenu à son niveau antérieur. Le différentiel de satisfaction s’explique par le fait que les soignants connaissent des situations de stress au travail plus importantes que les autres actifs. Ils sont aussi beaucoup plus nombreux à faire face à de l’incivilité (45% contre 30% en population générale) voire à de l’agressivité physique (31% contre 27) de la part de leurs patients.
Au total, 56% des professionnels de santé vivent au moins une situation de violence au travail. Dans le détail, les aides-soignants semblent les plus exposées avec 69% de déclarations, les infirmiers également avec 59% de réponses positives et enfin les médecins avec 46%.
Un difficile équilibre entre vie pro et vie perso
Plus stressés et confrontés à une charge de travail conséquente, les soignants sont moins satisfaits de leur équilibre vie pro – vie perso que le reste de la population. Seulement 54 % des professionnels de santé déclarent que leur équilibre « vie professionnelle-vie privée » est « satisfaisant » contre 75 % en moyenne dans la population générale. 76% des professionnels de santé déclarent avoir souvent un volume de travail trop important versus 51 % pour la population générale (+25 points).
Les professionnels de santé sont aussi beaucoup plus nombreux que les autres Français à avoir des difficultés pour dormir : 61% d’entre eux en ont au moins tous les mois, soit 13 points de plus que la moyenne nationale.
Une soignante sur 2 n’a jamais effectué un examen de dépistage du cancer du sein, versus une femme sur 3 dans la population générale.
Les soignantes se font moins dépister
Selon le baromètre, les soignantes se font également moins dépister que la population générale. Une soignante sur deux n’a jamais effectué un examen de dépistage du cancer du sein, alors que la moyenne est d’1 personne sur 3 dans la population générale. Même auprès des femmes les plus à risques (+50 ans), l’écart reste important : 62 % des Françaises ont effectué un dépistage dans cette catégorie d’âge contre 56% des soignantes, alors même que les risques sont identifiés. « Les soignantes sont plus nombreuses que les Françaises à travailler régulièrement de nuit (31%) comparativement à la population générale (21%), et sont donc exposées à un risque de sur-prévalence des cancers. Avec près de 80 % de femmes dans les effectifs de l’hôpital public, le dépistage des cancers dits « féminins » doit être une priorité » explique Jean-Bernard Castet, Directeur général adjoint affaires publiques et santé à la MNH.
La prévention des soignants serait le moyen le plus efficace de limiter la hausse des dépenses de santé
Pour faire des économies : priorité à la prévention. Ce sont les conclusions tirées par cette enquête, dont un volet évalue les politiques de santé. Pour les soignants, encore plus que pour les Français, la prévention serait le moyen le plus efficace de limiter la hausse des dépenses de santé et donc le déficit de la sécurité sociale. 66% des soignants et 57% des Français voudraient ainsi faire de la prévention une priorité pour atteindre cet objectif.
Violences sexistes et sexuelles
La Baromètre Odoxa-MNH 2024 réalise également un état des lieux des violences sexistes et sexuelles (VSS) à l'égard des professionnels de santé. A l’hôpital comme en entreprise, celles-ci restent encore trop nombreuses, notamment à l'encontre des femmes : 68% des soignants et 56% des salariés on déjà été victimes ou témoins de ce type de violences.
Les remarques inappropriées sur l’apparence physique ou les plaisanteries sexistes faites en groupes sont les plus fréquentes, mais d’autres, bien plus graves, concernent de très nombreuses salariées et hospitalières. Ainsi, 12% des soignantes ont reçu des propositions à connotation sexuelle dans un contexte professionnel et 3% ont été victimes d’agressions sexuelles par un supérieur ou un collègue.
Si les progrès qui restent à faire sont immenses en la matière, les choses s’améliorent néanmoins peu à peu, note l’enquête. 68% des soignants et 67% des salariés ont le sentiment que les choses ont changé sur au moins l’une des dimensions d’améliorations testées dans l’étude. Par ailleurs, 41% des professionnels de santé et 56% des salariés soulignent les efforts de leur établissement/entreprise dans ce domaine.
Le Baromètre Odoxa-MNH 2024
Enquête réalisée auprès d’un échantillon de Français interrogés par Internet du 2 au 3 octobre 2024 et d’un échantillon de professionnels de santé interrogés par Internet du 30 septembre au 14 octobre.
Échantillon représentatif de la population française de 1 005 personnes âgées de 18 ans et plus et d’un échantillon de 1 541 professionnels de la santé.
Pour en savoir plus :
- Le Baromètre ODOXA-MNH 2024
- L’association Soins aux professionnels de la santé (SPS)
SANTÉ PUBLIQUE
Préserver le cœur des femmes : le rôle des infirmiers en prévention
ÉCOLE
Education à la santé sexuelle : les infirmières scolaires sous haute pression
HOSPITALISATION
L’infirmier "bed manager" au cœur de la gestion des lits
IDEL
Vidéo - "Avec un enfant, il faut savoir être enveloppant"