Le 14 août dernier, un séisme d’une intensité de 7,2 sur l’échelle de Richter (qui en compte 9) a frappé Haïti, l’un des pays les plus pauvres du monde et déjà durement touché par un phénomène similaire de même ampleur en 2010. Au milieu des ruines, les blessés sont pris en charge par les soignants venus en renfort, comme l’infirmière coordinatrice haïtienne Mimose Prunau, au sein de l’hôpital de l’Immaculée Conception.
L’urgence de masse : c’est l’une des caractéristiques de la médecine de catastrophe, qu’Haïti vit une fois encore, depuis qu’un tremblement de terre s’y est produit mi-août. Plus de 2 200 morts, des centaines de disparus, des milliers de blessés et des sinistrés qui se comptent à la pelle : le pays est exsangue. Une infirmière venue prêter main forte dans l’un des établissements de santé situés près de l’épicentre du séisme, aux Cayes, voit affluer les patients depuis deux semaines. Elle témoigne de la situation et de son quotidien dans nos colonnes.
Lorsque la terre a tremblé, comment avez-vous réagi ?
Pour moi qui vis et travaille habituellement à Port-aux-Princes, le séisme n’était pas si violent que cela. J’ai senti la terre trembler, c’est vrai, mais je me suis dit que ce n’était pas trop grave. En fait, c’est par l’intermédiaire des médias que j’ai mesuré l’ampleur de la gravité de la situation. J’ai ensuite été missionnée par MSF France pour me rendre sur place avec d’autres collègues, dans une région durement touchée, à une trentaine de km de l’épicentre du séisme. Le 23 août, notre équipe a rejoint celle de l’hôpital de l’Immaculée Conception des Cayes, le plus grand hôpital public du département situé dans le Sud-ouest de l’île. Dès qu’on est arrivé sur place, on a compris que c’était le chaos. Les services étaient totalement engorgés, les patients mélangés. Les enfants et les adultes étaient entassés ensemble, à même le sol ; tout cela sans compter les familles, qui étaient là, sans savoir où aller car leur maison avait été détruite ou menaçait de s’effondrer. Avec le médecin coordonnateur, on a rapidement vu que l’urgence était dans le désengorgement des services pour prendre en charge les patients et limiter le risque d’infections nosocomiales. On a travaillé avec la logistique pour monter sans tarder quatre tentes dans la cour de l’établissement pour isoler les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, et également les enfants et la maternité.
Quels types de patients prenez-vous en charge ?
Ici, environ 20 patients arrivent chaque jour pour recevoir des soins. Des hommes, des femmes, et de nombreux enfants. La plupart du temps, il s’agit de traumatologie : on suspecte ou on constate de nombreuses fractures, qu’on doit confirmer par examen radiologique puis, souvent, traiter par chirurgie au bloc opératoire. On voit aussi de nombreuses plaies infectées, susceptibles de s’aggraver en raison des conditions d’hygiène. On fait des pansements très fréquemment. Les cas graves ne sont pas si fréquents que cela, heureusement. Mais aujourd’hui par exemple, nous devons amputer de la main droite un jeune garçon de 10 ans ; il y a quelques jours, un enfant de 12 ans a lui aussi été privé de l’un de ses membres. On sait que si l’os est trop sévèrement infecté, c’est trop tard. Hormis cela, nous devons aussi prendre en charge les blessés par balles ; cela représente environ 4 cas par semaine. Depuis le séisme, les problèmes socio-politiques, la pauvreté et l’insécurité que l’île connaît depuis des années ont beaucoup augmenté ; certains volent les autres pour pouvoir manger et survivre. Parfois même, ils violent. A l’hôpital, on voit arriver les personnes agressées, ou bien les agresseurs blessés par la police, qui tentait de les stopper.
Comment voyez-vous les jours et les semaines à venir ?
Nous sommes une équipe d’une quinzaine de personnes, dont 5 infirmiers, missionnée pour trois mois dans cet établissement. C’est utile, bien sûr, mais insuffisant au regard de la situation. Pour ma part, j’aimerais que nous puissions suivre nos malades au moins jusqu’à leur rétablissement. Mais je sais aussi que de nombreux Haïtiens sont loin des villes et ne vont pas jusqu’aux hôpitaux pour se faire soigner. Je crois que des épidémies sont à craindre et qu’il serait bon de sillonner les routes avec des équipes mobiles pour aller vers ceux qui n’ont pas accès aux soins pour anticiper les risques. Et depuis le séisme de 2010, nous n’avons pas pu reconstruire le pays, encore très pauvre. Pour toutes ces raisons, notre collaboration avec les ONG est capitale : sans elles, on ne saurait pas comment faire et on n’aurait sans doute pas les moyens d’agir ; on n’aurait pas non plus accès à du matériel médical ni à des médicaments, gratuitement. C’est ce que nous apporte l’aide de MSF France, comme celle que nous mettons en place avec certains autres acteurs, y compris du côté cubain de l’île. L’aide doit être maintenue, c’est essentiel.
Propos recueillis par Anne Perette-Ficaja
Directrice de la rédaction
anne.perette-ficaja@gpsante.fr
@aperette
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