Vendu au profit de la Fondation de l’AP-HP, l’ouvrage « Visages de l’AP-HP face au Covid-19 » présente une collection de portraits réalisés par trois photographes lors du premier confinement. Un moyen à la fois de fixer cette période étrange en image et de rendre hommage à tous les personnels de l’institution.
Mars 2020. Alors que la crise sanitaire frappe, forçant des millions de Français à se confiner chez eux pour freiner la transmission du Covid-19, l’hôpital public se dresse en première ligne pour absorber le flux des malades. Afin de rendre hommage à ses personnels, soignants comme non-soignants, fortement mobilisés, l’AP-HP accueille alors Christophe Meireis, Maxime Huriez et Jean-Philippe Moulet, 3 photographes qui vont réaliser bénévolement sur place des centaines de portraits. Plus d’un an après le premier confinement, l’ouvrage « Visages de l’AP-HP face au Covid-19 », préfacé par Solenne Le Hen, journaliste santé à France Info et paru en octobre 2021 aux éditions La Martinière, réunit 200 d’entre eux.
Voir l’humain derrière le soignant
Ils sont médecins, infirmiers, informaticiens, voire jardiniers ; parfois jeunes, ou plus âgés ; il y a des hommes et des femmes. Mais ils ont tous en commun d’avoir travaillé à l’AP-HP lors du premier confinement, en 2020, au plus fort de la crise sanitaire. Victor, Lisette, Atef ou encore Chrystelle nous sont présentés dans une succession de portraits en deux temps : avec et sans masque. Une écriture photographique, note Maxime Huriez, qui donne à voir l’humain derrière le soignant
. Lorsqu’on est face à un professionnel, on a une vision de son métier, sans trop penser à l’individu qui existe derrière
, ajoute Christophe Meireis. L’idée, c’était de montrer que, derrière le masque, il y a quelqu’un qui sacrifie peut-être une partie de sa vie ; de valoriser l’humain.
Lui a choisi de réaliser des portraits sur fond noir, une photographie de studio
qui permet de mettre en valeur le visage des modèles, leur regard, et sur laquelle le bleu et le blanc des blouses éclatent. Un parti pris qu’a aussi décidé d’embrasser Jean-Philippe Moulet. Maxime Huriez, habitué des photographies en milieu institutionnel et en entreprise, a préféré les mises en situation dans les locaux des hôpitaux, chaque modèle ayant été invité à poser avec un objet personnel ou professionnel qui le représente
, et l’alternance des plans serrés et des plans larges. C’était un vrai parti pris, afin de leur permettre d’habiter l’image, de personnifier le portrait
, explique-t-il.
Je voulais montrer que tout n’est pas tout noir à l’hôpital.
En découle une galerie de portraits aussi divers que vivants, où sous les masques et les charlottes se lisent aussi bien la fatigue que des sourires et des regards parfois pétillants. La multiplicité des attitudes et des visages, celle des formats également, préserve de toute monotonie et apporte même un certain dynamisme à cette succession d’images. J'ai un peu dirigé les modèles
, explique Christophe Meireis lorsqu’il relate les séances photos. Même s’il ne se passe rien, il faut qu’il y ait un détail, quelque chose dans le regard qui donne l’impression qu’on est face à eux.
Maxime Huriez, lui, a choisi de leur faire exprimer quelque chose de positif. Je voulais montrer que tout n’est pas tout noir à l’hôpital.
Les trois parties de l’ouvrage, une pour chaque photographe, sont par ailleurs émaillées de reportages photographiques réalisés entre autres par les professionnels des établissements de l’AP-HP et tirés en noir et blanc afin de leur conférer une certaine unité. S’y dévoilent ainsi les coulisses de la prise en charge des malades du Covid-19 (évacuations sanitaires, prise en charge en réanimation…) mais aussi des morceaux du quotidien des soignants (préparation des plateaux repas, transmissions, interaction avec les patients…).
Carte blanche aux photographes
C’est parce que son activité a été mise à l’arrêt lors du premier confinement que Christophe Meireis a eu l’idée de photographier les soignants de l’AP-HP, qui bénéficient alors d’un véritable élan de solidarité de la part de la population. Je me suis demandé ce que je pouvais faire de mon côté. Et la seule chose que je sais faire, c’est des photos
, raconte-t-il. Il propose à l’hôpital Tenon d’intervenir pour en photographier les agents, soignants et non-soignants. Très vite, l’AP-HP, qui a vent de son initiative, lui demande de l’étendre à d’autres établissements. Maxime Huriez suit un cheminement identique : Au début, je leur ai proposé de faire des reportages dans les unités Covid – c’est d’ailleurs par là que j’ai commencé, dans le service ECMO de la Salpêtrière. Puis l’AP-HP m’a proposé de réaliser des séries de portraits dans différents hôpitaux.
Il se rend ainsi dans une dizaine d’établissements, notamment dans les hôpitaux Bretonneau, Saint-Louis, Bicêtre, Ambroise Paré ou encore Bichat. Les trois photographes ont carte blanche, avec une seule obligation fixée par l’AP-HP : réaliser ce fameux dyptique avec et sans masque.
L’important, c’était de leur donner un moment où l’on prenait soin d’eux et où ils étaient valorisés.
La photo comme instant de respiration
Aux créneaux définis par l’AP-HP, vient qui veut, seul ou en groupe. Souvent ils venaient à plusieurs, par service. Donc souvent, c’était un peu la récréation
, s’amuse Christophe Meireis. Et si l’idée de ces photographies consiste à faire un cadeau aux soignants
, il s’agit aussi de leur offrir un moment de respiration, alors qu’ils sont fortement sollicités par la crise liée au Covid-19. L’important, c’était surtout de leur donner un moment qui les sorte de la bulle dans laquelle ils se trouvaient, un moment où l’on prenait soin d’eux et où ils étaient valorisés.
Et le succès est au rendez-vous, à tel point que Maxime Huriez se souvient d’une journée au rythme dense à l’hôpital Saint Louis. C’est allé très vite, mais c’était très fort
, se remémore-t-il. Il y avait tellement de gens, il y avait un véritable engouement pour l’exercice du portrait.
À l’origine, il n’est toutefois pas prévu de tirer un ouvrage de ces séances photos, mais simplement d’exposer les photographies dans les différents établissements de santé parisiens. Les clichés présentés dans « Visages de l’AP-HP face au Covid-19 » ne représentent ainsi qu’une petite partie de l’ensemble de la production réalisée par les trois photographes durant les premiers mois de la pandémie, le reste ayant bien été affiché dans les établissements. Cette publication est également l’occasion de donner la parole aux professionnels de santé qui, à travers plusieurs témoignages, racontent la manière dont ils ont vécu cette crise sanitaire de l’intérieur, entre effarement devant le flux et l’état des patients et sentiment renforcé de cohésion et de solidarité avec l’ensemble du personnel de l’institution.
Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
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