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"Une adaptation de tous les instants pour être réactifs et se réorganiser, au jour le jour..."

Publié le 23/07/2020
virus et coordination

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A l’heure du bilan, après cette très sévère crise sanitaire qui a impacté de façon très importante le monde de la santé et l’ensemble de ses acteurs, les directeurs d’établissements des formations paramédicales n’ont pas été épargnés et ont dû s’adapter au plus vite pour maintenir les objectifs pédagogiques pendant le confinement et soutenir les étudiants en période de stage. Nous avons demandé à Florence Girard, directrice IFSI/IFAS à Ussel, mais aussi présidente de l'Association nationale des directeurs d'école paramédicale (AndEP) de nous livrer son retour d’expérience alors que se profile déjà une nouvelle rentrée.  

"Pour la rentrée prochaine, il nous faut bien mesurer l'équilibre entre le distanciel et le présentiel. En effet, les étudiants nous ont dit qu'ils avaient besoin d'être ensemble pour se construire et vivre leur formation. La professionnalisation ne se fait pas seulement sur les terrains de stage mais aussi dans les échanges entre étudiants et entre étudiants et formateurs".

Infirmiers.com – A l’image de tous les secteurs d’activité, le maître-mot de cette crise sanitaire a été "adaptation". Du côté des formations paramédicales et de leur continuité, comment cela s’est-il traduit dans les faits ?

Florence Girard  – Nos capacités d'adaptation, en effet, ont été mises à l'épreuve et nous avons dû faire appel à différentes stratégies en matière de management de nos équipes, organisationnelles, logistiques, stratégiques, pédagogiques… Au niveau logistique, en premier lieu, nous avons dû organiser, du jour au lendemain, le télétravail par la mise à disposition de ressources à distance pour les formateurs et de dispositifs permettant la formation à distance pour l’ensemble de nos étudiants. Au niveau pédagogique, notre mission première était de garantir la continuité des enseignements en passant d'un mode présentiel à un mode distanciel avec des formateurs qui n'étaient pas tous adeptes de ces outils en formation mais aussi expérimenter de nouveaux modes d'évaluation en prenant en compte les aménagements de fin de formation prescrits par la DGOS et les ARS. Il nous a fallu également déployer les étudiants en renfort aux soins en modifiant parfois l'alternance cours/stage/vacances, mais en sécurisant leur statut d'étudiant et en s'assurant de la disponibilité de matériel de protection. Parfois aussi, il nous a fallu négocier avec les responsables des structures si les équipements s’avéraient non conformes. Autre enjeu, poursuivre la relation pédagogique d'autant plus que les étudiants infirmiers et les élèves aides-soignants avaient parfois besoin de parler, raconter, être sécurisés car ce qu’ils vivaient, isolés de leurs compagnons de formation, seuls chez eux ou en terrains de stage exposés au COVID19, était à la fois difficile mais aussi angoissant. Eviter les décrochages, les rassurer, les aider à gérer leur apprentissage et cela en complément de tout le travail que faisait les formateurs a été une réelle nécessité. Nous avons du également gérer les arrêts maladie, en lien ou non avec la Covid19, et s'assurer du respect de l'application des droits étudiants particuliers pour ceux qui étaient en promotion professionnelles (heures supplémentaires, heures de nuit…). Enfin, au niveau managérial, ce travail de soutien de longue haleine aux étudiants, réalisé par les équipes pédagogiques a eu besoin, lui aussi d’être encadré, sécurisé et encouragé. Nos établissements ont du réorganiser leurs équipes (formateurs et secrétaires), gérer les incertitudes, les craintes, voire les résistances, liés à des pratiques inédites, veiller au suivi individualisé des étudiants, former à l’habillage-déshabillage en service de soins, débriefer sans cesse… Bref, une adaptation de tous les instants pour être réactifs et se réorganiser, au jour le jour, comme la situation l’imposait.

Autre enjeu, poursuivre la relation pédagogique d'autant plus que les étudiants infirmiers et les élèves aides-soignants avaient parfois besoin de parler, de raconter, d’être sécurisés car ce qu’ils vivaient, isolés de leurs compagnons de formation, seuls chez eux ou en terrains de stage exposés au COVID19, était à la fois difficile mais aussi angoissant.

Infirmiers.com -  Comment les équipes pédagogiques ont-elles géré cette mise à distance avec les étudiants compte-tenu du contexte sanitaire alors que maintenir le lien avec eux était une nécessité ?

Florence Girard – Les suivis ont été organisés à distance, soit par contact téléphonique, soit par visio (le plus souvent). Certains étudiants sont venus à l'IFSI ou à l’IFAS quand ils avaient vraiment besoin de rencontrer quelqu'un pour témoigner, par exemple, d’une expérience douloureuse vécue en unité COVID, en réanimation ou en Ehpad. Les classes virtuelles ont aussi permis à des petits groupes de travailler entre eux à distance. Nous avons dû souvent conjuguer avec les problématiques liées à une absence de connexion internet ou à sa lenteur, d’ordinateur partagé avec le reste de la famille ou de logiciels trop anciens pour pouvoir accéder à la plate forme… L’heure a souvent été au système D mais finalement la plupart du temps des solutions ont pu être trouvées… Les étudiants se sont parfois regroupés pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions « techniques ».

Infirmiers.com – Avez-vous senti chez les étudiants en soins infirmiers de 3e année et chez les élèves aides-soignants un surinvestissement de leur envie de soigner dû à une forte exposition en service COVID, et donc une plus forte envie de commencer à travailler comme IDE ou AS, ou, au contraire, avez-vous observé du découragement, du désinvestissement pour ce qui représentait leur future profession ? Comment avez-vous pu être à l’écoute et aidant ?

Florence Girard – Il y a eu différents profils mais, globalement, les étudiants se sont beaucoup investis et ont vraiment trouvé le sens de leur futur métier.  Ils ont aussi mesuré ce qu'était le travail en interdisciplinarité. D'autres ont questionné leurs valeurs et cela a était très sain et salutaire que de pouvoir le faire dans une telle situation sanitaire tout à fait inédite. Ils s’en souviendront à jamais. L’expérience qu’ils ont acquis dans ces conditions extra-ordinaires sera sans doute un plus dans leur vie professionnelle mais aussi personnelle. Ils pourront dire j’y étais et j’y ai participé et la représentation de leur métier aura sans doute évolué. Beaucoup d’étudiants ont témoigné douloureusement des situations liées à la mort des patients, à l’absence des familles, aux prises de décision dans l’urgence dans les unités Covid, à cette relation d’aide qu’ils n’ont pas pu déployer comme ils l’auraient voulu... Cependant, il n’y a pas le recul nécessaire encore pour savoir quels professionnels de santé ils seront dans un proche avenir. Tout ceci a besoin d’être digéré avant que d’être élaboré. 

Beaucoup d’étudiants ont témoigné douloureusement des situations liées à la mort des patients, à l’absence des familles, aux prises de décision dans l’urgence dans les unités Covid, à cette relation d’aide qu’ils n’ont pas pu déployer comme ils l’auraient voulu...

Infirmiers.com – Concernant la diplomation des étudiants en fin de formation, comment les choses se sont organisées ? Quelles validations des UE si retard d’enseignement et des travaux de fin d’étude ? Quid des terrains de stage, eux aussi déplacés pour cause de COVID ? Et quel timing à présent pour la remise des diplômes ?

Florence Girard – La diplomation n'a pas été retardée et les évaluations, même à distance, ont pu se faire. Pour le mémoire, la soutenance, n'a pas toujours eu lieu mais, dans ce cas, les grilles d'évaluation ont été revues. Pour les stages, certains étudiants en soins infirmiers n'ont pas fait l'ensemble des 15 semaines du S6 pour vulnérabilité par exemple. Dans ce cas, chaque jury a pris la décision de valider ou non la formation en fonction des éléments du dossier. Un autre jury est organisé en septembre pour ceux qui auraient besoin d'un stage complémentaire. Certains étudiants en ont d’ailleurs fait la demande.  Concernant les aides soignants rentrés en janvier 2020, l’obtention du diplôme ne se fera qu’en fin d’année. Notre volonté de les aider à poursuivre au mieux leur formation est intacte, notamment en renforçant la construction du groupe interrompue par la crise sanitaire. C’est un élément important pour toute promotion d’apprenants.

Infirmiers.com – Parallèlement à cette continuité pédagogique pour les étudiants en cours de formation, il vous a fallu préparer la rentrée 2020 et donc sélectionner les futurs étudiants avec de nouvelles procédures. Ce travail s’est-il opéré dans la sérénité ou avez-vous du faire face à des difficultés en la matière ?
 
Florence Girard – Par chance, pour la formation en soins infirmiers, nous avions derrière nous une année de recul avec Parcoursup et ce sont pratiquement les mêmes référents d’établissements pour un regroupement que l'an passé, ce qui a bien facilité le suivi. De plus, nous avons été bien accompagné, à distance, par le ministère de l’enseignement supérieur et ses représentants avec qui nous avons l’habitude de travailler en toute confiance. Les critères de sélection sont ceux en lien avec les attendus nationaux. Cette année, le nombre de voeux a été ramené à 5, ce qui a permis un "brassage" plus rapide des candidats. Des candidats qui, semble-t-il, ont fait des choix le plus souvent à proximité de leur région. A la rentrée 2020, les établissement feront le plein (cf. encadré ci dessous), bien sûr, surtout qu'il y a plus de bacheliers que les autres années ! Je ne sais pas si la crise sanitaire a boosté les engagements car la fin des inscriptions est intervenue en début de crise. Nous le mesurerons mieux l’année prochaine sans doute. Par contre, pour la rentrée prochaine, il nous faut bien mesurer l'équilibre entre le distanciel et le présentiel. En effet, les étudiants nous ont dit qu'ils avaient besoin d'être ensemble pour se construire et vivre leur formation. La professionnalisation ne se fait pas seulement sur les terrains de stage mais aussi dans les échanges entre étudiants et entre étudiants et formateurs. Autre enseignement d’importance, l'usage rendu indispensable du numérique dans cette période de crise sanitaire montre combien il est indispensable que les formateurs aient une formation solide en ce sens.

Pour la rentrée prochaine, il nous faut bien mesurer l'équilibre entre le distanciel et le présentiel. En effet, les étudiants nous ont dit qu'ils avaient besoin d'être ensemble pour se construire et vivre leur formation.

Augmenter le nombre de paramédicaux formés...

Les conclusions du Ségur de la Santé dévoilées mardi 21 juillet 2020 prévoient, en mesure 4, d'augmenter le nombre de professionnels paramédicaux formés et ce, immédiatemment, dès la rentrée 2020, après concertation avec les régions :

  • extension des capacités de formation des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) offertes sur Parcoursup comprise entre +5 % et + 10, % (cible de 2000 places supplémentaires dès la rentrée 2020 et poursuite dans les 5 ans à venir) ;
  • augmentation progressive des effectifs aides-soignants avec un objectif de doublement des entrées en formation d’aides-soignants d’ici 2025.

Réaction de Florence Girard : Il me semble important de souligner que les places d'accueil diminuent chaque année alors que par ailleurs on nous demande d'accueillir plus d'étudiants en formation. Nous pensons que si le tutorat était justement valorisé, il y aurait certainement plus de places pour accueillir les étudiants. La valorisation doit passer par un temps reconnu dans le temps de travail pour cette mission spécifique et par une valorisation salariale

Propos recueillis par Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com