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ESI

Tenue or not tenue… that is the question !

Publié le 03/05/2016
tenues soignants blouses

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Ghalia étudiante en soins infirmiers à Saint-Etienne, nous livre une analyse de situation vécue lors d'un stage ; une situation d'hygiène observée dans une unité d'admission en soin psychiatrique. La question de la tenue des soignants dans ce type de service l'a particulièrement interrogée, où comment adapter les bonnes pratiques en vigueur à la réalité des prises en soin des patients. Toujours bien vu…

« L'étonnement » ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage.

Formatrices dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Pascale Brisse et Zohra Messaoudi ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement « Hygiène et infectiologie », de réaliser une analyse de situation à partir d'un « étonnement » vécu lors de leur premier stage. Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015, textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, voici une nouvelle série qui sera déployée lors des prochains mois. Après les témoignages d'Emeline et de Thomas , voici celui de Ghalia. Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.

Tenue de soins ou tenue de ville… ou un mix des deux … une situation qui interpelle une ESI en stage de psychiatrie.

Dans le cadre de ma formation infirmière, j’ai effectué un stage de cinq semaines dans une unité d’ admission en soin psychiatrique à l’hôpital. Il s’agit d’une unité où sont accueillis des patients atteints de troubles psychiatriques, lorsqu’ils sont en phase aiguë, afin de les stabiliser puis les réorienter vers d’autres lieux de soin. Ce service était composé de trois psychiatres, une cadre de santé, une équipe de jour de dix infirmiers et une équipe de nuit de cinq infirmiers, ainsi que d’agents de service hospitalier. Sa capacité d’accueil était de vingt-deux lits.

La description de la situation

Pour mon premier jour de stage, j’ai été affectée au poste du matin. C’était ma première expérience professionnelle dans le domaine infirmier et je n’avais aucune connaissance sur le fonctionnement d’un service hospitalier. A mon arrivée, je suis allée en salle de pause car c'était l’heure de la relève avec l’équipe de nuit. Après m'être présentée, les trois infirmiers avec qui j’allais être ce jour-là, Mr S., Mme A. et Mme R., m’ont expliqué ce qu’était une relève. Quand celle-ci fut terminée, je suis allée dans le vestiaire des étudiants afin de me mettre en tenue professionnelle. J’ai ensuite rejoint les infirmiers en salle de soin. J’ai alors remarqué que tous avaient gardé leur tenue civile, vêtements ou chaussures. Mme R. et Mr S. portaient des vêtements à manches longues. Les trois collègues avaient une blouse à manches courtes par-dessus leurs vêtements. Mr S. avait une montre. Les deux infirmières avaient des cheveux plus ou moins longs qui étaient détachés et Mme R. portait des bagues au doigt. Quant à moi, j’avais enfilé une tenue, pantalon et blouse à manches courtes, j’avais changé mes chaussures, mes cheveux étaient attachés. Mme R. me demanda de retourner me changer en ne gardant que la blouse et de l’accompagner ensuite auprès d’une patiente, afin d’observer une prise de sang pour un bilan d’entrée. Cela permet, une fois analysée, de détecter si la patiente souffre d’un dysfonctionnement ou de carences biologiques, et ce sera aussi utilisé comme référence pendant toute sa prise en charge.

Le moment du soin…

La patiente, Mme C, était hospitalisée depuis la veille au soir, pour tentative de suicide au gaz. C’était la seconde fois qu’elle était hospitalisée ici pour le même motif. Comme elle était rentrée la veille, cette dame devait rester en chambre en attendant de voir un médecin. Quand nous sommes entrées dans la chambre, Mme C. était toujours au lit mais elle était déjà réveillée. L’infirmière a d’abord eu un moment d’échange avec elle, pour se présenter, lui demander comment elle se sentait ce matin-là, si elle avait passé une bonne nuit et pour lui rappeler qu’elle venait lui faire une prise de sang pour un bilan d’entrée. Mme C. en avait déjà été informée la veille au soir. L’infirmière se dirigea alors vers la salle de bain et se lava les mains au savon doux. Puis, elle alla s’installer près de la patiente, en se penchant légèrement au dessus du lit. Sa tenue est restée la même que décrite précédemment et sa blouse était déboutonnée. Elle mit des gants, et monta son aiguille (c'est-à-dire mettre la tulipe sur l’adaptateur). Elle posa ensuite un garrot sur son bras, lui fit serrer le poing, trouva une veine, désinfecta la zone utile avec un coton imbibé de désinfectant et fit la prise de sang. Une fois le tube remplit jusqu’au trait, elle le secoua plusieurs fois de haut en bas. Elle jeta l’aiguille dans une boite à aiguilles et desserra le garrot.  Avant de partir, elle lui dit que nous allions repasser dans un court moment pour servir le petit déjeuner, et lui demanda si elle n’avait besoin de rien de plus.

Mme R. me demanda de retourner me changer en ne gardant que la blouse et de l’accompagner ensuite auprès d’une patiente, afin d’observer une prise de sang pour un bilan d’entrée.

Le sujet de mon étonnement

Quand nous somme sorties, j’ai fait part à l’infirmière de mon étonnement vis-à-vis de nos tenues. Elle m’expliqua : c’est vrai que ça ne respecte pas exactement ce que tu as pu apprendre mais tu vas vite te rendre compte que parfois la réalité du terrain ne sera pas forcément comme dans tes cours. Aussi, il faut savoir que la psychiatrie est un domaine particulier où le soin se dispense en grande partie par la parole et rarement par des gestes plus techniques et invasifs comme il peut en avoir dans d’autres services. C’est pourquoi on se permet d’être un peu moins rigoureux sur nos tenues car il y a moins de risques, mais cela ne nous dispense pas d’être vigilant sur l’hygiène quand c’est nécessaire comme à l’instant par exemple, car ce n’est pas parce que l’on ne fait pas souvent de gestes techniques qu’il n’y a aucun risques infectieux. Sa collègue, Mme A., a ajouté : en fonction des pathologies, la tenue professionnelle peut aussi être ressentie comme une agression ou une intrusion, chez certaines personnes qui sont dans le déni de leur maladie par exemple ou d’autres souffrant de paranoïa. Ces réponses m’ont encore plus questionnée, c’est pourquoi j’ai voulu travailler là-dessus.

Et des questions par voie de conséquence…

J’ai observé cette situation sur tous les membres de l’équipe avec qui j’ai eu l’occasion de travailler durant mon stage et ce, tout au long de celui-ci, que ce soit au moment de la préparation des traitements, du service des repas ou durant les quelques soins somatiques ou palliatifs qui ont pu avoir lieu. J’ai pratiqué par moi-même dans des situations similaires durant mon stage et à chaque fois je me demandais si en agissant ainsi, le patient n’était pas exposé à une infection ? En effet, j’avais appris qu’une infection résultait de la pénétration et du développement de germes tels que les bactéries, dans un organisme1. Or les agents infectieux vivent partout dans l’environnement et sur les êtres vivants. Les cheveux par exemple, transportent à eux-seuls environs 105 bactéries susceptibles d’être transmises. Il en est de même pour la flore transitoire, responsable de la contamination, qui émane de l’activité et de l’environnement de la source dont elle provient1. En apportant donc tous les micro-organismes qui peuvent se déposer sur nous lorsque nous sommes à l’extérieur de l’hôpital, et que nous les gardons une fois dans l’enceinte de l’hôpital, ne devenons-nous pas des sources permanentes de contamination ? Cela pourrait alors expliquer le choix d’un mélange de polyester et de coton (65% /35%) pour la confection des tenues professionnelles utilisées en milieu médical afin de diminuer les risques de transmission et donc d’infections nosocomiales, ce mélange étant moins adhérent aux micro-organismes que le coton. Cependant, la protection des patients en matière d’hygiène, mais aussi du personnel soignant lui-même, était une préoccupation importante dans leur pratique professionnelle. Cela se traduisait par l’utilisation des gants en latex qui étaient une fourniture nécessaire au fonctionnement du service. Dans cette optique, je me suis demandée si le latex était une matière assez résistante pour expliquer le maintien des bagues aux doigts ? Ne risquaient-elles pas de le perforer durant le soin ?

Quid de l' effet « blouse blanche »...

Je me suis aussi longuement questionnée sur ce que m’avait expliqué l’infirmière à propos de l’uniforme médical. Qu’est-ce que la tenue professionnelle pouvait renvoyer comme message chez une personne atteinte de troubles psychiatriques ? En discutant avec les différents professionnels qui m’entouraient et avec de l’observation, il apparaissait que parfois, effectivement, l’anxiété de certains patients s’intensifiait en présence d’infirmiers avec leur blouse alors que ces mêmes patients paraissaient plus calmes lorsqu’aucun signe d’appartenance au corps médical ne les entourait. Ce ressenti n’est pas spécifique au secteur psychiatrique car il a été démontré que l’ « effet blouse blanche » peut provoquer des réactions chez les individus, notamment au niveau physiologiques (accélération du rythme cardiaque et augmentation de la tension artérielle), qui perçoivent le milieu médical comme un environnement stressant2. En sachant cela, je me suis demandée qu’elle était l’intérêt de maintenir le port de la blouse dans ce service ? Pourquoi ne pas rester alors entièrement en tenue civile ? Il est question ici de la dimension symbolique de la blouse blanche. Elle témoigne du statut privilégié qu’a le soignant, qui détient la connaissance et la rigueur. Elle a un effet sur les patients, qui transmettent à ceux qui la portent, leur confiance. Elle impose, par sa présence, le maintien d’un cadre médicalisé rassurant et une distance relationnelle qui pourrait être amoindrie de par la proximité qui peut exister. La blouse est une « barrière protectrice du psychisme »3.

Parfois, effectivement, l’anxiété de certains patients s’intensifiait en présence d’infirmiers avec leur blouse alors que ces mêmes patients paraissaient plus calmes lorsqu’aucun signe d’appartenance au corps médical ne les entourait.

Des exceptions à la règle ?

Néanmoins, bien qu’il soit nécessaire de prendre ces facteurs en considération lors des phases de soins, les infirmiers ne dérogent-ils pas à leur obligation envers le patient mais aussi envers la loi de réduire au maximum le risque d’exposition à une infection ? En effet, le descriptif de ce que doit être la tenue professionnelle ainsi que son utilisation, font partie des Précautions Standards régies par la Circulaire n° DGS/DH/98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang lors des soins dans les établissements de santé4. Cette loi fait partie d’un programme national de prévention afin de protéger les patients et le personnel médical4. Sur qui, alors, la responsabilité d’une telle décision est-elle portée ? Que risque chacun des professionnels ? Et si ce fonctionnement a lieu dans ce service, en est-il de même dans tous les services psychiatriques ? Cela ne peut être vérifié que par de l’expérience sur le terrain que je n’ai pas encore acquise. N’ayant pas d’éléments comparatifs, je ne peux, pour le moment, tirer de conclusion. Il n’empêche que j’ai voulu savoir si peut-être il existait des exceptions à ces règles, notamment pour la psychiatrie ? D’après le texte de loi4, les précautions standards doivent être appliquées pour tout patient dès lors qu’il existe un risque de contact ou de projection avec du sang, du liquide biologique, des sécrétions ou excrétions, et pour tous contacts avec une peau lésée ou une muqueuse. Ceci est valable pour tous patients, tous soignants, et tous les lieux de soins5.
C’est pourquoi tout au long de mon stage, je me suis demandée comment répondre à un patient qui m’interpellerait sur nos tenues ? Que lui aurais-je répondu ?

Si ce fonctionnement a lieu dans ce service, en est-il de même dans tous les services psychiatriques ? Cela ne peut être vérifié que par de l’expérience sur le terrain que je n’ai pas encore acquise…

De la nécessité d'adapter sa pratique aux réalités de terrain…

Grâce à ce questionnement, j’ai compris que l’apprentissage pratique doit se faire toujours en lien avec l’apprentissage théorique. J’ai pris conscience qu’il se peut que je sois confrontée durant mes études mais aussi tout au long de ma future carrière, à des situations où il sera difficile de faire coïncider les deux, de par la réalité du terrain. Il est nécessaire que je me prépare à de telles situations en m’interrogeant sur mes pratiques mais aussi sur ma responsabilité propre que j’engagerai dès lors que je prendrai place dans une équipe soignante, que ce soit en tant qu’étudiante/future infirmière et infirmière diplômée. Cela m’a également permis de développer mon sens de l’observation et d'évaluer le patient dans sa globalité et dans sa complexité afin que, plus tard, je puisse adapter ma pratique à ce que j’aurais appris mais aussi au ressenti que je peux renvoyer chez l’autre. Je n’avais pas pleinement conscience des répercussions que peut engendrer l’image de l’infirmière mais après avoir fait ce travail, je pense que la prochaine fois je serai plus attentive aux conséquences de mon attitude globale et non plus uniquement centrée sur le soin en lui-même.

Le fait que ce stage soit une première expérience professionnelle pour moi, a peut-être joué sur ma façon de calquer les habitudes du personnel qui m’entourait. Lors de mes prochains stages, je ferai en sorte d’avoir un regard plus critique et de faire attention à ne pas reproduire des gestes sans avoir pleinement compris leur intérêt et sans corriger les risques qui y sont liés, si cela est possible. Enfin, rechercher des réponses à mes interrogations m’a permis d’enrichir ma culture générale sur des sujets qui m’étaient complètement inconnus et qui me seront utiles pour me forger un bagage professionnel nécessaire afin d’être une infirmière compétente.   

Il est nécessaire que je me prépare à de telles situations en m’interrogeant sur mes pratiques mais aussi sur ma responsabilité propre que j’engagerai dès lors que je prendrai place dans une équipe soignante…

Notes

  1. Dr I. MARTIN, cours « Agents infectieux Bactériologie et Antibiotiques », septembre 2015
  2. www.information.hospitalière.com consulté le 21/11/2015
  3. HILLION K., LE DEIST D., J’ai écris sur ma blouse, Revue de l’infirmière n°26, avril 1997, p66-67  
  4. Circulaire N° DGS/DH/98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d'agentsinfectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins dans les établissements de santé.
  5. Dr I. MARTIN, cours «  Les Précautions Standards », septembre 2015

El Ghalia CHABRI  Etudiante en soins infirmiers L1 - UE2.10 : Analyse de situationCroix-Rouge Formations - Rhône-Alpes, Saint-Etienne


Source : infirmiers.com